Qu’attendent les législateurs pour mettre fin aux scandales bancaires ?

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Par Laurent Denis Modifié le 2 octobre 2018 à 11h35
Scandales Bancaires Securite Compte

La banque française dite universelle a érigé la surfacturation universelle des clients en modèle économique. Après les scandaleuses pratiques en matière de taux effectif global des crédits (TEG) ou d’assurance emprunteur, le mois de septembre 2018 se termine en beauté avec la révélation de pratiques tarifaires éhontées en matière de découverts bancaires.

Inertie des pouvoirs et autorités de contrôle bancaire

Cette facilité d’extraction de richesse à haute vélocité se trouve protégée par l’inertie des pouvoirs publics et par celle des autorités de contrôle bancaire, manifestement soit dépassées, soit indifférentes. Elle peut cesser bien vite. Elle subsiste grâce à la seule faiblesse du droit bancaire. Ce dernier ne comporte aucune exigence solide en matière de protection des consommateurs. Il se montre particulièrement friable en matière d’obligation de conseil.

Tout ceci peut changer en changeant le droit bancaire. Le droit bancaire peut très efficacement remettre les banques sur le chemin de bonnes pratiques avec les consommateurs. Au bénéfice de l’économie bancaire toute entière. Voici trois propositions d’articles législatifs pour transformer le droit bancaire en droit équilibré de la relation bancaire. Vous pouvez soutenir ces trois propositions en signant la pétition prévue à cet effet.

Les scandales bancaires massifs et récurrents parfaitement évitables

L’analyse du dépérissement du modèle français dit « de banque universelle » dressant le portrait des banques en 2018, livrée le 10 septembre dernier à l’occasion des enseignements de la crise de 2008 s’appuyait sur les abondants exemples de déséquilibres tarifaires pratiqués sans discontinuer par les banques françaises. Cette étude mentionnait « l’empilement des facturations de découvert ». Ces derniers jours, une association de consommateurs a pointé les méthodes tarifaires agressives, déséquilibrées, des banques en ce domaine. En relevant particulièrement celle d’un groupe bancaire « coopératif ».

C’est un fait : le système bancaire français dit « de banque universelle » a érigé la surfacturation universelle des clients au rang de modèle économique. La surfacturation systématique fait pleinement partie de la technique bancaire. Particuliers, consommateurs, tout comme les petites entreprises, artisans, commerçants, professions libérales, TPE et PME : tous les clients sont visés par cette pratique.

Qu’il s’agisse du mode de calcul du Taux Effectif Global (TEG) défavorable aux emprunteurs durant un demi-siècle, de la tarification des services de paiement, incluant le traitement des chèques (Cour de cassation, Com. du 14 avril 2015 n°12.15-971 et Cour d’Appel de Paris, 21 décembre 2017), des services de cautionnement mutuel des crédits ou encore, de l’assurance emprunteur à prix doublé depuis plus de trente années, mais décrochant quand même 88% du marché, les déclinaisons de ce fonctionnement abusif sont abondantes (cf analyse sur « La banque de détail française en 2018 »).

Le changement par la contrainte de la loi semble inévitable

Après avoir manifesté toute sa confiance dans l’autorégulation des banques, pas plus tard que le 3 septembre 2018, le Ministre de l’économie et des finances découvre donc le 26 septembre suivant les pratiques tarifaires indélicates menées en toute impunité durant une année, depuis novembre 2017, dans la facturation des découverts bancaires.

Plus surprenant : il aura fallu onze mois pour que l’Autorité de contrôle des banques, l’ACPR, laquelle pourtant « veille […] à la protection des consommateurs » (selon l’article L. 612-1 du Code monétaire et financier) découvre également ces pratiques tarifaires scandaleuses. Les abus tarifaires sont tellement abondants et incessants, depuis un demi-siècle, en présence du silence ou de l’inertie des autorités publiques, qu’une seule voie d’évolution possible s’impose : le changement par la contrainte de la Loi.

En dépit d’une législation incontestablement épaisse, fort heureusement renouvelée par les initiatives venues de l’Union européenne, le droit bancaire français reste peu expansif en matière de protection des clients. La nature complexe de la technique bancaire favorise l’astuce. Seul le pouvoir de la norme légale peut contraindre et sanctionner les banques.

Il est temps que la législation bancaire se montre ambitieuse et audacieuse. En se mettant tout simplement à niveau des standards juridiques ; les dérapages à répétition soulignent d’évidence cette nécessité, élémentaire. Il est temps que la Loi impose aux banques françaises universelles une obligation universelle de protection des consommateurs et de conseil aux clients.

Le droit bancaire peut aisément mettre fin aux scandales de consommation bancaires. C’est par le droit que la protection des consommateurs pourra progresser et que des barrières claires seront posées à la pratique bancaire.

