Paris à l’heure des montres… suisses

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Par Olivier Müller Modifié le 5 mai 2012 à 7h46

Lorsque l’on demande au maître horloger Christophe Claret le prix de sa dernière création, il répond d’un léger sourire entendu : « 390 ». Comprendre 390.000 CHF (325.000 euros). Il y a de futiles précisions dont le luxe ne s’encombre pas.

Pourtant, les 24 pièces de cette montre hors normes sont déjà presque toutes vendues. Alors que BaselWorld, salon mondial de l’horlogerie, vient de fermer ses portes, la santé du luxe et même de l’ultra-luxe est insolente. L’Europe n’a plus de pouvoir d’achat, mais compense sa balance commerciale en produisant des garde-temps Swiss Made à destination des eldorados asiatiques. A l’inverse, ceux-ci sont dépourvus de savoir-faire mais sont littéralement assoiffés de luxe à l’européenne. Les marchés cibles (Chine, Hong-Kong et plus modestement le Moyen-Orient) sont à peine rassasiés que les prochains relais de croissance sont déjà connus (Russie, Mexique, Inde).

A Paris, le réseau de vente est contraint de s’adapter. Les volumes des détaillants ne suffisent plus. Un jeu de 3 pièces Patek Philippe arrivé en début de mois place Vendôme (valeur 45.000 euros) est parti en moins de deux heures. Qui plus est, les fortunés touristes de l’Empire du Milieu n’apprécient guère de devoir courir rue de la Paix ou Saint-Honoré pour débusquer la pièce rare. La Compagnie Financière Richemont (4,2 milliards de CA en 2011, + 29%, qui possède les plus grandes marques horlogères) tente alors un coup de poker : l’ouverture, dans quelques mois, place de la Madeleine, du premier « Watch Megastore ».

Le pari est audacieux : non seulement le luxe s’accommode davantage de salons privés cossus que de grandes surfaces, mais cela vient heurter de plein fouet le réseau de revendeurs locaux.

La levée de boucliers fut d’ailleurs immédiate, surtout de la part des détaillants multi-marques. Premier concerné, Laurent Picciotto, le fondateur du bastion parisien de la haute horlogerie Chronopassion, n’y croit pourtant pas. « Cela échouera pour trois raisons : la rentabilité du site ne suffira pas à amortir les investissements colossaux ; le développement de zones « duty free » au sein même de la Chine peut remettre en cause leurs velléités d’achat à l’étranger ; enfin, en termes d’image, ce concept est fortement dépréciatif pour les marques. Qui imaginerait un Patek Philippe en corner dans ce type de grand magasin ? ».

Richemont, pourtant, maintient le cap. Pourquoi ? Parce que la France est la première destination mondiale du tourisme. Il y a donc énormément de touristes étrangers qui viennent en France acheter des montres... suisses. Si, sur les 16 milliards d’euros d’exportations horlogères suisses, près de 50 % sont à destination directe de l’Asie, la confédération helvétique a la ferme l’intention de toucher le reste de cette population lorsqu’elle visite Paris.

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Olivier Muller est à moitié suisse, à moitié français, et a été élevé au biberon de l'horlogerie d'exception depuis le berceau. Il travaille dans les RP à Paris mais continue à partager sa passion sur le magazine en ligne spécialisé Watch Lounge. 

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