Incertitude, quand tu nous tiens

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Par Hervé Goulletquer Publié le 28 mai 2019 à 10h30
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La parole du Président Trump devient confuse à force d’être dialectique. Quelle information le marché peut-il en extraire ? Du côté de l’Europe, quel sens faut-il donner aux résultats des élections au Parlement de Strasbourg/Bruxelles : continuité ou volonté de changement ? Et puis, est-ce que la politique va encore « parasiter » la vie économique en Italie ?

La parole de Trump a semblé perdre de sa capacité d'influence

Les marchés ont commencé la semaine sur « un bon pied », avec des bourses en hausse en Chine, au Japon et en Europe continentale. En rappelant que la fermeture de Wall Street (et aussi de Londres) a ralenti la dynamique d’ensemble. C’est dans un tel contexte que la parole du Président Trump a paru perdre de sa capacité d’influence. Pourtant, les mots ont pu être forts : « nous ne sommes pas prêts à conclure un accord » avec la Chine. Mais il faut aussi dire que ces éléments de langage assez peu constructifs se sont inscrits dans une communication très dialectique, au point peut-être d’apparaitre confuse. Le « locataire de la Maison Blanche » affirme aussi qu’« il va obtenir dans le futur un très bon accord avec la Chine ». Et dans la foulée d’ajouter que les Etats-Unis ne cherchent pas un changement de régime en Iran et que de « très bonnes choses » sont en train de se passer entre Washington et Pyongyang. Une précision, avant de se perdre complétement dans les sinusoïdes de la pensée « trumpienne » : il semble bien qu’un accord ne sera trouvé que quand les Chinois céderont.

Voilà pour la toile de fond. Elle porte un nom : incertitude. Sur le dossier des relations sino-américaines, il n’y a à l’heure actuelle que deux points fixes : celles-ci se sont dégradées et la communication du Président Trump est multidirectionnelle. Précisons rapidement ce deuxième point. Les objectifs de la maison Blanche sont pluriels : maintenir la croissance économique, mobiliser la base électorale du futur candidat à sa réélection et contenir ce qui est considéré comme une expansion non souhaitée de la Chine. Selon qu’il est choisi d’insister sur tel ou tel aspect, la parole est plus ou moins acide ou plus ou moins douce. Comment l’homme d’affaires ou l’investisseur peut-il s’y retrouver ? Il est difficile de décider dans un environnement aussi peu lisible. Avec comme conséquence difficilement évitable, un ralentissement de la croissance.

Européennes : et maintenant ?

Passons à l’Europe. Une question taraude les marchés au lendemain des élections au Parlement européen : quelque chose a-t-il changé ? Il est possible de répondre non, en arguant d’une majorité toujours très europhile : 67% cette fois-ci, après 70% en 2014. Mais on peut aussi affirmer que les choses bougent. En l’espace de 10 ans, le PPE, le parti de centre-droit a perdu près de cent sièges et le S&D, de centre-gauche, une cinquantaine. Les Libéraux et les Verts se sont « installés dans le paysage politique européen » et les partis eurosceptiques ont prospérés. Il y a ici la marque d’une usure des partis politiques traditionnels, qui touchent beaucoup des pays de l’Union. Il y a peut-être aussi l’expression d’une recherche d’un engagement européen moins frileux ou moins adaptable au gré des enjeux domestiques, que ce ne fût le cas tout au long de ces années marquées par la domination des « vieux » partis de centre-droit et de centre-gauche qui ont du mal à se réinventer.

A côté des dimensions partisane et géographique (quel parti et quel pays ?), cet aspect participe du choix du futur (de la future) Président(e) de la Commission. Face aux incertitudes d’un monde devenu multipolaire et instable (les preuves ne s’accumulent-elles pas ?), que doit faire l’Europe : business as usual, avec un choix qui s’oriente vers le candidat officiel du parti le plus représenté au Parlement (Weber du PPE) ou affirmation d’une volonté d’aller vers plus d’intégration et étudier alors d’autres options (un Libéral par exemple) ? La décision que le Conseil européen prendra enverra un message. Les marchés sont en mesure de le recevoir 5 sur 5. Ils s’intéresseront évidemment aussi aux implications de cette première nomination sur les suivantes, dont celle de Président de la BCE.

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Les marchés s’intéressent à un autre sujet européen : l’Italie. D’une part, il se dit que la Commission de Bruxelles s’interrogerait sur l’opportunité de lancer une procédure disciplinaire pour défaut de maitrise de la dette ; avec à la clé le risque de subir une pénalité (un dépôt pouvant aller jusqu’à 0,2 point de PIB, soit 3,5 milliards d’euros). D’autre part, quelle initiative politique la Ligue envisagerait-elle de prendre au lendemain du très bon résultat aux élections européennes (plus de 34% des voix) ? Prendre l’ascendant dans la conduite de la politique gouvernementale ou provoquer des élections générales ? Quelle synthèse entre objectifs politiques et contraintes politiques ? On n’y voit pas très clair. D’où une certaine prudence des investisseurs.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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