L’Allemagne dit nein à la garantie européenne des dépôts bancaires

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Par Simone Wapler Publié le 13 octobre 2017 à 5h00
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100 00 eurosEn Europe, si une banque fait faillite, les dépôts à hauteur de 100 000 euros sont garantis.

La garantie des dépôts bancaires à l’échelle européenne a du plomb dans l’aile tant que la question des créances douteuses n’est pas purgée.

L’économie va très bien, la croissance française est époustouflante et tout baigne dans le beurre de la création monétaire. Très franchement, je ferai mieux d’aller aux champignons ou écouter les cerfs bramer le soir plutôt que d’écrire cette chronique des heures sombres de l’histoire financière. Heureusement, une dépêche fraîche de Reuters me donne un tout petit peu de grain à moudre. Elle concerne la garantie des dépôts bancaires et est relayée par L’Usine Nouvelle.

Rappelez-vous, la garantie des dépôts à l’échelon européen permet de dire qu’un euro déposé dans une banque grecque bénéficie de la même sécurité qu’un euro déposé dans une banque autrichienne, batave ou allemande. Si jamais la banque est en faillite, vos dépôts à hauteur de 100 000 € sont garantis, quoiqu’il arrive. Une telle mesure vise à restaurer la confiance et d’éviter que les dépôts fuient à l’étranger lorsqu’un pays ou une banque bât de l’aile.

Car, oui, la confiance entre banques n’a jamais été vraiment restaurée depuis la crise. Le marché interbancaire n’est jamais revenu à des volumes normaux. Tout le monde lorgne sur les créances douteuses des autres. Mais il y a un problème avec ce beau projet de solidarité avec de l’argent que personne n’a. Les fonds nationaux de garantie des dépôts sont largement sous provisionnés. C’est bien normal d’ailleurs puisque les banques « trop grosses pour faire faillite » sont encore plus grosses qu’avant la crise. Personne n’a envie de laver le linge sale des créances douteuses des autres.

Reuters : « L’Allemagne s’oppose depuis toujours à ce projet, craignant que l’argent de ses propres banques ne soit mobilisé pour couvrir l’indemnisation des déposants de banques qui déposeraient leur bilan ailleurs en Europe. Elle explique qu’elle ne peut accepter un mécanisme européen de garantie des dépôts, qui s’appliquerait à tous les dépôts de la Zone euro de 100 000 euros au plus, qu’à la condition que les risques de faillite bancaire soient sensiblement réduits. Cela implique un dégonflement de l’encours de créances bancaire pourries dans un certain nombre de pays européens et la Commission a fait savoir qu’elle présenterait au printemps prochain des propositions aidant les banques à récupérer une partie de ces actifs. Pour les créances garanties et nouvellement qualifiées aussi. »

Relisez bien Reuters : l’Allemagne pense que faute de nettoyer les écuries d’Augias, des banques feront faillite. Pour assainir les banques, il faudrait les dégorger de ces prêts douteux. La solution financière consiste à créer une bad bank. En jargon techno-financier cela s’appelle « structure de défaisance ». Evidemment, cela implique aussi pour les banques de déclarer des pertes, reconstituer des fonds propres — tout cela alors qu’il devient de plus en plus difficiles de gagner sa vie avec des taux aussi bas, la concurrence menaçante des cryptomonnaies, des fintechs, etc.

Reuters encore : « A partir du 1er janvier, les banques auront deux ans pour provisionner toutes leurs créances non garanties nouvellement qualifiées en catégories douteuses et irrécouvrables et sept ans pour les créances garanties et nouvellement qualifiées aussi. »

Tout cela évidemment ne règle aucun des deux problèmes de fonds :
- un système bancaire intrinsèquement frauduleux puisque vos dépôts à vue sont réputés disponibles à tout instant alors qu’il n’en est rien compte tenu du principe de réserve fractionnaire.
- un système monétaire intrinsèquement corrompu puisque les banques souscrivent complaisamment aux dettes de leur Etat de tutelle qui fera appel à ses contribuables pour les sauver en cas de besoin.

Reuters toujours : « … soumettre l’an prochain un projet fixant le cadre légal des titres adossés à des emprunts d’Etat, pour renforcer un peu plus la stabilité du système financier et amoindrir les risques liés à l’excessive exposition des banques à la dette de leur propre pays. »

Mais je ne voudrai pas gâcher une si belle journée d’automne. Profitez bien des records des marchés action et caressez les licornes dans le sens du poil.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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