Jean-Baptiste Djebbari réhabilite le modèle de la concession autoroutière

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Par Hervé Duval Modifié le 7 mai 2021 à 17h09
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Devant les sénateurs, le ministre délégué en charge des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a tenu à entrer dans le détail du fonctionnement des concessions autoroutières afin de mettre fin à toute polémique. Ni sur-rentabilité, ni superprofits dégagés par les sociétés concessionnaires selon le ministre, qui s’appuie sur les conclusions des experts de l’Autorité de régulation des transports.

« C’est bien parce qu’elles sont ancrées dans la vie des Français, si indispensables à leurs déplacements et si structurantes pour nos territoires, que les autoroutes méritent toute notre attention. Elles méritent mieux que des raccourcis et des débats simplistes », précise d’emblée Jean-Baptiste Djebbari, le 6 mai 2021, lors du débat sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur les concessions autoroutières. Pour le ministre, l’arrivée à échéance à l’horizon 2031 des contrats actuels est « l’occasion de faire un bilan critique de notre modèle de financement et de gestion des infrastructures, sans complaisance ni démagogie ».

Si le ministre reconnaît que le rapport du Sénat apporte « des éléments d’éclairage précieux sur les modalités d’amélioration des clauses contractuelles et sur les perspectives d’évolution du pilotage des contrats pour les années à venir » et que le gouvernement « partage un grand nombre des 38 recommandations » dudit rapport, il ne cache pas un point important de divergence sur les estimations de rentabilité des concessions publiées dans le rapport du Sénat.

Rentabilité des concessions : le ministre conforte l’analyse de l’ART

« Nous avons relevé des biais méthodologiques puisque l’analyse du rapport s’écarte de la doctrine retenue par le régulateur, dont les équipes d’experts travaillent depuis six ans sur la question, explique Jean-Baptiste Djebbari. Et nous avons également noté des écarts dans les projections. Certes, le sujet est complexe, surtout en cette période d’incertitude liée à la crise sanitaire, mais entre la réalité des comptes des sociétés et les chiffres présentés par votre analyste, on passe parfois du simple au double, voire du simple au triple. Les résultats sont, là aussi, très éloignés de ceux du rapport quinquennal de l’Autorité de régulation des transports (ART) ».

Le ministre regrette également que le rapport du Sénat « installe une fausse polémique sur le plan de relance autoroutier, entériné en 2015 et dont l’équilibre économique a pourtant été expressément validé en 2014 par la Commission européenne, laquelle n’est pas connue pour être spécialement laxiste sur ces sujets ».

« En d’autres termes, comme à chaque fois qu’un rapport a été produit sur les concessions autoroutières, il n’existe aucun calcul ni aucune analyse qui prouverait de manière robuste une sur-rentabilité des sociétés concessionnaires », tranche le représentant du gouvernement. « Plutôt que d’entrer dans cette polémique, qui ne fait pas progresser le débat, il me paraît plus utile de concentrer l’action de l’État sur deux priorités : le meilleur encadrement des contrats et la projection sur l’avenir du modèle des concessions ».

« Le « concession bashing » ne fait pas progresser le débat », martèle encore Jean-Baptiste Djebbari, rappelant que « les sociétés concessionnaires ont généré 50 milliards de recettes fiscales entre 2006 et 2018, et ont investi, sur la même période, 20 milliards d’euros dans le patrimoine autoroutier ». « Sans le modèle concessif, des dizaines de projets d’infrastructures au service des Français n’auraient pu voir le jour ».

Répondant aux questions de plusieurs sénatrices et sénateurs, le ministre a de nouveau battu en brèche l’hypothèse polémique d’une sur-rentabilité des concessions. « Selon les chiffres de l’ART, les rentabilités des contrats des sociétés historiques sont estimées autour de 7,8 %, dans une fourchette oscillant entre 6,4 % et 9,2 %, rappelle-t-il. L’ART indique également que les taux de rentabilité interne (TRI) ont enregistré une évolution favorable mais modérée depuis 2017. Par ailleurs, le plan de relance autoroutier de 2015 n’a pas engendré de surcompensation et cet équilibre a été confirmé par la Commission européenne le 24 octobre dernier. C’est la sous-estimation du TRI par le rapport du Sénat qui conduit à conclure à une surcompensation chiffrée à 4 milliards… Soit plus que la valeur des investissements du plan ! Ce qui n’est pas compréhensible ».

