EXCLUSIF – Le plan secret de la SNCF pour le TGV : Hausse des tarifs, remboursement plus difficile

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 13 décembre 2022 à 20h40

EXCLUSIF

MISE A JOUR : Comme nous l'annoncions, la SNCF va effectivement augmenter ses Tarifs. Une augmentation annoncée ce mardi 26 décembre 2014 pouvant aller jusqu'à 2,6% selon les billets, soit beaucoup plus que l'inflation.

MISE à JOUR : La SNCF, contrainte de commenter cette information, a confirmé qu'il s'agissait bien là de "propositions" mais que pour l'instant rien n'a été confirmé ni décidé par la direction.

La SNCF n'a pas attendu la Cour des Comptes pour savoir que le TGV n'était plus la machine à cash d'hier, et qu'il fallait réagir (lire TGV : Très grande vitesse mais très petite rentabilité). Dans un document confidentiel interne daté du 23 octobre 2014 que la rédaction d'EconomieMatin.fr a pu consulter, la direction envisage de prendre des mesures drastiques pour tenter de restaurer, au moins partiellement, la rentabilité du TGV. Au risque de se mettre à dos une bonne partie des voyageurs.

La marge opérationnelle de l'activité TGV s'est effondrée à 12 % en 2013, quand elle culminait encore à 28 % 2008 ? Qu'à cela ne tienne : la solution proposée par les équipes du marketing de la SNCF, dans un document daté du 23 octobre 2014, soit le jour même où la Cour des Comptes rendait publique son rapport, est tout ce qu'il y a de plus basique : augmenter les tarifs, mais aussi imposer un "durcissement des conditions d'échange / remboursement pour la clientèle loisir".

Côté tarifs, ce sont les passagers de première classe qui sont prioritairement ciblés par les hausses envisagées dans ce document de travail (la mention PROJET figure expréssément sur la présentation), sans doute parce que ces billets sont le plus souvent pris en charge par l'entreprise, moins regardante à la dépense quant il s'agit de permettre à ses salariés de se déplacer en France pour des rendez-vous d'affaires. La simulation réalisée par les équipes du marketing propose la "refonte de la gamme" tarifaire en Première, par le biais de la "généralisation des Espaces Pro Première avec restauration incluse (hors Lille)". Difficile en effet de faire "avaler" au client qu'il doit prendre un plateau-repas sur un trajet de moins d'une heure trente...

25 % des passagers Pro Première pourraient passer en seconde

Mais plutôt qu'une hausse proportionnelle au prix du billet - calculé en partie en fonction de la distance - c'est une augmentation de la part fixe du billet (autrefois appelée "réservation" mais sans objet pour le TGV, innaccessible sans), qui est envisagée. De combien ? une "augmentation de 12 euros du tarif Pro 1ere occasionnel, et de 6 euros du tarif Pro fréquence sur les 7 relations concernées", autrement dit sur les principales lignes à grande vitesse, au nombre desquelles Paris-Lyon, Paris-Marseille, Paris-Strasbourg, Paris-Lille et Paris-Bordeaux. Gain espéré ? "Un CA brut additonnel de 15 millions d'euros par an et un gain net de 10 millons d'eurons si on suppose que 10 % de client pro 1ère occasionnels (soit 25 % en tout) passent en seconde du fait de cette augmentation" évalue le document. Un autre scénario envisage une hausse généralisée de 8 euros pour tous les billets de première, pour un gain net espéré de 15 millions d'euros par an, faisant abstraction des éventuels déclassements en seconde classe de certains passagers.

Pour faire passer la pilule de la hausse tarifaire en première, les équipes du marketing agitent donc la carotte du plateau repas inclus. A tous les horaires ? Le document ne le précise pas. Plateau dont le prix s'ajoute bien évidemment au prix du titre de transport, lui-même augmenté dans le projet. Et tant pis pour ceux qui ne voudront pas de restauration à bord, ils l'auront payée quand même, exactement comme en avion.

Billets de train non remboursables une semaine avant le départ

Mais si la hausse des tarifs est une mesure attendue et rationnelle face au problème de rentabilité que rencontre le TGV, une autre mesure évoquée par le document de travail des équipes du marketing de la SNCF risque de faire couler beaucoup d'encre. Il prévoit un "durcissement des conditions d'échange remboursement pour la clientèle loisir [pour un] gain d'environ 25 millions d'euros par an (avec des hypothèses de disparitions de clients du fait du "non remboursable"). Ciblé ? Le tarif "loisir", autrement dit le tarif standard, sachant que les autres tarifs associés à des cartes de réduction ou à certaines périodes comme le tarif Week-end ont déjà des conditions d'échange et de remboursement restreintes. Mais là, c'est bien le tarif "plein pot" en seconde classe qui verrait ses conditions d'échange et de remboursement sévérement durcies.

Un des scénarii, sur les trois envisagés, propose carrément de rendre le remboursement des billets impossible sept jours avant la date du départ, l'échange provoquant une retenue de 15 euros, toujours à partir de J-7. Et à J-1 ? Terminé ! le billet ne serait plus ni échangeable, ni remboursable, mais définitivement perdu ! Un autre scénario propose d'aligner les conditions d'échange et de remboursement des billets au tarif loisir sur ceux d'IDTGV. A savoir, un remboursement impossible, seul l'échange étant possible jusqu'à 5 heures avant le départ contre une retenue de 12 euros en ligne, ou 17 euros si l'échange est réalisé par téléphone. Un troisième scénario propose lui de taxer à hauteur de 30 euros l'échange de billet de un à sept jours avant le départ du train, mais curieusement seulement de 20 euros le jour du voyage, jusqu'à une heure après son départ.

Plus de bar à bord des TGV pour les voyages de moins de trois heures ?

Outre les augmentations de tarifs, les durcissements de conditions d'échange et de remboursement, les équipes de la SNCF envisagent enfin de faire des économies sur... la restauration à bord, cette fois pour les passagers de seconde. "La suppression du bar sur les 39 000 courses de moins de 3 heures hors Paris-Lyon et WE aurait un impact positif d'environ 12 millions d'euros" précise le document de travail. Un sujet réguliérement évoqué, et jusqu'ici à chaque fois repoussé. Manifestement, le changement de concessionnaire en charge de la restauration à bord n'a pas créé le "choc de compétitivité" et de rentabilité attendu.

Cette ébauche d'évolution tarifaire n'est sans doute pas définitive, puisqu'il s'agit d'un projet, mais donne en tout cas des indications sur les orientations envisagées par la direction de la SNCF pour tenter de sortir le TGV de l'impasse financière dans laquelle il s'enfonce depuis cinq ans, rapidement.

ostill / Shutterstock.com

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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