Macroéconomie : de plus en plus de bulles immobilières font leur apparition

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Par Christopher Dembik Publié le 12 février 2018 à 5h00
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1 000Au cours de ce mini-krach, le Dow Jones a perdu plus de 1 000 points, en un jour.

Sur le plan macroéconomique, les bulles immobilières sont généralement les plus dangereuses car elles touchent de grandes parties de la population. Les marchés immobiliers les plus risqués sont actuellement ceux de l’Australie, de Londres, de Hong Kong, de la Suède et de la Norvège.

Nous vivons une ère propice aux bulles spéculatives en raison des politiques monétaires accommodantes et d’un excès de liquidités. Une bulle est toujours difficile à identifier avant qu’elle n’éclate, même s’il est généralement reconnu que la présence d’une hausse exponentielle exagérée des prix est l’une des caractéristiques les plus évidentes. C’est aujourd’hui le cas sur de nombreux marchés du monde entier : les crypto-devises, les taux négatifs du marché obligataire ou les actifs technologiques. Et pourtant, sur le plan macro-économique, les bulles les plus dangereuses sont celles qui ont déjà existé, notamment sur le marché immobilier.

Les bulles spéculatives des actifs financiers sont inquiétantes, mais affectent seulement une petite partie de la population, contrairement aux bulles immobilières. Les marchés immobiliers les plus risqués sont actuellement ceux de l’Australie, de Londres, de Hong Kong, de la Suède et de la Norvège. Tous ces marchés partagent deux caractéristiques communes : les prix du logement divergent totalement des revenus de la population et l’économie réelle connaît des distorsions liées à la politique monétaire, telles que la forte hausse des prêts et/ou l’explosion du secteur de la construction.

A des fins de comparaison, les données utilisées pour calculer l’appréciation du marché de l’immobilier sont celles de la BRI. Source : Saxo Bank Research & Strategy, Macrobond, Statistics Norway, Enquête sur l’accessibilité des prix du logement.

Malgré la crise financière internationale, les prix de l’immobilier n’ont cessé de croître dans ces cinq zones. D’après les données de la BRI, l’explosion des prix depuis 2007 varie de 45 % à Londres et sa périphérie à plus de 200 % à Hong Kong. Cependant, le marché immobilier le plus risqué sur le long terme est celui de la Norvège. Au cours des dernières décennies, les prix de l’immobilier norvégien sont montés en flèche et l’indice de production dans la construction, autre signe de distorsion du marché, a récemment atteint son plus haut niveau depuis 2000.

Depuis 1992, la Norvège a vu son cours de l’immobilier grimper de 490 % (60 % depuis 2007), une conséquence directe de la politique de taux d’intérêt bas de la Norge Bank. Cependant, l’explosion des prix sur une période plus courte est plus impressionnante à Hong Kong.

Ce qui rend la situation aussi dangereuse en Norvège est l’association unique entre un niveau inquiétant d’endettement des ménages (le taux d’endettement des ménages par rapport au revenu net disponible atteint 220 %, soit un des plus élevés des pays de l’OCDE) et un taux d’accession à la propriété parmi les plus élevés, avec environ 85 %, alors qu’il s’est stabilisé ou a même baissé (notamment à Londres) dans d’autres endroits sensibles du monde.

Cette bulle est inévitablement vouée à éclater, et on peut déjà voir certains signes de correction depuis que les prix des logements résidentiels ont commencé à baisser en 2017. Les propriétaires connaîtront alors des pertes de valeur considérables et beaucoup d’entre eux ne seront plus en mesure de rembourser leurs prêts hypothécaires. Selon Statistics Norway, plus de 17 % des ménages (principalement des jeunes couples avec enfants) sont endettés à hauteur de plus de trois fois leur revenu annuel. Ce trou noir financier aura des conséquences dramatiques sur le plan macro-financier.

Le manque d’inflation associé à un endettement aussi important et un taux de propriété élevé, dans une économie lourdement endettée, signifient que les corrections sur le marché de l’immobilier (ou l’éclatement de la bulle) auront un effet domino sur l’économie, ce qui freinera le crédit et la croissance.

Heureusement, le risque systémique associé à ces bulles immobilières reste limité. Les bulles immobilières concernent principalement des économies relativement petites et ouvertes, qui bénéficient de flux d’argent bon marché grâce à des politiques monétaires accommodantes et dans certains cas, comme en Australie, de flux spéculatifs provenant des investisseurs chinois. Cependant, la situation est intéressante à étudier, car l’évolution des petites économies ouvertes dans le secteur immobilier est souvent annonciatrice de ce qui va se produire dans de plus grandes zones économiques.

Jusqu’à présent, la situation est relativement saine dans la plupart des grands pays développés, même si quelques sursauts de valorisation commencent à poindre ici et là. Néanmoins, la situation n’est pas comparable à ce qui s’est passé avant 2007.

Le risque de bulle immobilière dans les grands pays européens est relativement limité. La crise financière mondiale a fait éclater la bulle immobilière et les prix ont dû attendre 2014 pour revenir à leurs niveaux d’avant crise, sous l’impulsion d’une croissance économique plus solide. Il reste cependant quelques exceptions comme l’Espagne, où les prix de l’immobilier sont toujours 20 % plus bas que leur niveau de 2007.

Aux États-Unis, le marché immobilier s’est totalement remis de la crise. L’indice national Case-Shiller a presque retrouvé son niveau d’avant la crise. De nouvelles villes viennent remplacer Miami et Las Vegas, où les prix de l’immobilier restent inférieurs à leur niveau de 2007. A Boston, les prix sont supérieurs d’environ 20 % à leur précédent pic, alors que Seattle et Dallas affichent une hausse avoisinant respectivement les 40 % et 50 %. En revanche, et contrairement à 2007, l’endettement des ménages est plus gérable, avec un taux d’endettement en pourcentage du revenu net disponible de 112 % en 2015, contre 142 % en 2017 (source : OCDE, dernières données disponibles).

Au sein des principales économies, les investisseurs s’inquiètent surtout de la situation en Chine, où les prix de l’immobilier connaissent une hausse massive en raison d’un excès de liquidité. Heureusement, les premières mesures prises par le gouvernement pour mieux réguler le marché immobilier semblent porter leurs fruits puisque les prix de vente des nouveaux logements ont baissé en octobre 2017, pour la première fois depuis le printemps 2015. Il est cependant trop tôt pour en tirer des conclusions. Il faut attendre d’autres données pour savoir si une correction des prix aura lieu en 2018. Cela dépendra principalement des objectifs économiques qui seront présentés par le gouvernement chinois lors de la réunion annuelle du Parlement en mars 2018.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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