Marché du lait, les agriculteurs toujours dans le doute

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Par Michel Delapierre Modifié le 29 août 2017 à 11h28
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Août 2016, les cours mondiaux du prix du lait sont au plus bas et la crise du secteur bat son plein. Le groupe Lactalis, numéro un mondial du secteur, paie ses producteurs 257 euros les 1000 litres quand d’autres grands transformateurs comme Sodiaal ou Danone ne font guère mieux à 10 ou 20 euros près. Après plus d’un mois sous tension, des blocages de sites, des actions coups de poings dans les supermarchés et trois sessions de négociations, Lactalis et les représentants des producteurs de lait parviennent finalement à un accord le 30 août : la tonne de lait sera payée 290 euros sur les cinq derniers mois de l’année, ce qui porte le prix moyen à 275 euros sur 2016. Les producteurs sortent pourtant de la crise avec un sentiment mitigé. Ils ont obtenu une augmentation mais le niveau de prix reste toujours inférieur aux coûts de production, évalués entre 330 et 380 euros, selon les exploitations.

Un an plus tard, la situation du marché a-t-elle changé ?

Août 2017. Les effets négatifs de la fin des quotas sont peu à peu absorbés. Grâce au système de régulation volontaire mis en place par Bruxelles, l’Europe n’est plus en surproduction, les cours mondiaux repartent à la hausse. Pour autant, les éleveurs français ont du mal à voir les effets de cette reprise au niveau de leur portefeuille et réclament toujours une meilleure répartition de la valeur entre eux, les industriels des produits laitiers et la grande distribution.

Selon tous les syndicats et organisations professionnelles du secteur, la grande majorité des éleveurs ne parvient toujours pas à se rémunérer et nombre d’entre eux sont contraints de fermer leur exploitation dans un contexte où trouver un repreneur relève du chemin de croix.

De son côté, fin juillet 2017, le groupe Lactalis a annoncé une augmentation de ses tarifs à 350 euros les 1000 litres pour le mois d’août et 360 euros en septembre, soit une augmentation de 18% par rapport à l’année 2016. Une annonce qui a toutefois été très froidement reçue par les syndicats, FNSEA, FNPL (Fédération Nationale des Producteurs de Lait), Coordination Rurale et Confédération Paysanne.

Lactalis joue avec les chiffres

Ces derniers estiment que l’annonce ne reflète que partiellement la réalité car Lactalis a modifié ses critères de rémunération. Généralement, l’ensemble des acteurs du secteur laitier négocie le prix sur une base qualitative imposant un lait avec 38% de matière grasse et 32% de matière protéique. Les producteurs qui vendent un lait de qualité supérieure, autour de 41% de matière grasse et 33% de matière protéique, bénéficient de primes. Or, Lactalis, en prenant désormais comme base de rémunération ce critère de 41/33, enlève automatiquement aux éleveurs le bonus lié à la qualité.

Pour les syndicats, Lactalis joue donc avec les chiffres. Ils estiment que si les critères de rémunération habituels de 38/32 étaient respectés, les prix annoncés par Lactalis ne seraient plus de 350 euros pour le mois d’août mais de 330 euros, et de 340 à la place de 360 pour le mois de septembre. Pour Philippe Jehan, président de la FDSEA de Mayenne, le groupe se livre à une communication fallacieuse dans l’espoir de redorer son image auprès des éleveurs et des consommateurs.

La Coordination Rurale réclame 450 euros la tonne

Ce niveau de tarif autour de 330, 340 euros, qui est globalement ce que la grande majorité des industriels devraient payer aux agriculteurs cet automne, est vivement critiqué par la Coordination Rurale. Véronique Le Floch, responsable nationale de la section lait, estime que le prix de 340 euros la tonne ne permettra de sauver que 10% des producteurs français sur le long terme. Le syndicat revendique une tonne de lait payée à 450 euros afin que les éleveurs français puissent s’en sortir et se payer un niveau de rémunération équivalent au SMIC. En comparaison, la syndicaliste estime que la valorisation de la tonne de lait est de 1450 euros chez Danone et de 1700 euros chez Lactalis.

Prochaine étape, les Etats Généraux de l'Alimentation

A la FNPL, on pointe également un marché français à la traîne par rapport au reste de l’Europe en ce qui concerne la rémunération des éleveurs. Selon le syndicat, l’augmentation du prix du lait payé aux agriculteurs n’est que de 12% en France sur les cinq premiers mois de l’année 2017 alors qu’elle est de 26% en Allemagne, de 27% aux Pays-Bas et de 37% en Belgique.

Dans ce contexte, les agriculteurs restent mobilisés et très méfiants quant aux échéances à venir. Pour Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération Paysanne, si les Etats Généraux de l’Alimentation n’aboutissent pas à des obligations légales concernant la répartition de la valeur entre éleveurs, industriels et distributeurs, la situation des éleveurs ne s’améliorera pas. Pour le syndicaliste, il serait illusoire de ne compter que sur la bonne volonté des industriels et de la grande distribution.

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