L’histoire rocambolesque d’une prime à la française !

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Par Sophie de Menthon Publié le 20 novembre 2021 à 5h00
Paris 4189011 1920
12,5 milliards d'eurosLe PLFSS propose d'investir 12,5 milliards d'euros en 2022 pour poursuivre la mise en oeuvre des engagements du Ségur de la santé

Voici un savoureux exemple de ce qui se passe lorsqu’une initia tive privée vient interférer dans une crise sociale, celle des gilets jaunes. Quand les patrons veulent agir, le rempart étatique se met en place. Il est beaucoup moins rare qu’on veut bien le faire croire que des patrons demandent à pouvoir augmenter leurs salariés. Les entrepreneurs ont ainsi demandé l’opportunité de pouvoir donner librement une prime défiscalisée pour le salarié et l’entreprise, et hors charges sociales.

C’est là que le parcours du combattant commence, le problème étant dans le «librement». Il s’agit d’abord de faire connaître cette proposition, car faire une suggestion directe au gouvernement, c’est l’assurance de ne pas avoir de réponse, que personne ne s’intéresse à ce que vous proposez. Au mieux si cela arrive à un destinataire, on vous répond que les services réfléchissent (entre trois mois et trois ans).

Il a donc été dans ce cas précis décidé auparavant de prévenir les mouvements patronaux «représentatifs » et de voir s’ils cautionnaient l’idée et voulaient s’y associer. La réponse fut négative : «dangereux», un «précédent», « ce n’est pas aux entreprises de réparer les bêtises de l’État» (pas faux), « cela va troubler les négociations en cours », «on y avait déjà pensé jadis…», etc. Mais persévérer est un travers entrepreneurial, aussi ai-je décidé d’envoyer une lettre ouverte au ministre de l’Économie et des Finances et à la presse en même temps, ce qui a l’avantage d'accélérer les choses si les médias s’en mêlent. La réponse de Bercy ne se fait effectivement pas attendre, signée du cabinet :

Nous vous remercions de votre contribution au débat. Rien n’empêche évidemment les chefs d’entreprise de verser une prime de fin d’année. Toutefois, votre proposition en fait supporter une partie du coût aux finances publiques et aux contribuables. Je vous rappelle par ailleurs que le PLFSS1 prévoit une suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises en dessous de 250 salariés. Bien à vous.

Un chef-d’œuvre administratif franco-français, révélateur de ce qui paralyse la France et les entrepreneurs. Intellectuellement, il est admis que si Bercy ne prélève pas sa dîme, c’est un manque à gagner pour l’État qui pèse sur les contribuables : admirable perversité du raisonnement.

Pendant ce temps, Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, attentif et amical, nous prévenait qu’il soutenait cette proposition qu’il avait en tête. Le Premier ministre, en séance à l’Assemblée nationale, déclare reprendre la proposition du président des Hauts-de-France (de l’initiative des entrepreneurs, pas un mot). Les instances patronales représentatives acceptent alors officiellement l’idée sans beaucoup d’enthousiasme, à l’exception de la CPME qui dit la défendre depuis des années.

1 Projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/la-france-sens-dessus-dessous--9782416005312/

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Sophie de Menthon est la présidente du mouvement patronal Ethic. Elle est également membre du conseil économique et social (CESE), et auteur de nombreux ouvrages pédagogiques ou de vulgarisation pour la jeunesse.    http://www.sophiedementhon.fr/

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