L’hydrogène, oui, mais lequel ?

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Par Sarah Merlino Modifié le 7 octobre 2020 à 13h46
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Pour cause de pandémie mondiale et de demande en berne, le prix des énergies fossiles est au plus bas, et la « transition écologique », pour urgente qu’elle soit, a bien du mal à se matérialiser, ou même à se définir de façon claire. En juin dernier, six états membres de l’Union (dont la France et l’Allemagne) ont appelé la Commission à « présenter un plan d'action en temps opportun suivi de propositions législatives pour permettre une approche réglementaire flexible et adaptée à l'objectif et pour stimuler un marché liquide de l'hydrogène dans les années à venir ». En d’autres termes, les leaders européens pressent l’Europe d’appuyer massivement la filière hydrogène.

Début septembre, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, main dans la main avec Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, annonçait un plan d’investissement de 7 milliards sur dix ans pour la filière. « L’hydrogène est une opportunité stratégique pour massifier et accélérer la décarbonation des secteurs et des activités les plus difficiles à décarboner, en particulier dans l’industrie et le transport. » L’affaire est entendue : l’hydrogène comptera parmi les énergies du futur. Les questions, et les enjeux, sont ailleurs. Parmi ceux qui sont déjà convaincus, deux chapelles se dégagent et défendent des solutions aux modalités et aux impacts différents.

La production d’hydrogène, par exemple à partir de sous-produits agricoles, nécessite une quantité importante d’électricité. C’est l’origine de cette énergie qui divise : doit-elle provenir intégralement de sources d’énergie non fossiles à faibles émissions ou s’appuyer sur des solutions bien établies, mais génératrices d’émissions carbonées ? L’éolien contre les centrales au gaz… Pour les tenants d’une approche « radicale », le processus de décarbonation doit être dès l’origine le plus vertueux possible. Le recours à hydroélectricité, par exemple, mais aussi le nucléaire, doit pouvoir permettre de réduire drastiquement les émissions de carbone dès le début de l’essor annoncé du secteur. Leurs détracteurs les qualifient « d’avant-gardistes inconditionnels. » Ils se méfient d’une transition plus lente qui pourrait laisser la main aux producteurs d’énergies fossiles. Officiellement, la France, l’Allemagne et les quatre autres signataires de l’appel aux instances européennes se rangent dans cette faction, celle de l’hydrogène « vert », défendue politiquement notamment par les Ecologistes.

A l’opposé, les défenseurs de l’hydrogène bleu, qui se développerait sans exclure les sources d’énergie fossiles déjà opérationnelles, insistent sur les avantages d’une stratégie plus rapidement opérationnelle, et sur une transition plus « progressive. » Bien entendu, les industriels des énergies fossiles sont les partisans les plus acharnés de l’hydrogène bleu, et de toutes ses nuances de gris, faite de solutions intermédiaires qui ne les mettraient pas trop vite sur la touche. Cette « neutralité » technologique a des arguments à faire valoir : à ce stade, le cout de l’hydrogène « vert » serait beaucoup trop élevé pour se passer des énergies fossiles, en particulier avec la baisse actuelle des cours. Un passage « progressif » permettrait à la filière de réaliser des économies d’échelle au fur et à mesure de son développement. A terme, dont la date exacte reste à déterminer, la version « verte » serait gagnante. De surcroit, elle bénéficierait d’une chaine mature et complète, de la production, jusqu’à la pressurisation, le transport et le stockage.

Entre ces deux options, la France a donc tranché : ce sera le vert, dont la complémentarité avec le nucléaire ferait d’une pierre deux coups. Décarbonner et trouver un avenir à nos centrales, qui n’émettent pas de CO2. Pour imposer politiquement et économiquement cette tactique, deux leviers sont à la disposition de l’Etat. Comme le souligne M. Brahy, Directeur de l’association Hydrogen Europe : « En gros, vous pouvez décarboner l’hydrogène de deux façons : soit par des règlementations - et il y a tout une série de règlementations européennes qui vont être discutées dans les deux-trois prochaines années-, soit par des investissements publics qui lanceraient la machine, peut-être même sans attendre une réglementation. » L’annonce de Pompili et Le Maire était un message clair au secteur de l’énergie : entre le levier européen et le levier national, l’Etat a choisi les deux.

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Journaliste Grand reporter 

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