L’état de santé des artisans du bâtiment continue à se détériorer

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Par Laure De Charette Modifié le 10 mars 2017 à 12h35
Chantier Btp Construction
5060 % des artisans du bâtiment disent travailler plus de 50 heures par semaine.

Près d’un artisan sur trois considère ne pas être en bonne santé. Est-ce notamment parce que 60 % d'entre eux travaillent plus de 50 heures par semaine ?

"Une situation très préoccupante"

La CAPEB, la CNATP, et le pôle d’innovation IRIS-ST ont dévoilé les résultats d'une enquête nationale dédiée à l’analyse des conditions de travail et de l’état de santé des artisans du BTP.

Le constat est, selon eux, "très préoccupant". S’ils restent optimistes vis-à-vis de leur avenir, les artisans du bâtiment sont soumis à des rythmes de travail qui s’intensifient et impactent sensiblement leur santé et leur état de stress. Les causes de cette nouvelle détérioration sont multiples mais le poids de l’administratif, les charges de travail et les incertitudes économiques sont les premières sources de stress citées par les artisans du bâtiment.

Cette 3e édition du baromètre qui porte sur l’année 2016, auprès de 2336 artisans du BTP, confirme les tendances alarmantes mises en évidence par les éditions 2014 et 2015 : les artisans du bâtiment, sont soumis à une intensification de leurs rythmes de travail et à des facteurs de stress qui se répercutent sur leur vie personnelle et leur hygiène de vie.

Pour Patrick Liébus, Président de la CAPEB, les premiers enseignements que je perçois de cette étude sont le faible suivi médical des chefs d’entreprises artisanales. Il nous faut accompagner en cela le dirigeant qui, pris par le temps et par l’activité de son entreprise, oublie de prendre soin de lui, tandis que des pathologies non détectées prospèrent. »

Plus de 50 heures par semaine

Les artisans du BTP sont 51% à avoir observé une progression de leur activité en 2016 et 36% à manifester un sentiment positif vis-à-vis de l’avenir de leur activité (contre 28% en 2015). Ce regain de confiance ne suffit cependant pas à compenser les effets d’un stress persistant : les chefs d’entreprise artisanale sont ainsi 58% à déclarer qu’ils sont souvent voire très souvent stressés (contre 53% en 2015).

Ce stress récurrent et prolongé a des répercussions sur la vie personnelle des chefs d’entreprise qui sont 87% à juger que leur vie professionnelle empiète sur leur vie personnelle et 79% à estimer ne pas être suffisamment disponibles pour leur entourage du fait de leur activité professionnelle.

Difficile en effet de conjuguer vie professionnelle et vie personnelle de façon harmonieuse quand 59% d’entre eux déclarent travailler le week-end (contre 55% en 2014) et 60% travaillent plus de 50 heures par semaine.

Françoise Despret, Présidente de la Chambre nationale de l'artisanat, des travaux publics et paysagistes (CNATP), commente : « L’artisan est un chef d’entreprise, un « chef » qui se doit d’être rassurant auprès de ses salariés, rassurant auprès de ses clients, rassurant auprès de ses fournisseurs et ses partenaires, banquiers assureurs… Cette responsabilité constante devient facteur de stress alors que lui vit constamment dans l’incertitude : problèmes de trésorerie, manque de visibilité sur l’activité, pression administrative, rythme soutenu du travail. Il en découle un état de fatigue physique et psychique qui, pour certains, conduit au « burn out ». Pour d’autres, cela engendre des problèmes qui ont une répercussion sur leur vie personnelle et familiale, ce qui est encore accentué quand on travaille en famille. D’où l’intérêt d’une telle étude qui aide à la prise de conscience et favorise la sortie de l’isolement de nos artisans. »

Un risque accru de burn-out

Parmi les multiples sources de stress qui les impactent, les chefs d’entreprise artisanale du bâtiment sont 52% à citer le poids des démarches administratives, 48% des charges de travail trop importantes et 47% le manque de visibilité sur l’avenir. Ce stress conjugué à un surinvestissement professionnel et à un sentiment de solitude - 1 artisan sur 2 déclare avoir besoin de soutien - expose les artisans du bâtiment à un risque accru d’épuisement professionnel.

Ils sont ainsi 29% à penser avoir fait ou avoir été proche d’un burn out en 2016 et 8% d’entre eux déclarent avoir été victimes d’une dépression au cours des 5 dernières années (contre 6% en 2015). Car si les artisans estiment que leur activité est exigeante sur le plan physique (77%) ils sont plus nombreux encore à estimer qu’elle l’est sur le plan mental (87%).

En 2016, 71% des artisans estimaient être en bonne santé, soit une baisse de 9 points en deux ans. Ils étaient ainsi 70% à déclarer souffrir de douleurs musculaires ou articulaires et la moitié d’entre eux faisait état d’une fatigue importante et de troubles du sommeil. Pour autant, le suivi médical des artisans du bâtiment reste préoccupant car quasi inexistant : 52% d’entre eux déclarent consulter leur médecin à de très rares occasions et 51% évoquent le manque de temps pour justifier ce manque de suivi médical.

Patrick Liébus, Président de la CAPEB, déclare : « les résultats inquiétants de ce baromètre sont à mettre en parallèle avec les résultats économiques du secteur du bâtiment : les conséquences de quatre années de recul consécutif de l’activité économique ont impacté la santé et le moral des chefs d’entreprise artisanale du bâtiment. Le retour de la croissance constaté fin 2016* devrait permettre une diminution des facteurs de stress et générer des embauches qui viendront, nous l’espérons, soulager progressivement les chefs d’entreprise. Nous voulons rester positifs, car le fait de voir enfin se dégager la fin du tunnel est un signe porteur et encourageant.»

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Journaliste depuis 2005, Laure de Charette a d'abord travaillé cinq ans au service France du quotidien 20 Minutes à Paris, tout en écrivant pour Economie Matin, déjà. Elle est ensuite partie vivre à Singapour en 2010, où elle était notamment correspondante du Nouvel Economiste et où elle couvrait l'actualité politique, économique, sociale -et même touristique !- de l'Asie. Depuis mi-2014, elle vit et travaille à Bratislava, en Slovaquie, d'où elle couvre l'actualité autrichienne et slovaque pour Ouest France et La Libre Belgique. Elle est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont "Chine-Les nouveaux milliardaires rouges" (février 2013, Ed. L'Archipel) et "Gotha City-Enquête sur le pouvoir discret des aristos" (2010, Ed. du Moment). Elle a, à nouveau, rejoint l'équipe d'Economie Matin en 2012.

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