La « cartocrise » des festivals annulés, crise ou mutation ?

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Par Philippe Herlin Publié le 3 avril 2015 à 5h00
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170170 festivals ont été annulés en France.

Plus de 170 festivals ont récemment fermé suite à la suppression de leur subvention publique. Que faut-il en penser ? Est-ce justifié, ou cela traduit-il d’autres problèmes ?

Culture : l'hécatombe financière des festivals

On assiste depuis quelques mois à une hécatombe de festivals à travers la France, suite à des suppressions de subventions de la part des collectivités locales, que ce soit des villes, des départements ou des régions. L’Etat baisse les dotations aux collectivités locales et celles-ci choisissent souvent de faire une croix sur tel ou tel festival. On compte plus de 170 festivals annulés et une "cartocrise" a été mise en ligne.

Sans doute certains festivals payent-ils un déficit structurel persistant malgré des subventions significatives, ce qui pose la question de leur existence (Les Voix du Gaou, 375.000 € de subvention et un déficit récurrent de plus de 100.000 €). D’autres sans doute ont-ils perdu leur public ou n’ont pas su s’installer (le Festival du film asiatique de Deauville).

La baisse des dotations de l'Etat oblige à faire des économies

On peut comprendre ces disparitions. Mais la plupart du temps, le festival local sert de variable d’ajustement : le maire de Meaux, Jean-François Copé, explique que la baisse des dotations de l’Etat l’oblige à faire des économies, et comme il ne veut pas augmenter les impôts, il supprime le festival Muzik’elles (12.000 spectateurs tout de même). Certes, mais pourquoi n’a-t-il pas choisi plutôt de licencier du personnel administratif de sa mairie ou de privatiser l’entretien des espaces verts ? Parce que ce n’est pas possible, tout simplement. Le statut de la fonction publique territoriale ne permet pas de se séparer de fonctionnaires. Ces fermetures de festivals illustrent donc surtout la rigidité du secteur public.

Comment comprendre aussi les quantités d’argent investies dans des structures permanentes, et qui pèsent ensuite sur les dépenses publiques ? On dépense 400 millions d’euros pour construire la Philharmonie de Paris et, dans le même temps, on s’achemine vers la fusion de l’Orchestre National de France et de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, quelle est la logique ?

France : des coûts salariaux trop élevés

Comment accepter que le statut des intermittents coûte un milliard d’euros par an à la collectivité nationale ? Ce scandale est régulièrement dénoncé, mais aucun gouvernement n’ose s’y attaquer.

Plus fondamentalement, pourquoi le spectacle vivant est-il en France aussi dépendant de l’argent public ? Voici la question de départ. Réclamer des subventions est facile, générer des ressources propres plus complexe. Certains y parviennent brillamment comme le Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence (2/3 de recettes propres), les Chorégies d’Orange (80%) ou les Eurockéennes de Belfort (90%).

La difficulté est que l’essentiel des dépenses d’un festival relève des frais de personnel, et que les coûts salariaux sont, en France, bien trop élevés. Plutôt que de réclamer de l’argent public, les responsables des festivals devraient faire cause commune avec les libéraux pour diminuer le poids des charges sociales pesant sur les salaires… On peut rêver, mais ce serait un mal pour un bien.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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