Qui sont les ingénieurs de demain ? Analyse avec François Bertauld, PDG de Médiane Système

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Rédaction Modifié le 3 octobre 2019 à 17h08
Iss 17053 00392

Rien n’évolue plus vite que la technologie, avec pour corollaire une évolution au moins aussi rapide des métiers liés à la conception, l’implémentation ou la mise en œuvre des nouvelles technologies. Concernés au premier chef, les métiers comme les profils des ingénieurs ont considérablement évolué en quelques décennies. Une situation qui pousse les entreprises technologiques et les ESN (Entreprises de Services du Numérique) en particulier à repenser la façon dont sont mises en valeur les compétences des futurs ingénieurs en entreprise, qu’il s’agisse de recrutement, de carrière ou de responsabilités confiées. Eclairage sur un secteur sous tension avec François Bertauld, PDG de Médiane Système.

Vous êtes dirigeant d’une Entreprises de Services du Numérique et vous embauchez des ingénieurs régulièrement. Vous-même avez fait vos études il y a plus de 30 ans, comment avez-vous vu évoluer les ingénieurs en termes de formation et de profil ?

En 30 ans, nous avons eu l’occasion de voir évoluer les profils. Les jeunes ingénieurs avec lesquels nous travaillons aujourd’hui ont reçu une formation technique et scientifique comme celle que j’ai suivie. Mais celle-ci a souvent été complétée par des enseignements sur des questions de management et de gestion. Certains ont même suivi des modules de « création d’entreprise. » Je constate qu’ils sont aussi beaucoup plus au fait des questions relatives à l’environnement et sont sensibles à la responsabilité sociale de l’entreprise dans laquelle ils souhaitent s’engager. Les nouvelles générations sont également plus volontiers forces de proposition ; ils sont plus à même de réfléchir « out of the box » qu’avant selon moi.

Les jeunes ingénieurs sont en revanche plus mobiles et hésitent beaucoup moins que les générations précédentes à changer d’entreprise, surtout en début de carrière. L’attractivité et la fidélisation sont donc de vraies préoccupations pour le chef d’entreprise que je suis. Le salaire n’est plus depuis longtemps le seul critère considéré : l’entreprise est perçue dans sa globalité et doit pouvoir proposer un cadre attrayant dans tous ses aspects, qu’il s’agisse des relations humaines, de l’accompagnement en cours de carrière, de la formation, des responsabilités confiées.... Il faut travailler continuellement à l’épanouissement humain et intellectuel de nos collaborateurs. Ce n’est qu’à cette condition que nous fidéliserons.

La révolution numérique a bouleversé le métier d’ingénieur. Un ingénieur est-il aujourd’hui avant tout un spécialiste du numérique, un développeur-programmeur ?

Les fondamentaux de l’ingénieur restent les mêmes aujourd’hui, mais ils supposent de disposer en plus d’une solide maîtrise des outils informatiques, aussi bien au niveau hardware que software. A Médiane Système, la haute technicité de nos interventions exige bien évidemment d’être formé sur tous ces sujets. J’insiste sur le fait qu’un ingénieur doit également être aussi bien formé à la conception qu’à la mise en œuvre de systèmes complexes, informatiques ou techniques. Il doit être créatif et force de proposition, tout en étant à la pointe des connaissance techniques et scientifiques de son domaine. Ce sont ces compétences fondamentales qui lui permettront de s’adapter à la très grande variété des missions qui lui seront confiées.

Concernant plus spécifiquement Médiane Système, nous sommes des partenaires privilégiés de l’industrie, au sens large, pour laquelle nous réalisons des missions extrêmement diverses, mais toujours d’une haute technicité. Nous attendons donc de nos collaborateurs à la fois la maîtrise de savoir-faire pointus, mais aussi la capacité à appréhender des situations complexes nouvelles qui nécessiteront des solutions originales et innovantes. Polyvalence, ouverture d’esprit et agilité intellectuelle sont des prérequis essentiels à mes yeux.

La France est réputée pour former de bons ingénieurs, est-ce une toujours une réalité ?

Oui, c’est toujours le cas. Le parcours traditionnel « bac S + prépa + école d’ingé » reste le graal du parcours d’ingénieur. La spécificité du système français des prépas a ses défauts mais il permet de former de très bons ingénieurs, avec de grandes facultés d’adaptation. Les écoles post bac comme l’ISEP, dont je suis issu, sont aussi d’excellents viviers. Les écoles aux concours d’entrée moins sélectifs forment aussi de bons ingénieurs qui répondent également à nos exigences.

Arrivent également sur le « marché » de la formation des écoles spécifiquement orientée programmation, comme l’école de Xavier Niel (Ecole 42) ou d’autres. Ce sont certes des compétences incontournables aujourd’hui, mais je me demande s’il n’y a pas un risque à aller vers une spécialisation trop poussée. Ces formations ont parfois tendance à minorer la part de formation plus généraliste, qui couvre des champs comme les mathématiques, la physique, la thermodynamique etc. Nous observons d’ailleurs que nos collaborateurs qui ont reçu la formation la plus complète sont les plus polyvalents et les plus autonomes sur le terrain.

D’après vous comment se classe la France en termes de qualité de formation par rapport à nos voisins européens par exemple ou encore les Etats-Unis ?

Les Etats-Unis peuvent faire rêver mais tout le monde ne finira pas par travailler dans une entreprise des GAFA ou de la Silicon Valley. De plus le niveau des universités là-bas est très disparate, les ingénieurs de CalTech ou du MIT ne sont pas révélateurs du niveau général.

La France reste très bien classée au niveau international en recherche fondamentale et en recherche appliquée. De plus, les formations en écoles d’ingénieurs multiplient chaque année un peu plus les partenariats avec les entreprises, pour ancrer d’avantage les futurs ingénieurs dans la réalité concrète de leurs futurs métiers.

Notre formation supérieure n’a rien à envier à celle des pays scandinaves ou des Etats-Unis. La France reste une terre de scientifiques et d’ingénieurs, indépendamment des polémiques sur le niveau des candidats au baccalauréat. Notre problème repose sur l’accessibilité de ces formations supérieures car les écarts se creusent entre les meilleurs élèves et les moins bons tout au long de la scolarité. Il faut lutter contre l’image élitiste que renvoient les cursus d’ingénieurs.

Qu’est-ce qui peut motiver un ingénieur sorti d’école à intégrer une ESN comme la vôtre plutôt qu’un grand groupe ?

Médiane Système se distingue des grandes entreprises employant de nombreux ingénieurs par la diversité des missions qui sont confiées à nos collaborateurs, et l’autonomie laissée à ceux qui ont en charge l’exécution de la mission, avec le client. Aucune mission ne ressemble à une autre, et nos collaborateurs vont affronter à chaque fois des défis nouveaux auxquels il faudra apporter une réponse originale, conforme à l’identité et aux besoins du client. Dans une ESN comme Médiane Système, nous sommes nécessairement très proches de nos clients, ce qui donne un plus grand sentiment du travail accompli.

Nous avons de plus à cœur de fidéliser nos collaborateurs. Notre taille humaine nous permet de faire évoluer les compétences et les carrières de nos collaborateurs en nous adaptant à chacun. Je porte cette ambition depuis 30 ans, et elle reste le fil directeur du management depuis l’origine : nous avons une véritable culture d’entreprise familiale.

Suivez-nous sur Google News Economie Matin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «Qui sont les ingénieurs de demain ? Analyse avec François Bertauld, PDG de Médiane Système»

Laisser un commentaire

* Champs requis