L’étalonnage de l’intérêt par le profit n’est pas farfelu

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Par Dominique Michaut Publié le 12 octobre 2017 à 5h00
France Etat Interet Profit Entreprises
292 348 millions €Les recettes fiscales de l'Etat pour l'année 2017 s'élèvent à 292 348 millions d'euros.

Soit une nation où le gouvernement et l’administration publique sont sur les points suivants à l’unisson avec la société civile.

Elle est délibérément acquise à la volonté d’un fort taux moyen national de capitalisation des entreprises implantées sur son territoire. La publication périodique du taux moyen national de profit sur capital est dans cette nation entrée en vigueur.

Ces changements de cap et l’assainissement concomitant de ses finances publiques on fait sortir ce pays du créditisme qui tenait lieu de capitalisme, par bancarisation mondialiste interposée. Les résistances furent vives dans les milieux de la haute finance et de la haute fonction publique, dont celui de l’enseignement supérieur en économie, mais le résultat est là : ces changements mettent en mesure de franchir le pas de l’étalonnage de la plupart des taux d’intérêt par le taux moyen national de profit. Situons ci-après les principes de cet étalonnage en reprenant des abréviations déjà utilisées dans le précédent article sur l’emprunt public (Economie Matin du 5 octobre) : TMNP pour taux moyen national de profit sur capital, TMNC pour taux moyen national de capitalisation, c’est-à-dire le rapport moyen entre le capital et l’endettement à toutes échéances dans le financement des entreprises.

Maintenir les taux d’intérêt versés aux épargnants inférieurs au TMNP

Collectivement considérés, les placeurs d’épargne proprement dite, à savoir les particuliers et leurs associations privées non commerciales, détiennent d’une part des livrets rémunérés et des obligations, à savoir des titres d’emprunt remboursable porteurs d’intérêt, d’autre part des apports en financement permanent d’entreprise (capital) dont ils échangent le service qu’ils procurent contre une part de bénéfice (profit).

Le financement d’entreprise par des obligations souscrites par des épargnants pose un problème qui lui est propre. Maintenir son autorisation, fût-elle fortement encadrée, tire vers le bas le taux de capitalisation de l’entreprise, et par lui le TMNC. En outre, le financement par n’importe quelle sorte d’obligation, en alternative à une augmentation de capital, diminue le pouvoir stimulateur et régulateur du profit puisque la charge constituée par l’intérêt dû aux détenteurs d’obligation réduit d’autant le bénéfice alors que le profit économiquement le plus significatif est une part fixe du bénéfice. Pour les épargnants qui contribuent par leurs placements directs au financement d’entreprise, la situation est plus claire lorsqu’ils le font auprès d’entreprises qui ne complètent pas leurs financements par des obligations.

Un taux plafond d’intérêt versé aux épargnants est fixé, et périodiquement révisé, par les autorités de marché, ce plafond étant maintenu inférieur au TMNP afin de favoriser en permanence un fort TMNC.

Maintenir les taux d’intérêt facturés par les entreprises supérieurs au TMNP

Les taux d’intérêt facturés par les établissements financiers à leurs clients, parmi lesquels sont susceptibles de se trouver d’autres établissements financiers conjointement à toutes sortes d’entreprise et d’entités non commerciales, dont des particuliers, favorisent eux aussi en permanence un fort TMNC à condition d’être maintenus supérieurs au TMNP.

Osons nous demander ce que produirait la poussée des établissements financiers, autres que les banques centrales, vers le statut d’entreprises comme les autres. Une fois cet alignement mené à son terme, l’établissement financier normal octroie un encours de crédits plafonné au montant de son capital social. La rémunération de ce capital devant être aux alentours du TMNP, ce n’est possible que si la moyenne pondérée des taux d’intérêt facturés aux clients de l’établissement est supérieure au TMNP.

Les entreprises clientes d’un tel établissement se trouvent alors face à une cherté du crédit qui les poussent à privilégier les augmentations de capital dans leur financement. Pour les particuliers et les associations privées non commerciales, la cherté du crédit serait aussi un frein à leur endettement. Pourvu que cette transition soit assez progressive, elle ferait sortir par le haut de l’addiction excessive à la plus-value, avec son effet infernal sur la hausse de l’immobilier supérieure à celle du revenu par tête, en rendant plus palpables par les ménages les atouts du capitalisme de rendement (Economie Matin du 27 octobre 16).

Moins d’exposition aux crises financières et à leurs conséquences sociales

L’application de ces règles d’infériorité et de supériorité ne peut que réduire l’exposition aux crises financières, avec leurs conséquences néfastes sur l’emploi. Mais faut-il aller jusque-là pour rendre une économie nationale aussi stable et dynamique que socialement désirable tout en étant très largement ouverte au commerce international ? N’y a-t-il pas des nécessités monétaires et des lignes de force géopolitiques qui rendent farfelue l’idée même de l’étalonnage, nation par nation, de la plupart des intérêts par des taux statistiques de profit sur capital ?

L’examen de ces questions du point de vue du spectateur impartial reste hélas encore très mal engagé. Afin qu’une doctrine monétaire devienne un élément fiable de cet examen, il faut qu’elle prenne appui sur rien de moins qu’une théorie des prix et des répartitions de première instance (Economie Matin du 8 juin) qui ne repose pas sur un vice logique de construction – dont notamment une pétition de principe (Economie Matin du 16 février). Rien de fallacieux ne s’oppose à l’assemblage d’une telle théorisation sous l’hypothèse de la perfection monétaire, pourvu que ce travail aille jusqu’à la levée de cette hypothèse au moment de se prononcer sur la doctrine monétaire la plus cohérente avec ce qu’il est préférable que deviennent les différentes catégories de prix et les principales répartitions économiques.

En matière de construction somme toute farfelue et de plus toxique, la prison mentale dans laquelle enferme la théorie moniste et subjectiviste de la valeur d’échange marchand promue par le marginalisme reste pour l’heure une résidence à laquelle les grandes écoles assignent. Dans ces conditions, cerner comment par une toute autre approche peut réduire beaucoup la probabilité de crises financières contagieuses frise l’héroïsme intellectuel et politique.

En économie politique réorientée

Dans ma contribution à la réorientation objectiviste de l’économie politique, les vues précédentes sur l’échelle des taux d’intérêt proviennent des propositions 10.5 à 10.7 (trois pages web).Les articles suivants porteront sur la formation des prix des marchandises composées telle qu’elle se révèle possible, et objectivement équitable, en économie de marché débarrassée de la théorie néoclassique de la valeur d’échange marchand et du postulat qui lui est consubstantiel sur le maximum de profit et de plus-value élevé au rang de but de l’entreprise – dans l’héroïsme ci-dessus évoqué, il y a la prise de position de Peter F. Drucker sur ce dernier point (Economie Matin du 2 mars).

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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