La place de la France dans le marché de l’art : des atouts mais aussi des freins

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Par Philippe Herlin Publié le 9 décembre 2016 à 5h00
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13Seuls 13 artistes français figurent dans le classement des 500 artistes ayant réalisé le plus haut montant d?adjudication.

Paris a longtemps été la première place au monde pour les ventes aux enchères, mais cette époque est terminée depuis les années 1960. Le talent et la compétence existent, mais des maux typiquement français aussi…

L’Assemblée nationale vient de publier un rapport sur le marché de l’art, profitons-en pour faire le point. Le marché de l’art mondial, au sens des ventes aux enchères, pèse 63,8 milliards de dollars, selon l’organisme de recherche Arts Economics. La France est 4e avec 6% de part de marché, mais loin derrière les trois premiers qui sont les Etats-Unis (43%), le Royaume-Uni (21%), et la Chine (19%) qui n’a réellement émergé qu’à partir du milieu des années 2000.

La France connaît des lacunes importantes, elle ne possède pas de maison de ventes de taille internationale. Seul Artcurial parvient à tenir tête, sur le marché français, aux filiales françaises de Christie’s et Sotheby’s, car rappelons que Drouot regroupe des maisons de ventes mais que la célèbre marque ne constitue pas une entreprise autonome.

Autre lacune : la France est quasiment absente de l’art contemporain. Il faut en effet déplorer la faible visibilité des artistes français puisque "seuls 13 artistes français figurent dans le classement des 500 artistes ayant réalisé le plus haut montant d’adjudication pour l’ensemble de leurs œuvres vendues entre juillet 2015 et juin 2016" signale le rapport. "Dans le classement des 100 artistes les plus visibles en 2016, seuls sept artistes français figurent : Louise Bourgeois, Marcel Duchamp, Henri Matisse, François Morellet, Christian Boltanski, Daniel Buren et Pierre Huyghe. À l’inverse, les artistes américains occupent à eux seuls un tiers de ce classement."

Pourtant, longtemps la France a dominé le marché de l’art. Depuis le XVIIe siècle, Paris est le premier centre artistique au monde, en 1950 la première maison de ventes au monde est française (Ader), et cette domination dure jusqu’aux années 1960, mais ensuite le déclin s’amorce. Il y a bien sûr la politique très offensive des Etats-Unis qui deviennent la première puissance mondiale de l’art, mais cet effacement s’explique aussi par une maladie bien française, l’étatisme, qui s’est traduit par trois erreurs :

- Le saupoudrage des interventions, plutôt que de pousser les grands noms.

- Un parti-pris esthétique à contre-courant avec une politique culturelle qui s’est "détournée de l’art pictural pour embrasser, à partir des années 1980, un art conceptuel – installations, vidéos, etc. – trouvant par essence peu de débouchés sur le marché de l’art."

- Un snobisme anti-français, très répandu malheureusement : "les institutions muséales font montre d’une ouverture internationale qui, si elle n’est pas critiquable, semble néanmoins laisser peu de place aux artistes français."

La France garde néanmoins des points forts avec le dessin, la BD, la photographie, le design. Les artistes, les talents, les experts sont bien présents mais de nombreux freins subsistent, comme la fiscalité, autre maladie bien française. Il existe même une "peur du fisc", comme l’indique le rapport : "Pour l’anecdote, il a été rapporté à la mission que plusieurs collectionneurs qui avaient prêté des œuvres au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, pour l’exposition «Passions privées» qui s’y est tenue en 1995-1996, se sont vus notifier un contrôle fiscal après ladite exposition – ce qui n’a pas été de nature à les inciter à montrer une nouvelle fois leurs collections au public."

Le 29 novembre, le SYMEV (Syndicat des maisons de ventes volontaires) organisait ses Etat-généraux et rendait public une motion intitulée "Pour l’allègement des contraintes administratives et fiscales" et déplorant le fait que "le métier de commissaire-priseur est aujourd’hui saturé de normes". Une autre motion remettait carrément en cause l’existence du Conseil des Ventes Volontaires (CVV), un organisme public créé par l’Etat pour chapeauter leur profession. La révolte contre l’étatisme commence à se lever, voici une bonne nouvelle !

En attendant, on signalera à l’amateur d’art le site Barnebys qui entende devenir le "Google des ventes aux enchères". Fondé en Suède en 2011, le site recense 1.700 maisons de ventes affiliées dans 150 pays, et ce nombre ne cesse d’augmenter, ce qui offre un panorama sans pareil sur les ventes aux enchères dans le monde.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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