Hargne fiscale : le CNC veut taxer YouTube et Snapchat !

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Par Philippe Herlin Publié le 22 mai 2017 à 5h00
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784,5 millions €Le budget du CNC en 2016 était de 784,5 millions d'euros.

Pour se financer, le CNC, le Centre National du Cinéma, veut créer de nouvelles taxes, y compris sur Snapchat dont la dimension cinéphile nous échappe un peu…

Le CNC, le Centre National du Cinéma (et de l’image animée depuis 2009), est un organisme hybride – public mais bénéficiant d’une large autonomie – comme on en trouve beaucoup en France : un "établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière", créé en 1946. Il vient de publier son rapport annuel 2016.

La mission du CNC consiste à défendre le cinéma français, la production de films comme le réseau des salles. Les chiffres témoignent d’une certaine réussite dans ce domaine, quand on les compare avec les autres pays européens : la France est en tête pour la fréquentation avec 213 millions d’entrées en 2016, devant le Royaume-Uni (168), l’Allemagne (121), l’Italie, 112), l’Espagne (102). La France est également en tête pour la part de marché des films nationaux avec 35,8% en 2016, devant l’Italie (28,7%), l’Allemagne (22,7%), l’Espagne (18,5%), le Royaume-Uni (7,4%) (source : support de présentation du 11 mai 2017, pages 16 et 17).

Ces bons résultats doivent cependant amener à se poser la question du rôle de cet organisme : ne seraient-ils pas du même niveau si le CNC n’existait pas, étant donné la forte tradition cinéphile de la France ? Il est difficile de répondre à cette question, mais au-delà il faut s’interroger sur le rapport coûts/bénéfices.

784,5 millions d’euros de budget en 2016

Le CNC bénéficie en effet d’un budget de 784,5 millions d’euros en 2016, une sacrée somme. Cet argent ne provient pas de l’impôt mais, pour l’essentiel, de taxes spécifiques :

- 10,7% du prix de chaque billet de cinéma (la TSA), soit 151,6 millions d’euros

- une taxe sur les éditeurs et les distributeurs de services de télévision (la TST), soit 509,4 millions d’euros

- une taxe sur la vidéo et la vidéo à la demande, soit 17,7 millions d’euros.

Le CNC financé par la télévision et Internet

Un financement plutôt bizarre, qui ne vient du cinéma qu’à hauteur de 10% : ce sont les chaînes de télévision qui financent le CNC, ainsi que les services de vidéo à la demande (sur le principe qu’ils "bénéficient" des films produits par le cinéma, pourtant ils les payent, ce n'est pas gratuit, bref). Ce dernier financement est plus récent, le CNC s’est battu pour l’obtenir, il a défrayé la chronique sous le nom de "taxe Netflix". Le nouvel arrivant américain, leader mondial de la VOD, ne pouvait pas échapper à l’ingéniosité fiscale française ! Comme les usages basculent de plus en plus de la télévision vers Internet, l’organisme public ne veut pas voir ses recettes diminuer. Mais il veut aller plus loin : la présidente du CNC, Frédérique Bredin, a expliqué, lors de la présentation du bilan 2016 le 11 mai, que désormais YouTube, et même "Snapchat, etc." sont dans le viseur. Rien ne doit échapper au CNC !

On ne savait pas que les vidéos YouTube pouvaient accéder au rang d’œuvres cinématographiques, encore moins pour Snapchat d’ailleurs… Plutôt que de céder à cette habitude bien française de tout vouloir taxer, le CNC ferait sans doute mieux de s’interroger sur l’efficacité de ses dépenses et participer à l’effort de réduction des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, mais c’est sans doute trop demander.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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