Pour investir en France, il faut plus de confiance et plus de profit

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Par Jean-Paul Betbèze Modifié le 14 avril 2015 à 10h17
Entreprises France Croissance Macron Mesures
3 %Les investissements des entreprises ont revu à la hausse, de 3 %, leurs investissements industriels.

François Hollande les annonce, Manuel Valls les présente, Emmanuel Macron les calcule : voici la nouvelle série de mesures (on ne parle plus de loi Macron II, pour n’exciter personne) pour relancer l'investissement privé (classique) et soutenir le numérique (moderne). C’est obligatoire, mieux engagé… et surtout "facile".

Investir davantage est obligatoire : il n’y aura pas plus de croissance sans plus d’investissements, matériels, immatériels plus encore, et surtout financiers, pour augmenter notre compétitivité.

Une hausse de 3 % des investissements industriels

C’est mieux engagé : en janvier 2015, les entrepreneurs français revoient en hausse de 3 % leurs investissements industriels alors qu’ils les voyaient en baisse de 3 % en octobre. Merci les taux bas, le pétrole pas cher, l’euro faible et cette reprise qui nous entoure en zone euro !

C’est "facile" : il faut et il suffit en effet, pour investir plus, d’avoir plus de profit qu’actuellement (bien sûr) et surtout que d’habitude. Beaucoup plus. On le sait, l’investissement vient du profit, pas seulement pour l’autofinancer mais parce qu’il est la preuve que l’économie va mieux et que l’entreprise qui décide d’investir va, elle-même, mieux encore. Confiance et profit vont ensemble, aujourd’hui plus que jamais, et dans cette sortie de crise, il faut redoubler de confiance, donc de profit.

Être plus compétitif

Or les taux bas soignent mais ne guérissent pas, si la reprise n’est pas suffisante. Et cette reprise est aujourd’hui plus exigeante. Il ne s’agit pas d’être moins cher mais d’être plus compétitif : en avance sur le marché, meilleur producteur, meilleur vendeur, meilleur distributeur… La crise mondiale a traumatisé les décideurs : leur réticence à s’engager dans des investissements irréversibles demeure, dans les logiciels, les formations, l’immatériel.

Regardons les États-Unis. Plus de profit dans la valeur ajoutée que depuis 1950 et, enfin, plus de reprise. Des taux courts à zéro depuis 6 ans, à un minimum historique pour les taux longs, des salaires plats dans une économie qui avance à 2,5 % et se trouve en plein emploi et un investissement qui devrait croître de 5,5 % en 2015. Mais il décélère par rapport aux + 6 % de 2014, en attendant + 4,7 % prévu en 2016, et les premiers mois de 2015 inquiètent ! Les entreprises préfèrent les concentrations financières, les liquidités et acheter leurs titres.

Regardons la France. Taux bas : nous y sommes depuis longtemps, mais le crédit s’ébranle à peine. Salaires modérés : nous y venons, mais avec difficulté. Profitabilité forte avec une bourse en meilleure forme : c’est le début.

Le profit, ce grand absent

Le profit est le grand absent de la scène productive et politique française. Le CICE a arrêté une situation catastrophique et permis un modeste redressement. Le taux de marge des entreprises françaises baisse à 29,7 % en 2014 contre 29,8 % en 2013, et le taux d’investissement monte légèrement de 22,6 % à 22,7 %. Et le taux de marge est annoncé en modeste hausse en ce début d’année. Preuve que ce qui limite l’investissement, c’est bien ce taux : l’Allemagne en a un supérieur de 6 points de pourcentage au nôtre, et la remontée espagnole, c’est celle des profits.

Mais augmenter la part des profits dans la valeur ajoutée ne va pas de soi quand on est en reprise faible avec des salaires quasi indexés. Dans la récession de 2008-2009, la France a refusé les baisses de salaires nominaux subies en Espagne, au Portugal, en Irlande et les baisses de primes et les gels de salaires des Etats-Unis. Pour des raisons sociales et politiques, les revenus salariaux français ont été maintenus. Ceci a atténué la récession mais ne permet pas le même rebond, les profits ne s’étant pas reconstitués.

Les mesures Hollande, Valls, Macron (pour n’oublier personne) doivent aller au-delà de l’amortissement accéléré pour faire vraiment repartir la machine. Autrement, on risque un effet d’accordéon : on arrête d’investir maintenant, on recommence de mi-2014 à fin 2015 (en important), on réduit après. Ceci coûte, perturbe et surtout ne correspond pas à notre économie moderne où il s’agit de créer de nouveaux liens biens/services dans des marchés qui s’ouvrent, avec leurs nouveaux réseaux et les formations qui feront la différence.

Simplifier la vie des entreprises, mettre l’accent sur l’immatériel et soutenir ces "jeunes pousses" que le monde nous achète : est-ce donc si difficile ?

Article publié initialement sur le blog de Jean-Paul Betbèze

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Jean-Paul Betbèze est PDG de Betbèze Conseil, membre de la Commission Economique de la Nation et du Bureau du Conseil national de l'information statistique (France), du Cercle des économistes et Président du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Professeur d'Université (Agrégé des Facultés, Professeur à Paris Panthéon-Assas), il a été auparavant chef économiste de banque (Chef économiste du Crédit Lyonnais puis Chef économiste & Directeur des Etudes Economiques, Membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA) et membre pendant six ans du Conseil d'Analyse économique auprès du Premier ministre. Il est l'auteur des ouvrages suivants:· "Si ça nous arrivait demain..." aux éditions Plon, Collection Tribune Libre· "2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France" aux Editions PUF, 2012.. "Quelles réformes pour sauver l'Etat ?" avec Benoît Coeuré aux Editions PUF, 2011.. "Les 100 mots de l'Europe" avec Jean-Dominique Giuliani aux Editions PUF, 2O11. "Les 100 mots de la Chine" avec André Chieng aux Editions PUF, 2010. Son site : www.betbezeconseil.com

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