Faut-il interdire Deliveroo ?

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Par Guillaume Cairou Publié le 28 octobre 2019 à 6h42
Greve Coursier Deliveroo Uber Eats Foodora Glovo Stuart

Si le collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP) est légitime dans son combat contre Deliveroo et ses pratiques sociales peu amènes, évitons les caricatures. Les plateformes de l’économie numérique ne portent pas toutes les mêmes modèles. Leurs contributions au renouveau du monde du travail restent plus que jamais déterminantes.

J’ai lu les arguments de ceux qui sont opposés à la « startup nation ». Ils dénoncent tout à la fois une transe collective, une vue de l’esprit au regard du véritable poids de l’économie numérique française dans le monde, la promotion de l’inégalité comme facteur structurant de la société : « winner takes all », les vainqueurs accaparent les richesses, laissent des miettes aux autres ! De là à qualifier la « startup nation » d’idéologie, le pas a déjà été franchi par certains. Mais les faits sont têtus et les chiffres éloquents. Depuis plusieurs années déjà, l’économie numérique pèse plus de 8% du PIB européen. Son influence est majeure et grandissante sur le reste l’économie. Certes, la France peut mieux faire. Le classement 2019 de l’indice relatif à l’économie et à la société numériques de la Commission européenne (DESI) souligne les performances en demi-teinte de notre pays. Certes, les pratiques sociales de certains acteurs de cette économie numérique doivent être mieux encadrées. Séparons donc le bon grain de l’ivraie.

Plus de tarif minimum !

Tout travail mérite une rémunération minimale. Chez Deliveroo, depuis cet été, c’est terminé. Dans la nouvelle grille tarifaire de la plateforme britannique de livraison de repas à domicile, il n’y a plus de tarif minimum. Les coursiers à vélo, des autoentrepreneurs, sont peu à peu passés de minimums horaires à un tarif minimum au kilomètre avant de le voir disparaître. Nous ne pouvons pas revenir au temps des dockers ! Le flot des marchandises portuaires se transforme en commandes de repas rythmant les respirations saccadées des livreurs, à chaque heure gagnée sur des immobilisations non négociées, dans l’alternance de périodes d’activité et d’attente. Non, ce n’est pas le modèle d’une économie numérique vertueuse, si tant est qu’il en existe un, mais celui d’un secteur économique qui n’est pas encore mature. Pour que la recette fonctionne, le gâteau doit être assez gonflé pour satisfaire les appétits de tous, sur un marché consolidé.

Concurrence effrénée

Deliveroo, Uber Eats et leurs concurrents ont une marge brute de 30 % sur un repas. Lancés dans une concurrence effrénée, les géants du secteur voient leurs recettes englouties par des frais de développement, de communication, de marketing… Malgré des chiffres d’affaires en centaine de millions d’euros, les startups anglo-saxonnes accumulent les pertes. Mais avec l’arrivée sur le marché du travail de la génération Z, les investisseurs croient aux prévisions de croissance annuelle à deux chiffres, soit. Si l’innovation entraine ici création d’emplois, de richesses et façonne les habitus, les startups doivent veiller à un juste partage de la richesse. C’est semble-t-il le choix d’Uber Eats. L’entreprise vient de changer ses tarifs de livraisons en réduisant notamment la commission prise aux livreurs. L’objectif est de mieux répondre aux demandes des clients en attirant les meilleurs livreurs. Associé à la démarche, le CLAP a obtenu que cette tarification soit optionnelle pour les livreurs actuels, lesquels semblent très satisfaits.

Gagnant-gagnant

Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? Dans ce cas précis, le CLAP, associé à la négociation a pu permettre la mise en place d’une rémunération plus avantageuse à la fois pour la plateforme ainsi que pour ses prestataires, autoentrepreneurs, livreurs à vélo. Ces derniers peuvent donc, en bonne intelligence, influer sur la construction de nouveaux modèles dans l’économie numérique, la création d’emploi. Ils prouvent qu’être indépendant est un choix rémunérateur, une autre manière de s’inscrire dans le monde du travail. Moi qui ai fondé mon entreprise dans le portage salarial, il y a quinze ans, je connais mieux que certains les aspirations et la réalité des « freelanceurs ». Créer son entreprise, la développer, sortir de la logique du tout salariat fait partie de la nouvelle équation du futur du travail. Il faut continuer à rendre ce futur plus désirable encore, plus sécurisant. Le basculement de la protection sociale des indépendants vers le régime général d’ici 2020 est une belle avancée. D’autres sont encore à construire…

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 Président-fondateur de Didaxis.

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