La hausse du diesel : injuste mais justifiée

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Par Jean-Yves Archer Modifié le 12 janvier 2013 à 8h24

L'économie de tous les jours soumet parfois à l'esprit des questions dignes de la double face de Janus. Le cas du diesel fait partie de cette catégorie où la réponse est noire et blanche à la fois.

D'un côté, il y a longtemps que l'Union européenne milite pour une convergence des prix de l'essence et du diesel essentiellement pour des questions de pollution et d'émissions de particules fines particulièrement pernicieuses comme l'ont montré diverses études de pneumologie. La hausse des prix du diesel est donc justifiée et relève d'un aspect de santé publique que nul ne saurait avoir l'audace de négliger ou de minorer.

Selon une vision traditionnelle du prix, la hausse unitaire du litre aura pour effet de progressivement dissuader le consommateur d'acquérir un véhicule diesel ce qui, notons-le au passage, n'arrange pas la situation commerciale du groupe PSA. Parallèlement, cette hausse du diesel va probablement faciliter l'essor du parc de véhicules hybrides ou totalement électriques.

"Tout va très bien" pourrait donc être la chanson à fredonner s'il n'y avait à prendre en considération bien d'autres paramètres.

En premier lieu, en période de crise, le consommateur est peu enclin à réaliser l'achat d'un bien durable : l'effondrement de près de 15% du marché français des voitures neuves en atteste. Puis, toujours en période de crise, le pouvoir d'achat est atteint et dès lors le poste carburant est un sujet d'autant plus sensible que les tensions internationales et la stratégie des producteurs ont fait monter fortement les prix des produits raffinés. Par l'érosion du pouvoir d'achat qu'elle représente, la hausse du diesel est injuste.

En deuxième lieu, cette hausse est d'autant plus injuste qu'elle concerne les consommateurs captifs tels que les salariés qui vivent à la campagne loin de leurs lieux de travail. Pour une opératrice de l'industrie agro-alimentaire qui doit effectuer 35 kilomètres aller et retour pour se rendre à l'usine, une hausse de 10 à 15 cts du litre de gas-oil finit par compter. Ici l'injustice de la hausse a un volet territorial et social.

En troisième lieu, l'injustice de la hausse du diesel concerne les grands rouleurs que sont les commerciaux (déjà affectés par la profonde modification du barème d'indemnisation des frais kilométriques) et évidemment les marins-pêcheurs et les routiers. Ces derniers ont le plus grand mal à répercuter les hausses de leurs charges d'exploitation sur les donneurs d'ordre et compte-tenu des distances parcourues et des consommations des poids lourds, ils subissent de plein fouet une hausse du diesel. Là encore le diesel est un marqueur de ségrégation sociale car il concerne des catégories populaires.

Pour des raisons fiscales évidentes, le gouvernement subit des contraintes qui le prive de la possibilité d'agir sérieusement sur le niveau de la TIPP : dès lors, le prix du diesel est "condamné" à demeurer relativement élevé. Il nous est tous facile de prendre le prix d'un plein des années 2000 et de le comparer avec la situation présente. Selon le site Carbeo.com, la hausse du diesel serait en moyenne de 2,6 cts depuis le seul 1er janvier.

Or, en quatrième lieu, il faut savoir que le prix du diesel joue à front renversé avec le prix de l'essence. Ainsi, le gas-oil est plus cher à la pompe avant taxation que l'essence. Puis, du fait que les taxes sur le diesel représentent 49 % de son prix final (contre 57 % pour l'essence, source : UFIP 2011), on se retrouve avec un supercarburant plus coûteux que le diesel. Par souci de contraintes budgétaires, on ne peut pas exclure que le taux global des taxes sur le diesel ne le rende encore plus cher.

La hausse est explicable pour des motifs de santé : elle est même justifiable. Mais comme ce rappel l'a montré, elle engendre un ensemble d'injustices sociales qui pénalisent le monde du travail.

Dernier point, le diesel n'est pas près de quitter l'univers de nos routes. Ainsi, certains concitoyens touchés par la crise vendent fréquemment une berline essence pour acheter d'occasion une petite citadine diesel. La question est blanche comme la copie du gouvernement qui tâtonne et noire comme certaines fumées d'échappement des vieilles guimbardes diesel que l'on croise encore.

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Jean-Yves Archer est énarque ( promotion Léonard de Vinci ), économiste et fondateur de Archer 58 Research : société de recherches économiques et sociales. Depuis octobre 2011, il est membre de l’Institut Français des Administrateurs (IFA).  

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