Les six catégories principales d’échange économique

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Par Dominique Michaut Publié le 9 février 2017 à 5h00
France Commerce Categories Theorie Economie
3 milliards €Le déficit commercial de la France s'est creusé de 3 milliards d'euros en 2016.

L’introduction d’une théorie de la marchandise dans les fondations de la science économique répond à plusieurs nécessités. L’une des plus décisives est d’utiliser une nomenclature des échanges économiques ayant deux caractéristiques.

Primo, la catégorisation des échanges de marchandise doit être recevable en logique des ensembles finis. C’est nécessaire parce que les échanges de services et de biens par monnaie interposée ou en troc sont de fait un sous-ensemble fini des échanges sociaux. Secundo, la catégorisation de ces échanges doit aussi être celle qui suffit à la viabilité du système économique parce que la conformité aux normes qui procurent à l’économie sa viabilité systémique ne se découvre que par de la modélisation rigoureuse.

Jules et Julie

Notons, à propos de rigueur conceptuelle, une propriété qui serait celle d’une économie dans laquelle le troc ne se pratiquerait plus du tout et où ne seraient utilisées que des monnaies à cours légal. Les monnaies légales n’étant pas des marchandises (Economie Matin du 2 février), aucun échange économique n’aurait lieu directement entre des marchandises de catégorie différente, toutes les marchandises continuant à être échangées contre des marchandises mais alors toujours indirectement.

Le cordonnier Jules échange ses ressemelages des chaussures de sa voisine Julie contre des travaux de ménage fournis par Julie à la cordonnerie de Jules. Les quotités respectives de ces fournitures sont réglées par Julie et Jules au vu des prix respectifs des ménages et des ressemelages, ces prix étant exprimés dans la même unité monétaire. Ce cas et des multitudes d’autres du même genre aident à détecter l’existence de cinq lois économiques. 1) Le troc ne tend à être équitable qu’en recourant à l’expression des prix des marchandises échangées dans une même unité de compte. 2) L’unité de compte de loin la plus commode est celle de la monnaie légale là où la puissance publique l’a introduite dans le système des poids et mesures. 3) Les achats acquittés par une quantité de monnaie ne changent rien au fait qu’au final les marchandises sont échangées contre les marchandises. 4°) À chaque instant l’ensemble des marchandises est réellement fini. 5) Les catégories homogènes de marchandise et d’échange économique sont les mêmes.

Élémentaires et composées

En allant du général au particulier, les marchandises et avec elles les catégories d’échange économique sont élémentaires ou composées. Au moment de leur achat par la cordonnerie de Jules, les ménages fournis par Julie sont de la marchandise élémentaire. Au moment de leur achat par Julie, les ressemelages vendus par la cordonnerie de Jules sont des marchandises composées.

Jules a ouvert sa cordonnerie au moyen d’une épargne qu’il s’était auparavant constituée et d’un héritage dont il a été bénéficiaire. Ce qu’il a placé dans son affaire est un service que Jules vend à son entreprise (dont Jules perfectionne d’année en année l’équipement au moyen de ce qu’il continue à y placer). Comme Julie, Jules vend aussi à cette même entreprise le service de son travail. Ces ventes sont celles de marchandises élémentaires. Leur achat par la cordonnerie met cette dernière en mesure de vendre du ressemelage et d’autres produits. L’assortiment de services et de biens que la cordonnerie tient à la disposition de sa clientèle est entièrement constituée de marchandise composée.

Prototypes arbitraires

Pour faire comme si dans les deux catégories de marchandises élémentaires, celle du travail n’était pas objectivement primaire, les économistes disposent de deux moyens. 1) S’abstenir d’en parler. 2) Voir dans les salles de vente aux enchères en général, et dans les bourses de valeur mobilière en particulier, les prototypes de tout marché.

Un endroit où la cordonnerie de Jules pourrait se trouver est Milly-la-Forêt, ce bourg que Jean Cocteau a beaucoup contribué à rendre célèbre. Si, par exemple de retour d’une randonnée en forêt de Fontainebleau, vous songez de nouveau à ce que sont les marchés que la science économique doit avant tout prendre en considération, rendez-vous sous la halle de Milly-la-Forêt. Pensez alors à Jules et à Julie, à Mariette et à Pierrot (Economie Matin du 12 janvier) et à tant et tant d’autres. Et osez envisager que des économistes persistent à privilégier un certain type de marché afin que leur préjugé du règne sans partage de la loi de l’offre et de la demande devienne à leurs yeux apparemment démontrée.

Marchandises rares

Dans les marchandises composées, la plupart sont reproductibles à volonté et d’autres beaucoup moins nombreuses sont rares. Ricardo (1772-1823) a retenu cette distinction dès les premiers paragraphes du premier chapitre de ses Principes de l’économie politique et l’impôt. Le verbatim de ses explications et de leur conclusion est reproduit dans le deuxième argument de la proposition 2.19 (lien à la fin du présent article).

Je recommande de lire ou relire ce texte, puis de ruminer le fait que tous les objets de grande collection deviennent des marchandises rares quand ils sont mis en vente. Les convaincus par la théorisation néoclassique (marginaliste) soutiennent que toutes les marchandises composées sont rares, qu’elles soient ou non reproductibles à volonté. Sans aucun doute, de la rareté intervient incontestablement beaucoup dans les prix du foncier et plus largement de l’immobilier, entre autres. Il n’en est pas moins évidemment faux de soutenir que les prix des ustensiles courants de cuisine et des appareils électroménagers et de tant et tant d’autres produits reproductibles à volonté qui composent le plus grand nombre des objets vendus par les entreprises ne tendent pas à être des sommes de coûts objectifs si les autorités de marché veillent à ce que l’absence d’entraves au libre choix ait cet effet.

Deux fois trois

L’ensemble des marchandises élémentaires comprend d’une part le sous-ensemble des services fournis par les travailleurs, chefs de tout grade compris, d’autre part le sous-ensemble des placements des épargnants. Ces derniers ne sont en économie définie que des individus et des associations à but non commercial, comme par exemple une famille ou une société savante. Les échanges économiques dans lesquels l’un des deux termes est une marchandise élémentaire sont au nombre de trois : 1) le service du travail contre sa rémunération ; 2) le placement par un épargnant en capital, à savoir en financement permanent d’entreprise ; 3) le placement par un épargnant en crédit, à savoir en prêt rémunéré par des intérêts.

L’ensemble des marchandises composées comprend lui aussi trois sous-ensembles : 1) le sous-ensemble des marchandises rares ; 2) le sous-ensemble des marchandises industrielles produites en série – téléphones et ordinateurs personnels sont produits en série ;3) le sous-ensemble des marchandises industrielles dupliquées en série – les livres et les logiciels sont dupliqués en série. Les prix auxquels se règlent les échanges qui portent sur de la marchandise rare ne se forment manifestement pas de la même façon que les prix auxquels se règlent les échanges de marchandise produite en série. De leur côté, les prix des livres et des logiciels de première main ne se forment pas de la même façon que ceux des téléphones et des ordinateurs personnels neufs, tout au moins quand les entreprises qui mettent sur le marché de tels produits n’ont pas recours à des stratagèmes anticoncurrentiels.

Propositions 2.12 à 2.22

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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