« Si la guerre économique est la lutte des grands de ce monde, elle affecte cependant un tissu économique territorial », Olivier de Maison Rouge

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Par Rédaction Modifié le 15 septembre 2020 à 16h52
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Dans un nouvel ouvrage sorti en librairie le 10 septembre 2020, l’avocat Olivier de Maison Rouge revient sur la notion de guerre économique, qu’il avait contribué à « penser » (Penser la guerre économique, bréviaire stratégique, VA Editions, 2018), en offrant désormais au lecteur un manuel de résilience.

Pouvez-vous nous expliquer le sens de votre démarche avec ce 2ème livre consacré à la guerre économique ?

Dans ma précédente contribution, je m’étais attelé à théoriser les concepts de guerre économique, non seulement à travers les âges mais aussi eu égard aux études militaires qui avaient longtemps prévalues, avant d’en relever les réalités contemporaines et les leçons héritées de grands auteurs, sous forme de maximes dûment compilées ; ce que n’aurait pas renié Sun Tzu.

Après ce premier exercice théorique, ce manuel de survie à la guerre économique repose a contrario sur une approche pratique, car si la guerre économique est la lutte des grands de ce monde, elle affecte cependant un tissu économique territorial, constitué de TPE, PME et ETI dont les moyens de défense et les ressources demeurent circonscrits. Ces entreprises sont pourtant les principales cibles des affrontements industriels et commerciaux.

Ma qualité d’avocat m’a permis d’identifier certains mécanismes qui confinent à ces conflits commerciaux larvés, que je reprends dans ce livre aux fins d’illustrations, outre des mises en garde associées à réponses adéquates. Autant de cas pratiques et de bons réflexes qui permettent de dessiner un guide moins érudit que pragmatique.

Mais aussi parce que la guerre économique emprunte de nombreux ressorts tirés des lois de la guerre, elle-même largement héritée des armées et des grands penseurs militaires, Von Clausewitz ayant été un précurseur en matière de grande stratégie (là où, selon Hervé Couteau-Bégarie, Sun Tzu a été surtout un tacticien), il convient d’être en mesure de tirer les enseignements nécessaires, adaptés au terrain économique, pour des conflits parfois davantage localisés.

En définitive, la seconde partie de cet ouvrage, tend à démontrer que la guerre économique obéit à des permanences intemporelles et qu’en réalité les lois de la guerre prévalent aussi bien dans les combats armés que les batailles économiques.

Ayant précédemment démontré que les buts de guerre étaient similaires (in Penser la guerre économique, bréviaire stratégique, Va Editions, 2018) – les stratèges nous ont légués de nombreuses leçons qui doivent irriguer tout autant la matrice intellectuelle économique. C’est l’objet de ce nouvel opuscule.

Quels sont les premières leçons que vous tirez de la crise économique et sanitaire ?

Longtemps rendues à la globalisation, les entreprises retrouvent désormais une part de leur nationalité. Le discours de la souveraineté économique revient sur le devant de la scène.

Il ressort ainsi de ces cinq dernières années que les États-Unis d’Amérique sont passés de l’impérialisme au nationalisme avec Donald Trump, lequel, après s’être appuyé sur eux pour complaire, a renvoyé John Bolton et les autres faucons… cet acte signe la fin du rôle de gendarme du monde que les USA s’étaient assignés. Toutefois, Donald Trump n’a pas cédé au protectionnisme et demeure, quoiqu’en disent certains à tort, un libéral sachant composer business à l’international.

Il faut par ailleurs relever la fin de la verticalité mondiale : OMC, OMS, ONU, etc. attestant la mise entre parenthèses des institutions internationales, et plus généralement du grand concert des nations pour revenir à des « souches » plus localisées : émergence d’une nouvelle multipolarité adossée aux identités « régionales » (à l’instar de Christine Lagarde passée du FMI à BCE, des négociations de traités commerciaux par zones d’influence…) qui traduit cette nouvelle guerre froide économique, cette mise en place du « bloc contre bloc ».

De son côté, la Chine a marqué ses positions stratégiques avec une façade maritime défensive, constituée du « collier de perles » et un axe continental offensif avec sa « nouvelle route [plus précisément, “ceinture” dans la version originale] de la soie » (One Belt One Road, OBOR). De même, le plan « Made In China 2025 », qui fixe 10 secteurs stratégiques issus de l’industrie électronique, vise la suprématie technologique.

Chaque bloc renforce donc sa sphère d’influence naturelle et détermine les frontières de son bloc, même si parfois le Soft Power en pâtit.

Dès lors, il me semble que la 3e guerre mondiale est engagée : elle est plus que jamais économique et la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer ce qui était à l’œuvre.

Mais parce que cette époque est inédite, mon ouvrage propose de réduire l’incertitude.

Pour aller plus loin

Olivier de Maison Rouge est Avocat, Docteur en droit. Professeur associé à l’Ecole des relations internationales (ILERI) et à l’Ecole de Guerre Economique (EGE), intervenant régulier à l’IHEDN et à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM). L’auteur a été amené à défendre des entreprises confrontées aux actes d’espionnage économique et ingérences économiques ; il a développé une véritable doctrine en matière de contre-mesures juridiques et de protection du patrimoine informationnel. Il contribue ainsi à l’élaboration de références et standards en matière de sécurité économique et de souveraineté en matière d’informations sensibles. Auteur de nombreux articles et d’ouvrages :

- Cyberisques. La gestion juridique des risques numériques, LexisNexis, 2018

- Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique. VA Editions, 2018

- Le droit du renseignement - renseignement d’Etat, renseignement économique, LexisNexis, coll. Actualité, 2016

- Le Droit de l’intelligence économique. Patrimoine informationnel et secrets d’affaires, Lamy, coll. Axe Droit, 2012.

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