Le pouvoir d’achat a-t-il vraiment baissé ?

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Par Captain Economics Publié le 20 novembre 2014 à 4h03

"Ah le pouvoir d'achat, depuis l'euro c'est le bordel, il baisse en permanence!". Vrai ou faux? La bataille du pouvoir d'achat fait rage au sein des médias et de la classe politique depuis maintenant quelques années. Mais qu'en est-il en réalité, le pouvoir d'achat des français a t-il réellement diminué? Pour évaluer l'évolution du pouvoir d'achat, il faut analyser trois variables (1) l'évolution du revenu disponible brut, (2) l'évolution de l'indice des prix à la consommation finale des ménages et (3) l'évolution démographique.

Le revenu disponible brut correspond à la part du revenu primaire (=revenus d'activités et placements immobiliers et mobiliers) qui reste à la disposition des ménages pour la consommation ou l'épargne, auquel on ajoute les transferts sociaux (aides en tout genre) et l'on retranche les cotisations salariales et les impôts. Toujours rien compris, voici donc la formule de l'INSEE: "Revenu disponible brut = salaires nets (salaires bruts - cotisations sociales salariales) + excédents bruts d'exploitation des entrepreneurs individuels + prestations sociales + autres (revenus de la propriété) - impôts."

Le revenu disponible brut (RDB) est donc un meilleur indicateur que le salaire pour évaluer l'évolution du pouvoir d'achat, car il prend en compte l'intégralité des revenus des ménages. Le salaire net ne représente d'ailleurs qu'environ 50% du RDB; les prestations sociales (RSA, chômage, allocations...) correspondant environ à 30% du RDB en France et les excédents des entrepreneurs individuels (professions libérales, auto-entrepreneurs...) à 20%. Les autres revenus (intérêts, revenus des terrains) sont à peu près égaux égaux aux impôts (environ +12% et -12% du RDB) et stable dans le temps, nous allons donc laisser ça de coté.

Et donc ça donne quoi en France l'évolution du revenu disponible brut en valeur? Et bien il augmente d'environ 3,4% annuellement depuis 20 ans ; heureusement d'ailleurs car avec l'augmentation de la population et l'inflation, le RDB doit augmenter sous peine de baisse systématique du pouvoir d'achat. En 2008 par exemple, le Revenu Disponible Brut global des ménages était de 1257 mds d'euros, soit environ 20.000 euros par habitant par an. Il existe cependant de nombreuses disparités régionales; en Ile-de-France, le RDB est de 24139 euros par habitant (top région RDB), tandis qu'il n'est que de 17259 en Nord Pas-de-Calais (pire région RDB). Le salaire net représente environ 50% du RDB en France (voir graphique ci-dessous), mais les disparités sont là aussi fortes ; de 58% en Ile-de-France à seulement 39% dans le Limousin.

Ok cool, ça c'est fait. Passons donc maintenant à (2) l'évolution de l'indice des prix à la consommation finale des ménages. Derrière cet intitulé barbare, se cache tout simplement l'inflation (entre 1,5% et 2% par an en France en moyenne). Et donc il ne nous manque plus que (3) l'évolution démographique ; selon l'INSEE le nombre de ménages augmente en France en moyenne de 1,2% par an depuis 1990.

Si l'on considère donc la période de 1990 à 2010, nous avons en moyenne une inflation de 1,5% par an, une hausse du nombre de ménage de 1,2% par an et une hausse du RDB total de 3,4% annuellement ; la hausse du pouvoir d'achat sur la période devrait donc être de 3,4 - 1,2 - 1,5 = 0,7% annuel. Vérifions que le Captain ne dise pas de conneries avec les chiffres officiels de l'INSEE. C'est un tout pile ! Le pouvoir d'achat des ménages a augmenté en moyenne de 0,7% par an depuis 1990.

Bien que depuis 2008, on assiste à un recul du pouvoir d'achat par ménage (voir tableau ci-dessous), il est totalement faux de dire d'un point de vue macro-économique que l'euro a entraîné une baisse du pouvoir d'achat en France. La hausse moyenne du pouvoir d'achat entre 1990 et 2000 est d'ailleurs exactement égale à la hausse entre 2000 et 2010.

pouvoir-achat-insee

Mais comme toutes mesures macroéconomiques, le calcul de l'évolution du pouvoir d'achat est réalisé ici à l'échelle globale (comptabilité nationale) et ne considère pas les inégalités au sein de la population. En plus de l'évolution des salaires et du revenu disponible brut qui sont bien évidemment sujettes à de nombreuses disparités selon les classes de population, l'inflation utilisée dans ce calcul est l'inflation globale française, alors que les variations de prix n'impactent pas de la même manière les ménages (voir note INSEE "Les ménages modestes subissent plus l'inflation").

Pour évaluer précisément l'évolution du pouvoir d'achat par classe de population, le Captain' aurait besoin du RDB par classe de population, de l'inflation par classe de population et et de l'évolution démographique par classe de pop'. Malheureusement, ces statistiques détaillées ne sont pas disponibles.

Conclusion: Selon le message que l'on souhaite faire passer, il est facile de mettre en avant soit (1) la hausse du pouvoir d'achat de long terme d'un point de vue macro-économique soit (2) la baisse du pouvoir d'achat de certaines classes de la population sur certaines périodes. A vous de choisir votre camp !

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.  

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