Grèves : ce que les compagnies aériennes ne nous disent pas

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Par Pauline Bérino Publié le 13 septembre 2018 à 5h00
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38,4 milliards $Les bénéfices cumulés des compagnies aériennes devraient atteindre 38,4 milliards de dollars en 2018?

En France, la grève est un droit fondamental. Elle fait partie de notre histoire et même de notre éthique.

Il ne s’agit donc pas de remettre en cause cette liberté, mais bien de comprendre ce qu’elle implique, notamment lorsqu’elle s’invite dans le transport aérien. Les droits des passagers en cas de retard ou d’annulation de vols font en effet l’objet d’une certaine omerta de la part des compagnies, quand il ne s’agit pas tout simplement pour elles d’essayer de contourner la loi !

Compagnies aériennes : des droits et des devoirs

Avant d’évoquer d’éventuels remboursements, il faut bien comprendre de quoi on parle. Lorsqu’une grève n’est pas directement reliée à la compagnie aérienne, notamment lors d’une grève des contrôleurs aériens, celle-ci est considérée comme une circonstance extraordinaire. Les compagnies aériennes sont alors exemptées de verser une indemnisation, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne doivent s’acquitter d’aucun dédommagement. Ce que les voyageurs lésés ignorent encore trop souvent.

Ainsi, ils peuvent demander le remboursement du prix de leur vol initial, notamment si leur vol est annulé et qu’aucune solution de remplacement ne leur est proposée. Ils ont également la possibilité de disposer d’un hébergement, quand ils sont amenés à dormir sur place. Enfin, sous certaines conditions, les compagnies ont aussi l’obligation d’offrir des collations lorsque les voyageurs restent sur place en attendant leur prochain départ.

Enfin, elles sont également tenues par le règlement européen de communiquer sur ces droits dans la zone d’enregistrement, mais, bien souvent, elles le font via une simple feuille A4, épinglée au niveau des comptoirs d’enregistrement et qui passe totalement inaperçue. En cas d’annulation ou de refus d’embarquement, la compagnie aérienne est même obligée de présenter une notice écrite au passager concerné qui l’informe sur les règles d’indemnisation et d’assistance applicables en vertu du règlement européen.

Les droits existent, mais personne ne les connaît

C’est ainsi qu’à Nice, début juin, deux classes de 4e et de 3e du lycée Don Bosco, qui s’apprêtaient à prendre un vol de nuit pour Edimbourg, se sont retrouvées bloquées au sol, suite à un triple phénomène : des retards accumulés sur les précédents vols, des équipages ayant atteint la limite légale d’heures travaillées et une grève du contrôle aérien. Au final, les élèves sont restés toute la nuit dans l’aéroport pour finalement prendre un vol le lendemain matin. La compagnie sur laquelle ils voyageaient a affirmé que la totalité des passagers avait été prise en charge par les équipes au sol et s’était vu proposer un remboursement ou un hébergement, ainsi que des rafraîchissements jusqu’à l’heure du nouveau vol. Les parents d’élèves, eux, affirment au contraire que les enfants n’ont reçu pour seule compensation qu’un bon d’achat de 9 € pour leur petit déjeuner.

Qui a raison et qui a tort ? Là n’est pas la question. Cet épisode est surtout révélateur de la méconnaissance des passagers quant à leurs droits en cas de grève, de retard ou d’annulation de vol. Il faut dire que certaines compagnies n’hésitent pas à brouiller les pistes. Ainsi, certaines cherchent souvent à faire valoir le caractère « extraordinaire » d’un mouvement social pour éviter de verser toute compensation. Récemment, la Cour de justice de l’UE a pourtant donné raison aux 10 000 passagers de TUIfly, qui réclamaient une indemnisation pour l’annulation de leurs vols. De nombreux employés s’étaient mis en arrêt maladie pour protester contre une mesure interne impopulaire. La Cour de justice a refusé de reconnaître le caractère « extraordinaire » de cette grève « déguisée », estimant que la compagnie aurait pu et dû la prévoir. Cet arrêt élargit l’application du règlement européen et il ne semble pas vain de le considérer comme un pas vers la reconnaissance d’une indemnisation en cas de mouvement interne.

Insuffler plus de transparence dans le transport aérien

Pour aider les consommateurs à reprendre le pouvoir, il nous semble donc impératif de les aider à mieux connaître leurs droits. C’est pourquoi nous militons pour un affichage clair de ces derniers. Le lobby des compagnies aériennes rend difficile cette communication au sein même des aéroports. Toutefois, il nous paraît intéressant de la mettre en place dans les transports en commun effectuant des transferts ou amenant les passagers jusqu’au terminal.

Celle-ci pourrait prendre la forme d’affiches, résumant clairement les dédommagements possibles, selon les circonstances (ordinaires ou extraordinaires). Armées de cette connaissance, les personnes concernées pourraient alors faire valoir leurs droits auprès des compagnies aériennes. Ces dernières auraient d’ailleurs tout intérêt à faire preuve de plus de transparence dans ce domaine, afin de gagner la confiance de leurs clients et de modérer la grogne légitime des passagers.

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Pauline Bérino est experte juridique chez Flightright.

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