Le PIB est vicié, le revenu global ne l’est pas

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Par Dominique Michaut Publié le 23 août 2017 à 5h00
Produit Interieur Brut Theorie Economie
2 570 milliards $Selon le FMI, le PIB de la France atteint 2 570 milliards de dollars.

La collection encyclopédique Que sais-je ? des Presses Universitaires de France comporte le fascicule 2624 sur le Vocabulaire économique. Toutes les citations qui figurent dans le présent article en sont extraites.

L’auteur de l’ouvrage cité, plusieurs fois réédité, est le professeur Frédéric Teulon, agrégé de l’Université. Chaque citation est précédée, entre crochets, de l’entrée où elle se trouve.

Jouons à la marelle

[PIB (produit intérieur brut).] « Somme des valeurs ajoutées brutes réalisées par les différentes branches de l’économie, de la TVA grevant les produits (les valeurs ajoutées sont calculées hors taxe) et des droits de douane. » Après quoi il est question de « PIB effectif » et de « PIB potentiel », nous allons venir à ce qui s’y trouve mentionné après avoir consulté l’entrée [Valeur ajoutée brute (VAB).] : « Différence entre la valeur de la production et la valeur des consommations intermédiaires, on obtient ainsi la richesse créée par les entreprises. » [PIB effectif.] « Production réalisée dans les faits. » [PIB potentiel.] « Production qui résulterait d’une pleine utilisation des facteurs de production disponibles. »

[PNB (produit national brut). « Calcul de la production non pas réalisée par les unités résidentes (PIB), mais à partir de facteurs de production possédés par les résidents (au critère de territorialité est substitué le caractère de nationalité). En France, la valeur du PIB et du PNB sont relativement similaires, ce n’est pas le cas dans les pays du Tiers Monde qui reçoivent beaucoup d’investissements directs. » [Production.] « Selon la Comptabilité nationale : " La production est l’activité socialement organisée destinée à créer des biens ou des services habituellement échangés sur un marché et/ou obtenus à l’aide de facteurs de production s’échangeant sur un marché. " La production comprend ainsi, outre les biens et services marchands, les services non marchands produits par les administrations. » [Comptabilité nationale.] « Ensemble des comptes de la nation présentés dans un cadre keynésien standardisé. »

Deux origines et une seule destination

Le vice de construction du concept même de PIB est celui du cadre keynésien standardisé, venu au monde en anglais, où le PIB s’appelle GDP, Global Domestic Product. Dans ce cadre, la production ou le produit désigne, comme on vient de le lire, « l’activité (…) destinée à créer des biens ou des services habituellement échangés sur un marché et/ou obtenus à l’aide de facteurs de production s’échangeant sur un marché ». La mise en caractères gras de « et/ou » est mon fait parce qu’il manifeste le refus de cantonner la théorie économique et la comptabilité macronomique à la production de ventes, dont celles qui sont constitutives de revenus proprement dits. C’est passer outre à deux réalités que personne n’a le pouvoir de faire disparaître : 1) la production de richesse marchande n’a que deux origines et qu’une seule destination ; 2) les marchandises ne sont échangées que contre les marchandises.

Les deux origines de la production marchande sont des services échangés contre leurs rémunérations respectives : le service du travail, le service du placement d’épargne. Le sous-ensemble économique de la production humaine est celui de la production de richesse marchande qui n’a qu’une seule destination : procurer des revenus aux fournisseurs des marchandises primaires (Economie Matin du 26 janvier). C’est, on ne le répètera jamais trop tant que cette évidence restera académiquement voilée, par ces retours en échange que les marchandises sont échangées contre les marchandises, le plus souvent par monnaie interposée.

Les fonctionnaires et autres salariés de la fonction publique participent, tout comme les employés de maison entre autres, à la création de valeur d’échange marchand, qui elle-même est la seule création de valeur d’échange économique, ce en leur qualité de fournisseur du service du travail échangé contre un revenu. Cela étant, l’idée même d’évaluer en unité monétaire la production des administrations publiques contrevient à la réalité. Cette production a sans nul doute une valeur d’usage dont la nécessité est incontestable dans son principe. Ce n’est pas pour autant que cette même production a une valeur d’échange économique, alors que la plupart des productions corporelles et incorporelles des entreprises en ont une. Il y a là au moins un indice, sinon une preuve, que le PIB et l’appareillage théorique dont il procède sont viciées, par enjambement des réalités élémentaires qui viennent d’être rappelées.

