L’industrie recrute : comment attirer les jeunes ?

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Par Louisa Toubal et Thibaut Bidet-Mayer Publié le 28 novembre 2014 à 4h27

Les difficultés de recrutement rencontrées par les industriels s'expliquent avant tout par un problème d'attractivité : selon l'Education nationale, le nombre d'élèves en lycées professionnels inscrits dans une spécialité menant à l'industrie a baissé de 5,2 % entre 2005 et 2012. Il est régulièrement fait état d'une méfiance réciproque entre le monde de l'éducation et celui de l'entreprise. A quoi cela tient-il ? Quelles « bonnes pratiques » peut-on encourager pour rétablir un lien fort entre école et entreprise ?

Une image négative qui pèse sur le secteur

Rendre l'industrie et ses métiers attractifs auprès des jeunes et de leurs prescripteurs est un enjeu central pour résoudre les difficultés de recrutement du secteur. Selon, une enquête de l'Ifop pour l'institut Lilly réalisée en novembre 2013, les préjugés liés à l'industrie restent tenaces chez les jeunes : on retrouve parmi les qualificatifs que lui associent les 18-25 ans les mots « travail à la chaîne » (85 %), « pénibilité » (81 %), « saleté » (55 %), etc. Seulement 48 % des jeunes interrogés se voient ainsi travailler dans l'industrie contre 72 % dans le secteur des services.

Un vrai travail de sensibilisation au monde de l'entreprise reste donc à faire auprès des jeunes, mais également auprès de leurs prescripteurs (enseignants, conseillers d'orientation, etc.). Un sondage mené par OpinionWay en novembre 2013 en témoigne : pour 62 % des enseignants du second degré (toutes matières et statuts confondus), l'entreprise est considérée comme un « lieu d'exploitation ».

Renforcer le lien entre école et entreprise

Il convient de renforcer les connaissances des enseignants et des conseillers d'orientation sur les métiers industriels et sur l'environnement économique des entreprises. S'il existe encore des professeurs de lycées professionnels recrutés parmi les actifs de l'industrie, la majorité d'entre eux sont issus de l'enseignement supérieur et n'ont, au mieux, connu l'entreprise qu'à travers des stages. La problématique est la même du côté des conseillers d'orientation psychologues (COP), qui doivent davantage être informés des atouts que présentent les filières de formation professionnelles et technologiques.

Il existe pourtant de nombreuses initiatives visant à renforcer les liens entre l'école et l'entreprise. De nombreux acteurs s'investissent en effet dans la mise en place de dispositifs à destination des jeunes, des prescripteurs, des industriels eux-mêmes. La Fondation Croissance responsable propose par exemple des stages en entreprise de trois jours aux enseignants de collège et de lycée ainsi qu'aux conseillers d'orientation. Ce programme intitulé « Prof en entreprise » est une opportunité de mieux comprendre le fonctionnement interne d'une entreprise. D'autres initiatives comme celles lancées par la FIEEC permettent l'immersion d'une classe de quatrième ou de troisième pendant trois jours au sein d'une entreprise industrielle.

Adapter les formations aux besoins des industriels

Par ailleurs, 57 % des entreprises considèrent que le système éducatif n'est pas apte à former les profils qu'ils recherchent. Des places sont pourtant réservées aux représentants du monde économique dans les commissions qui définissent les contenus des formations. Cependant, compte tenu de la lourdeur du travail que cela représente, les organisations professionnelles, patronales ou syndicales, délèguent des permanents plutôt que des industriels et des salariés. C'est un des nœuds du « système » qui doit encore être amélioré.

La valorisation des métiers industriels et des filières de formation suppose également que les entreprises s'attachent à proposer des carrières attractives, quel que soit le diplôme initial. Trop souvent, les métiers industriels sont réputés très prescrits, laissant peu de place à l'initiative et ne permettant pas de réelle perspective d'évolution. L'enjeu est donc de faire monter en compétence les salariés en place par la formation interne plutôt que de privilégier la « cueillette externe ». Une meilleure offre de formation continue et une reconnaissance plus grande des acquis de l'expérience contribueraient à créer un « appel d'air » en cours de carrière et ainsi à rendre attractive l'orientation initiale vers des métiers de production.

En Norvège par exemple, les acteurs économiques ont été fortement impliqués dans la construction et le développement du système éducatif. L'articulation très forte entre les filières de formation professionnelle et d'enseignement général a facilité la mise en place dans les années 1990 d'un appareil de formation tout au long de la vie. Aujourd'hui, à l'inverse de la France, la formation professionnelle initiale et la formation continue s'inscrivent dans le même système, les mêmes textes, les mêmes programmes. Ce pays n'est donc pas handicapé par la césure que nous connaissons ici entre la sphère de la production et la sphère éducative.

Vous pouvez télécharger gratuitement la note « Formation professionnelle et industrie : le regard des acteurs de terrain » en cliquant ici.

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Louisa Toubal Titulaire d'un DEA d'économie internationale obtenu à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Louisa Toubal a réalisé de nombreuses études pour des institutions privées et publiques (Xerfi, mission économique de Londres...). Au sein de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris où elle a passé cinq années, elle a participé à la réalisation de trois ouvrages publiés à la Documentation française sur des questions liées à la croissance des entreprises. Elle est aujourd'hui chef de projet au sein de la Fabrique de l'industrie. Elle est notamment co-auteur (avec Thibaut Bidet-Mayer) du rapport « Formation professionnelle et industrie : le regard des acteurs de terrain ». Thibaut Bidet-Mayer Thibaut Bidet-Mayer est titulaire d'un master d'économie appliquée de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Spécialisé en économie industrielle, il a travaillé chez Xerfi sur des études sectorielles pendant un an avant d'intégrer La Fabrique de l'industrie en janvier 2013. Au sein de ce think tank, il a notamment été impliqué dans des travaux traitant de la politique industrielle française, de la formation professionnelle ou encore de l'impact du principe de précaution sur la compétitivité.   La Fabrique de l'industrie est une plateforme de réflexion et de débat, crée en octobre 2011, par l'UIMM, le Cercle de l'industrie et le GFI et présidé par Louis Gallois. Elle a vocation à encourager et à alimenter le débat sur l'industrie avec le double souci d'indépendance et d'ouverture vis-à-vis du grand public.  

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