Le Vélib’ et le progrès de la nouvelle économie sans profit

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Par Simone Wapler Publié le 5 décembre 2017 à 5h00
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4 000 ?Chaque Vélib' coûte à la municipalité parisienne la somme de 4 000 euros par an.

Coûteuse expérience pour nombre de municipalités de Paris à Beijing, le vélo en libre-service démontre que la nouvelle économie n’est pas toujours porteuse de progrès.

Le Vélib’ : beaucoup de citadins connaissent ce « tank à deux roues ». En France, il symbolise l’interventionnisme et les tentations de monopole des municipalités. En Chine, il cristallise une folie spéculative (encore une) qui est en train de mal tourner. Dans les deux cas, ce sympathique concept met en valeur cet étrange progrès du XXIème siècle qui peine à créer de la richesse. Commençons par Paris. Le Vélib’ y a débuté il y a 10 ans. Bonne idée que de vouloir inciter des citadins à pédaler sans polluer. L’idée d’un vélo loué s’inscrit dans l’économie collaborative, le partage d’un bien plutôt que sa possession. Jusque-là tout allait bien.

Puis quelques technocrates de la municipalité de Paris, au lieu de se satisfaire d’organiser des espaces capables d’accueillir des bicyclettes en location de courte durée, ont préféré monopoliser l’idée. Résultat : une concession accordée à Decaux, un système de paiement lourd qui n’avait pas prévu d’emblée les smartphones ; chaque Vélib’ coûte à la municipalité 4 000 € par an et donne lieu à un déficit annuel récurrent de 16 M€. Au moment où la concession change de main, où les rangées de bornes ressemblent à des mâchoires édentées en attente d’un nouveau dentier, la concurrence tente une percée. Des vélos plus légers, ne nécessitant plus d’être accrochés à un point fixe. Bon débarras et bonne idée, pensez-vous ? Pas si vite. Direction la Chine.

La bicyclette et le Chinois : un cliché qui reflète une part de vérité. Les sociétés de partage de vélos ont donc poussé comme des champignons en Chine, donnant naissance à de multiples start-ups et de plantureuses levées de fonds. Aujourd’hui beaucoup de ces sociétés sont en déconfiture ; leurs clients n’ont plus qu’à pleurer leurs dépôts de garantie envolés et leurs actionnaires leurs capitaux, comme le note le chroniqueur financier Wolf Richter.

Les licornes pédalent dans la semoule

En Chine, plus de 40 plates-formes et sites ont attiré 2 Mds$ de capitaux. De ce point de vue, on ne peut pas dire que la concurrence n’ait pas joué au pays des camarades-capitalistes. Mais à côté de ces 2 Mds$, une montagne de vélos mutilés, volés, abandonnés pèsent 1 Md$. La récupération des bicyclettes jetées dans les fleuves, abandonnées en rase campagne, pendues aux arbres est devenue un casse-tête pour les municipalités.

Vendredi 24 novembre, le South China Morning Post faisait état de la faillite de Mingbike, qui avait une flotte dans plusieurs grandes villes. 99% des employés ont été licenciés et les clients se plaignent de ne pouvoir récupérer leurs dépôts de garantie de 199 yuans (environ 25 €). Mingbike avait levé 15 M$. En février 2017, Bluegogo indiquait vouloir se développer à Beijing puis viser San Francisco. Son fondateur Li Gang avoue avoir asséché sa trésorerie.

Mobike et Ofo, les deux gagnants (si l’on peut dire), possèdent 95% du marché et ces « licornes » n’ont pas encore brûlé tout le capital levé. L’avenir ne s’annonce pas radieux pour autant. La première des start-up est entrée en bourse en août. Changzhou Youon Public Bicycle System a levé 96 M$. Ses actions ont quadruplé dans les quatre premiers jours de cotation avant de plonger de 44% en trois mois.

Consommation de capital mal alloué, perte d’argent des clients, coûts pour les municipalités et leurs contribuables… Le concept Vélib’ semble regrouper tous les vices du créditisme, de l’argent surgi de nulle part et de l’appauvrissement final. Même pas gagnant-perdant mais perdant-perdant.

Pour plus d’informations, c’est ici

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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