Loi de finances 2014 : entre censure et validation par le Conseil Constitutionnel

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Par Thierry Bouclier Modifié le 31 décembre 2013 à 10h43

Le Conseil Constitutionnel devait se prononcer sur la constitutionnalité ou non de 19 articles de la loi de finances pour 2014, définitivement adoptée par le Parlement le 19 décembre dernier. Dans sa décision n°2013-685 du 29 décembre, il a déclaré 11 articles en tout ou partie contraires à la constitution. Il a validé les 8 autres. Revue des principaux aspects de sa décision.

Les dispositions censurées

Parmi les dispositions censurées figurent en premier les deux articles très controversés relatifs à la définition de l’abus de droit et à l’obligation de déclaration à l’administration des « schémas d’optimisation fiscale ».

En ce qui concerne l’abus de droit, celui-ci devait désormais concerner les actes ayant un caractère fictif ou ayant pour motif principal – et non plus pour motif exclusif - celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales. L’abus de droit étant sanctionné par le paiement des droits éludés, l’intérêt de retard au taux annuel de 4,80% et une majoration de 80%, le Conseil Constitutionnel a jugé que « le législateur ne pouvait retenir une nouvelle définition aussi large de cette notion » qui porte « atteinte au principe de légalité des peines ».

En ce qui concerne l’obligation de déclaration à l'administration des « schémas d'optimisation fiscale » par les personnes les commercialisant, les élaborant ou les mettant en œuvre, le Conseil a relevé que ces dispositions retenaient une définition trop générale et imprécise, alors qu'elles apportaient des restrictions à la liberté d'entreprendre et étaient lourdement sanctionnées.

Le Conseil Constitutionnel a également censuré la disposition visant à intégrer, dans la liste des revenus à prendre en compte pour le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune, les revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment les contrats d’assurance-vie, ayant déjà été assujettis aux prélèvements sociaux. Rappelons que le plafonnement de l’ISF a pour but d’éviter que le montant total formé par l’impôt sur le revenu et l’ISF excède 75% des revenus du contribuable. En cas d’excédent, celui-ci vient en diminution de l’ISF à payer.

Le nouveau calcul de plafonnement voté par le Parlement prenait en compte des revenus « latents » que le contribuable n'a pas encore réalisés ou dont il n'a pas disposé. Une telle disposition avait déjà été censurée par le Conseil Constitutionnel l’année dernière. Il renouvelle sa censure au motif que la disposition votée cette année « méconnaît l'autorité de chose jugée par le Conseil ».

Enfin, le Conseil a censuré l’article de la loi supprimant tout abattement, et par conséquent, toute exonération, pour durée de détention pour les terrains à bâtir. La loi prévoyait qu’en cas de cession de tels biens, les droits proportionnels – 19% auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux global de 15,5% - seraient calculés sur le montant de la plus-value brute sans prise en compte d’aucun abattement. L’article supprimait les abattements actuellement en vigueur qui permettent une exonération de la plus-value au bout de 30 ans de détention.

Le Conseil constitutionnel a censuré cet article « comme portant atteinte à l'égalité devant les charges publiques ».

Les dispositions échappant à la censure

Le Conseil constitutionnel n’a pas jugé contraire à la Constitution l’article abaissant le plafond de l'avantage en impôt résultant de l’application du quotient familial de 2.000 euros à 1.500 euros par demi-part additionnelle. Cette disposition n’est pas, selon le Conseil, « contraire au principe d'égalité ». Pour rappel, ce plafond avait déjà été abaissé de 2.336 euros à 2.000 euros pour l’imposition des revenus 2012. Les familles nombreuses verront donc, une fois encore en 2014, le montant de leur impôt sur le revenu augmenter fortement.

Il a également validé les dispositions relatives à la taxe sur les véhicules des sociétés qui inclut dans les tarifs de cette taxe un barème permettant de tenir compte des différences de niveaux de pollution émis par les véhicules selon leur type de motorisation et l’année de leur mise en service. Cette disposition n’est pas non plus « contraire principe d’égalité ».

Tel est également le cas de la fameuse taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations attribuées en 2013 et 2014 par les entreprises. Cette taxe, au taux de 50%, est assise sur les rémunérations individuelles excédant un million d'euros avec un plafond fixé à 5% du chiffre d'affaires. Compte tenu de ces éléments et au regard des capacités contributives desdites entreprises, le Conseil a considéré qu’elle « ne porte pas atteinte à l'égalité devant les charges publiques ».

Enfin, le Conseil a validé la faculté de relèvement temporaire des taux des droits de mutation à titre onéreux fixés par les départements. Rappelons que les conseils généraux pourront relever le taux de la taxe de publicité foncière au- delà de 3,80% et dans la limite de 4,50% pour les actes passés et les conventions conclues entre le 1er mars 2014 et le 29 février 2016.

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Maître Thierry Bouclier est avocat au barreau de Bordeaux, spécialiste en droit fiscal. Docteur en droit, a une activité partagée entre le conseil et le contentieux, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Intervient dans tous les domaines de la fiscalité (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA, impôts locaux...) nationale ou internationale. http://www.avocat-bouclier-fiscaliste-bordeaux.fr/

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