En vérité, quelques établissements bancaires ont déjà compris les évolutions du marché bancaire, l’attente d’équilibre de la part des consommateurs, les transformations radicales introduites par la perte progressive de la capacité de distribution des produits, au profit de professionnels plus sûrs : les Intermédiaires. Ces établissements sont rares : des Caisses de Crédit Municipal, quelques établissements spécialisés, quelques banques régionales, quand le carcan coopératif ne leur coupe pas le souffle.

L’ampleur des abus est telle que la réponse passe nécessairement par le Droit.

Il existe à présent une famille de normes législatives susceptibles de contraindre le modèle général de surfacturation bancaire sournoise : les règles dites « de bonne conduite ». Si le terme rappelle un peu le système scolaire, voire carcéral, il a le mérite de ne plus attacher les normes juridiques à tel ou tel produit ou service, à tel ou tel canal de vente ou telle situation : il pose des principes généraux de comportements professionnels.

Cette méthode s’est répandue dans la plupart des domaines bancaires, assurantiels ou financiers. Elle n’a pas, pour des raisons mystérieuses, atteint les banques. Pour ne prendre qu’un exemple, la Loi prévoit déjà cette obligation légale pour certains professionnels bancaires, notamment les Intermédiaires en Opérations de Banque et en Services de Paiement (IOBSP), tels que les courtiers en crédits ou les mandataires de banques.

Ceux-ci « […] doivent se comporter d'une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts des clients, y compris des clients potentiels » (article L. 519-4-1 du Code monétaire et financier).

Il n’existe aucun équivalent pour les établissements bancaires, « les banques », établissements de crédit ou établissements de paiement agréés par l’Autorité de contrôle bancaire, l’ACPR. Cette situation déséquilibre le marché bancaire et est préjudiciable aux consommateurs ; elle doit cesser, de manière particulièrement énergique. Il suffit donc d’introduire dans le droit bancaire des obligations de même nature, applicables par les banques, les établissements de crédit et les établissements de paiement agréés.

Trois propositions législatives pour réformer le Droit bancaire

Une initiative législative permettrait de soumettre, légalement, les banques à la défense des intérêts de leurs clients ainsi qu’à une obligation universelle de conseil envers ces mêmes clients. Il s’agit en tout premier lieu de poser le principe d’une obligation, légale, imposée aux banques, de se comporter de manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts de tous leurs clients. Ces nouvelles dispositions législatives s’appliqueraient aux banques, que sont les établissements de crédit et les établissements de paiement. Elles se traduiraient par deux dispositions élémentaires :

  • un principe général et légal de bonne conduite : imposer aux banques de tenir compte, dans toutes leurs opérations, des droits et des intérêts des clients ;

  • une obligation de conseil, généralisée à tous les clients, à tous les produits ou services : contraindre ainsi les banques à systématiquement préciser aux clients les raisons qui motivent leurs propositions de produits et de services.

Trois articles législatifs fondamentaux viendraient de la sorte s’ajouter au Droit bancaire encodé dans le Code monétaire et financier. L’un, pour poser formellement le principe, pourtant élémentaire, de comportements professionnels bancaires tenant systématiquement compte des droits et des intérêts des clients. Le deuxième, pour poser le principe d’un corps supplémentaire de règles de bonne conduite, à détailler par la suite de manière législative ou réglementaire. Ces règles de bonne conduite viendraient décliner de manière précise et opérationnelle le principe général énoncé ci-dessus. Elles permettraient de l’atteindre.

La troisième disposition législative poserait le principe de l’obligation (ou du devoir) de conseil, applicable à tous les clients, tous les produits, tous les services et tous les canaux de commercialisation. Il n’est que temps de mettre le droit bancaire au niveau requis pour assurer à la fois la protection des consommateurs et la confiance dans l’économie bancaire, sans laquelle il ne se trouve ni équilibre, ni dynamisme économique.

Vous pouvez personnellement contribuer au développement de cette initiative législative, en signant la pétition demandant aux législateurs l’introduction de ces évolutions dans le droit bancaire français. Cliquez sur « Signer en ligne la pétition pour contraindre légalement les banques à respecter les intérêts de leurs clients ».

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Maître Laurent Denis pratique et enseigne le droit. Conjuguant expérience bancaire et exercice juridique, il contribue aux nouvelles formes d'activités bancaires et financières, spécialement dans les domaines des crédits et de l'intermédiation. Auteur de plusieurs ouvrages, dont, avec Bruno Rouleau, consultant, « Courtiers en crédits et IOBSP : défenseurs d’intérêts » (juin 2018), lequel dépeint la profession d’IOBSP, analyse la situation présente et ses perspectives, pour détailler concrètement les pistes d’amélioration de son efficacité au service de l’économie. Son site : www.endroit-avocat.fr.

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