Les excès du capitalisme : un sujet ignoré des candidats mondialistes

Par Bertrand de Kermel Publié le 15 mars 2017 à 5h00
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62Les 62 personnes les plus riches au monde possèdent autant que les 3,5 milliards les plus pauvres.

Hier, sous le titre « Candidats mondialistes : il faut lever les ambigüités », je vous ai proposé une réflexion sur la manière dont on pourrait « apprivoiser » la mondialisation économique, de façon à mettre un terme à la jungle actuelle, sans tout jeter par la fenêtre.

Examinons aujourd’hui une autre façon d’aborder la mondialisation, avec une autre clé d’entrée : le capitalisme actuel. Tout d’abord, y a-t-il un problème avec le capitalisme ? Selon le Président fondateur du Forum Economique Mondial de Davos, Monsieur Klaus Schwab, que l’on ne peut soupçonner d’être incompétent en économie, la réponse est oui.

Klaus Schwab s’est d’ailleurs exprimé sur ce sujet dans le Figaro le 16 janvier dernier. Voici ce qu’on peut y lire : «Il faut une réforme du système capitaliste. Les gens ne s'y identifient pas en raison de trois sortes de défaillances : la corruption, le court-termisme des acteurs, des mécanismes fondés sur la méritocratie qui en tant que tels engendrent des gagnants et des perdants, or les premiers tendent à se désintéresser totalement du sort des seconds !», expliquait-il de façon incisive lors d'un récent passage à Paris.

Parfait, mais comment inverser cet engrenage fatal ?

Dans un article publié dans Le Monde du 26 janvier 2012 (cinq ans déjà), sous le titre : « Abandonnons les excès du capitalisme pour plus d'engagement social », le même Klaus Schwab nous fournissait une première réponse : « Dans le système capitaliste d'origine, nous faisions une nette différence entre, d'une part, l'entrepreneur qui assume le risque de ses investissements et qui est rémunéré en conséquence par du profit et, d'autre part, le manager, dont l'objectif professionnel est d’assurer l’avenir à long terme de l'entreprise dans l'intérêt de tous les actionnaires. Le manager été associé aux intérêts des détenteurs de capitaux par un système de bonus exagéré, ce qui a perverti le système. C'est là que réside la racine du mal, car elle entraîne des rémunérations excessives et mine l'éthique professionnelle du manager. »

Nous sommes là devant un point clé du problème. Le système d’aujourd’hui fusionne l’intérêt des financiers et l’intérêt du manager, en occultant l’intérêt à long terme de l’entreprise et de toutes ses parties prenantes. Cela est dû au mode de calcul et au montant de la rémunération du manager. Ce montant est parfois délirant, ce qui conduit à tous les abus, voire à la folie dans les pires cas.

Klaus Schwab est très dur vis-à-vis de certains managers irresponsables au sens propre et au sens figuré. Dans le même article du Monde, il écrivait : « Dès le début de la crise, en janvier 2009, j'ai déclaré dans mon discours d'ouverture de Davos : Aujourd'hui, partout dans le monde, les hommes et les femmes se demandent comment des décisions fondées sur la cupidité et l'incompétence ont pu être prises en faisant fi de tous les mécanismes de contrôle. Des décisions dont les conséquences terribles ont touché non seulement l'économie mondiale mais aussi le citoyen moyen qui a perdu sa retraite, son logement et son emploi. Les personnes concernées sont atterrées, désemparées, angoissées et en colère."

Des rémunérations excessives et parfois délirantes, données à des managers cupides et incompétents ! Comment expliquer une telle aberration, sinon parce qu’on exige de ces managers une obéissance absolue aux ordres des financiers. Ils doivent accepter sans problème de piétiner les droits de l’homme ou l’environnement, quand ils sont implantés dans des pays où ces questions ne sont pas règlementées. Aucun état d’âme non plus pour esquiver l’impôt au niveau mondial, délocaliser même quand l’usine fonctionne bien, ou encore faire passer l’intérêt des financiers avant celui de l’entreprise.

La toute première action à engager est donc de revoir ces systèmes de rémunération pour que leur montant redevienne raisonnable, et qu’il soit calculé sur la base de critères beaucoup plus nombreux favorisant l’intérêt à court, moyen et long terme de l’entreprise et de ses parties prenantes. (Par exemple on pourrait inclure l’obtention du label de fabrication éthique évoqué dans mon article d’hier, et le faire savoir aux investisseurs). On peut règlementer ce point au niveau européen, puisque la liberté d’aujourd’hui ne permet pas de freiner les excès, malgré quelque très bons mais trop rares exemples.

Cela justifie totalement la proposition que j’exposais dans mon article d’hier d’instaurer la traçabilité de la fabrication des biens échangés sur la planète, pour que le consommateur soit informé et que les mauvaises pratiques soient tranchées au bout du compte par le marché. Qu’en pensent les candidats mondialistes ? On n’en sait rien. Or, sur la fiscalité, le problème relève des Chefs d’Etats (donc des candidats à la Présidentielle). Une note détaillée sur les solutions possibles imaginées notamment par l’OCDE se trouve ici.

Demain, je vous proposerai un article sur le marché du travail qui découle directement de ce qui précède. J’espère que les candidats à la Présidentielle voudront bien faire part de leurs propres analyses sur tous ces sujets (Mondialisation, capitalisme, marché du travail).

Il existe des chefs d’entreprises remarquables et exemplaires, et des actionnaires animés par l’intérêt de l’entreprise. Malheureusement, il y a aussi des brebis galeuses, et ce sont elles qui causent d’énormes dégâts. Elles finiront par nous conduire à des guerres civiles, voire de vraies guerres entre Etats. Les « super riches » s’y préparent, comme en témoignent les articles de Charles Sannat du 2 mars 2017 ici et encore du 29 janvier 2015 ici.

Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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