Le revenu dissolu

Cet enjambement a des conséquences dommageables. La plus néfaste pourrait bien être la dissolution du concept crucial de revenu. [Revenu.] « Ressources monétaires nouvelles qui permettent de consommer sans s’appauvrir (à patrimoine constant). » Après l’énoncé de cette acception, les sous-entrées sont : « — disponible brut. ; — minimum d’insertion (RMI) ; — national. ; — permanent. — primaire. » avec, pour le revenu primaire : « Ensemble des revenus perçus par les ménages comme contrepartie à leur activité productive : d’une part les revenus professionnels (salaires et bénéfices en provenance d’une activité non salariée) et d’autre part les revenus de placements mobiliers (intérêts et dividendes) ou immobiliers (loyers). »

Ayons la lucidité d’au moins entrevoir le désordre mental auquel contribue l’allégation que pour vous et pour moi des « ressources monétaires nouvelles qui permettent de consommer sans s’appauvrir » constituent un revenu. Supposons que vos rentrées d’argent ne proviennent que du virement mensuel de votre employeur et que mes rentrées d’argent ne proviennent mois après mois que d’une allocation appelée « revenu de solidarité active » dont j’ai l’espoir étourdi et contagieux qu’elle devienne un « revenu universel » viager. Si vous trouvez de bon aloi en analyse économique d’amalgamer dans une même catégorie vos revenus et les transferts que je perçois, ne me lisez plus. Mais faites-le quand même après avoir noté que l’expression contradictoire « revenu de transfert » participe au refoulement de la distinction primordiale entre les échanges économiques et les transferts de termes de ces échanges. Dans le cadre keynésien et plus largement néoclassique, ce n’est pas gênant. Au quotidien civique et économique, c’est calamiteux. Comme dans ce cadre l’action de consommer est arbitrairement déclarée économique (Economie Matin du 12 janvier), c’est aussi écologiquement désastreux.

Le revenu global

Insistons quelque peu, ce qui se joue par ces paradigmes (idées directrices) est de grande importance. Faire, comme c’est le cas dans le cadre keynésien standardisé en même temps que dans la synthèse néoclassique, des revenus dits primaires une catégorie n’aurait sa raison d’être que si en vérité des revenus pouvant être dits secondaires existaient. Les autres « ressources monétaires nouvelles » proviennent sans aucune exception de transferts, étant entendu que n’importe quelle plus-value est un transfert bien qu’un échange économique en ait été le vecteur. Un transfert et non pas un revenu, une plus-value latente est un transfert latent et non pas un revenu latent, qui doit soulever en économie générale une inquiétude : que se passe-t-il lorsque le volume des transferts de termes d’échanges marchands croît durablement plus vite que le volume de ces échanges ?

[Revenu national.] « Somme de tous les revenus primaires reçus par les ménages. » Autrement dit, les revenus nationaux sont les revenus globaux RG, avec RGDEU pour l’Allemagne, RGFRA pour la France, RGSWE pour la Suède, etc., d’aussi près qu’il est statistiquement possible d’évaluer ces montants. Ces RG sont de bien meilleure qualité économique et politique que les PIB correspondants. En tant que concepts, ils sont exempts des vices de conception du cadre keynésien et autrement néoclassique. En matière de finances publiques, ils sont des bases 100 honnêtes puisque c’est seulement avec leurs revenus tout courts que les contribuables de dernier ressort alimentent le Trésor public. Le reste, c’est de la tambouille cléricale et plus souvent qu’à son tour démagogique.

La sanctuarisation du PIB n’a pas été adossée à une médication efficace du chômage structurel. Elle n’a pas davantage été adossée à une théorie confirmée par les faits de la répartition des RG nationaux (Economie Matin du 15 juin), non plus que de la répartition du revenu total du travail par nation (Economie Matin à venir, sous le titre Les écarts de salaire règlent une répartition).

Privilégier, parmi le agrégats macronomiques nationaux, le revenu global est un double message de bon sens. 1) La production de richesse économique de notre pays, c’est la somme des revenus de ses ressortissants et de ceux des placements de leurs associations non commerciales (fondations par exemple), rien de plus, rien de moins. 2) L’évolution de la contribution de notre pays à la création de richesse économique régionale et mondiale se mesure au plus juste par l’évolution de ladite somme.

Référence

Le revenu global vient au premier rang des agrégats économiques les plus significatifs.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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