L’art classique, mal aimé du marché de l’art ?

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Par Philippe Herlin Publié le 28 septembre 2017 à 5h00
Art Classique Marche Ventes Encheres
100Aucune pièce d'art classique ne fait partie des 100 meilleures adjucations.

Les œuvres d’art de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle représentent une part mineure des ventes aux enchères, est-ce le signe d’un déclin irréversible ?

Les records du marché de l'art concernent des artistes du XXe siècle ou des contemporains, mais rarement des peintres ou des sculpteurs des époques antérieures. L'art classique - on parle du segment "Old Masters" - est-il délaissé par les collectionneurs et les enchérisseurs ?

On note tout de même ces dernières années un Turner (Rome, from Mont Aventine) à 42 millions de dollars ou un bronze du sculpteur néerlandais du XVIIe siècle Adriaen de Vries à 24,7 millions de dollars. Mais sur l'année 2016, aucun Old Master ne figure parmi les 100 meilleures adjudications ! Tout est trusté par le Moderne et le Contemporain. Les artistes classiques représentent moins de 3% des ventes en valeur...

Il faut dire que la plupart des grandes pièces se trouvent dans les musées, qui ne vendent pas sauf rares exceptions. C'est la raréfaction des pièces qui explique ces piètres performances. Alors quand un Rubens arrive sur le marché (Le Massacre des Innocents en 2002) il atteint des enchères records tous genres confondus, 69 millions de dollars en l'occurrence, et même un simple dessin de Canaletto, "le" peintre de Venise, atteint les 3,4 millions de dollars.

Le contemporain, lui, ne connaît pas ce problème bien sûr, il produit à un rythme soutenu, mais avec tous les risques que cela comporte. Le marchand londonien Fergus Hall l'affirme : "Sur le segment de l'art contemporain, où l'offre est pléthorique, on peut être sûr qu'il va y avoir un effondrement massif de milliers de valeurs, une forte correction. L'unicité et la rareté des Old Masters les rendent plus spéciaux, plus stables et sûrs dans le temps." (AMA nº 285, septembre 2017).

Parce qu'il y a évidemment un effet de mode en faveur de l'art contemporain, le "buzz" médiatique joue en sa faveur, les "nouveaux riches" y jettent des millions, mais qu'en sera-t-il dans le futur ? Le marchand londonien cité ci-dessus voit les choses sur la longue durée et formule cette remarque très pertinente sur le plan économique et monétaire : "Dans les années 1970, quand la monnaie s'est décorrélée de l'or, il y a eu une inflation massive tout à fait profitable au marché [des Old Masters]. Depuis 2008, nous revivons une séquence d'émission massive de monnaie, génératrice d'inflation, qui va le rendre encore plus fort dans les années à venir. Je suis très optimiste à moyen et long terme." Le segment des Old Masters s’avère certes de petite taille, mais il semble très prometteur dans les années à venir…

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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