Pour une modernisation des contrats de concession

Pour Jean-Baptiste Djebbari, « le modèle concessif a permis de passer, en 70 ans, de 80 km à plus de 9 000 km d’autoroutes en France, bien entretenues, sécurisées, désenclavant avec succès un certain nombre de territoires. » Et faisant de nos autoroutes « un modèle de modernité, de confort et de sécurité », la France pouvant se targuer d’avoir « l’un des meilleurs – si ce n’est le meilleur – réseaux autoroutiers du monde ».

Le ministre précise également qu’en matière d’encadrement des concessions existantes, 2015 a marqué une étape décisive avec le plan autoroutier et la loi Macron, qui ont permis de rééquilibrer les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires. En cas de surprofit, les tarifs de péage sont ainsi revus à la baisse ou la durée de la concession est réduite. L’État récupère également les économies résultant des retards ou des abandons de projets. Le rôle du Parlement a été renforcé, tout comme les pénalités en cas de défaillance d’une société sur la sécurité, la performance ou l’état du réseau. Enfin, l’ART rend des avis publics sur les projets de contrats ou d’avenants, et produit une synthèse annuelle des comptes des sociétés concessionnaires, ainsi qu’un rapport quinquennal sur la rentabilité des contrats, dont le premier a été publié fin juillet 2020. Quant aux nouveaux contrats passés depuis les années 2000, ils sont beaucoup plus stricts et intègrent déjà depuis longtemps la plupart des recommandations faites par le Sénat en septembre 2020.

Le gouvernement n’entend ni renationaliser ni prolonger les concessions autoroutières, mais plaide pour la modernisation des contrats de concession, avec une meilleure prise en compte des nouvelles énergies peu émissives et des enjeux environnementaux, ainsi que des mécanismes permettant une plus grande modération tarifaire. Le ministre évoque notamment de nouveaux modèles de concessions multimodales, régionalisées, ou encore de tarifs segmentés. Le travail a déjà commencé avec le déploiement des bornes électriques, les nouvelles mobilités, ou encore l’expérimentation de péages en flux libre. Pour Jean-Baptiste Djebbari, « nos autoroutes doivent rester un atout pour la France et pour les déplacements des Français. Et doivent mieux embrasser les enjeux écologiques et sociaux de notre temps ».

Le verdissement des autoroutes : un enjeu majeur

Le tournant écologique a été pris au début des années 2000, avec le « paquet vert autoroutier », rappelle Jean-Baptiste Djebbari. Et dans le plan de relance de 2015 et l’avenant de 2018, plus de 400 millions d’euros ont été consacrés à des investissements qui ont permis de réaliser des ouvrages protégeant la biodiversité, d’améliorer l’assainissement, ou encore de supprimer des points noirs du bruit. « Aujourd’hui, il faut aller plus loin, estime le ministre. Nous avons lancé, en lien avec les concessions, un grand plan de déploiement des bornes de recharge électrique, de manière à permettre l’itinérance, qui est une condition de la confiance des consommateurs, explique-t-il. A la fin de l’année, plus de 60 % des aires de service du réseau concédé seront dotées de bornes à grande puissance de recharge. Et 100 % des aires seront équipées d’ici fin 2022 ».

« Dans ce chantier, l’État investit 100 millions d’euros du plan de relance, et les sociétés concessionnaires investissent 500 millions d’euros. Cet exemple illustre bien l’équilibre contractuel opérationnel établi avec les sociétés concessionnaires, au service des Français, et dans une temporalité très réduite. Il matérialise le co-investissement équilibré entre l’État et les concessionnaires pour la grande transformation écologique que nous accompagnons aujourd’hui. Toutes les propositions que nous avons reçues, tous les débats que nous avons pu avoir avec les élus intègrent pleinement la dimension environnementale, assure le ministre. Et je sais les concessionnaires parfaitement engagés sur le sujet ». Le gouvernement s’est donc prononcé et oppose une fin de non-recevoir argumentée et ferme à l’encontre des analyses et propositions du Sénat.

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Hervé Duval, conseil juridique, Droit des affaires / Droit du travail - Conseil et contentieux - France et International. Recherches et veille juridiques, rédaction de notes sur des sujets touchant au droit pénal des affaires et notamment aux pouvoirs d’investigation des autorités judiciaires et des autorités administratives indépendantes.

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