Loi santé : vers des soins de moindre qualité

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Par Patrick Crasnier Publié le 7 janvier 2016 à 5h00
France Qualite Soins Loi Sante
20Moins de 20 députés étaient présents dans l'hémicycle pour voter la loi santé.

Après bien des discours, des affirmations, des désinformations, la loi de modernisation de la santé a été votée en douce le 17 Décembre. Une loi aussi importante qui va impacter l’ensemble des systèmes de soins en France a été approuvée « à mains levées » par un très petit nombre de députés, moins de 20.

La période de Noël n’a pas été choisie par hasard, le refus du vote solennel non plus, un vote en catimini pour une loi dont personne ne veut. Un recours en conseil constitutionnel ayant été déposé immédiatement par 60 députés et 60 sénateurs de l’opposition. Une porte étroite a déjà été déposée aussi par le syndicat médical LE BLOC (une porte étroite est un texte d’information aux membres du conseil constitutionnel sur les risques d’une loi pour un groupe ou une partie de la population.)

J’ai pour ma part poursuivi mon travail de recherche sur les diverses modifications que subiront les patients et les professionnels de santé, quand cette loi sera mise en place.

Au fil des jours mon étonnement a été grandissant, ma première surprise, et pas des moindres, a été de constater que tous les réseaux de soins étaient déjà pratiquement en place. Réseaux de soins avec tout ce que cela comporte de changement pour tous, dans la grande marchandisation de la santé. Un opticien interrogé m’a expliqué « qu’un jeune opticien, endetté par l’achat d’un magasin, était incapable de refuser ces réseaux » ajoutant « la concurrence féroce qui règne aujourd’hui va tuer tous ceux qui tenteront de s’en sortir seuls » Puis il m’informe du fonctionnement de certains réseaux, qui incitent leurs adhérents a aller acheter les verres et les montures sur internet. Une fois cet achat effectué, les assurances de ces réseaux expliquent aux membres qu’ils doivent aller chez un "opticien du réseau" se faire monter et régler leurs lunettes. Ajoutant « les opticiens du réseau ne peuvent refuser ».

Résultat, comme dans une station service ou vous faites monter vos pneus achetés sur internet, l’opticien ne gagne plus rien ou presque. Avec cette pratique il fermera rapidement et ne resteront que les « grandes surfaces de l’optique » payant leurs salariés avec un lance pierres. Quelques opticiens résistants continueront à faire de la qualité, quelques patients aisés ou sortis du système continueront à aller chez eux, mais ce ne sera pas la majorité. Il est impossible pour un magasin d’optique de payer de monstrueuses charges dites sociales et de perdre la presque totalité du chiffre d’affaire, ne gardant que les petites interventions à 10 ou 20 euros.

Pour les autres professions de santé, les mesures en place vont provoquer les mêmes effets destructeurs des professions libres et libérales. Nous voyons arriver les consultations par internet, bien sur sans examen clinique, sans savoir qui est sur la toile pour répondre. Un peu comme sur les sites coquins, où les appelants fantasment qui est au bout du fil, sauf que là les patients imagineront un médecin. Une ordonnance sera envoyée par mail (sans aucune responsabilité de personne bien sur) le patient devant « aller chez son médecin » s’il a besoin d’un acte administratif (arrêt de travail, certificat etc.) Une belle vie de médecin relégué au rang de tamponneur de certificats. Question la consultation pour certificat sera-t-elle remboursée par les assurances ?
Plus fort encore, des instances très officielles comme la haute autorité de la santé, le CISS, les ARS ont fait la promotion la semaine passée d’un site appelé « deuxième avis » Ce site propose aux patients ayant été consulter un vrai médecin dans une "vraie consultation", un deuxième avis médical par internet. Un pool de soi disant experts médicaux renommés, sans vous voir, sans vous ausculter, sans vous connaitre, émettra un second avis sur votre pathologie. Manipulation du doute et de l’angoisse insupportable, jusqu’à ce jour seuls les charlatans de tous poils s’y étaient risqués. Le pire de cette affaire, c’est le coût pour le patient du « second avis » 295 Euros, oui vous lisez bien, je ne me suis pas trompé en écrivant cette somme.

Notre patient, inquiet par sa santé aura donc été consulter son médecin, pour 23 euros (sans payer car tiers payant généralisé) puis son angoisse liée au diagnostic grandissant, il va aller payer 295 euros pour se faire dire « c’est bien ce que vous avez » dans le meilleur des cas ou bien « ne vous inquiétez pas vous n’avez rien » dans le pire. Ce site étant officiellement conseillé par nos énarques de la santé, certaines mutuelles envisagent de le rembourser sur les contrats premium ou carte d’or très chers. Un très bon moyen de faire de l’argent toujours plus sur le dos de la santé.

La destruction de notre système de soins et de nos professionnels de santé n’est plus un risque mais une réalité. Les assurances privées sont prêtes à appliquer tous les travers de la loi santé sans attendre ses décrets d’application (le site de consultation par internet d’AXA est en place) Nos élus socialistes ont laissé faire et même ont voté, pour certains restés à l’assemblée, pendant que les autres étaient dans leurs familles en vacances. Les médecins diraient « ceux qui étaient de garde ont voté » avec beaucoup d’ironie. Nous sommes maintenant passés à autres choses pendant les fêtes avec la déchéance de nationalité que les socialistes voteront même en étant contre.

Alors une seule chose, essayez de ne pas être malades en France dans l’avenir, ou alors prenez des assurances privées qui vous permettront d’aller vous faire soigner chez les résistants.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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