La Commission appelle le Parlement Européen à « mieux légiférer ». Comment procéder ?

Par Bertrand de Kermel Modifié le 28 mai 2015 à 8h08
Legiferer Europe Commission Tehcnique Debat
119 MILLIARDS €L'Union Européenne peut espérer un gian de 119 milliards d'euros par an grâce à l'accord transatlantique.

Un article paru hier sous le même titre que celui-ci relatait le souhait de la Commission d’améliorer le travail législatif effectué par le Parlement Européen. Elle propose notamment de « soumettre systématiquement les propositions d’amendements importantes aux projets de lois à un comité d’experts qui réalisera une étude d’impact ».

L’article montrait que la Commission aurait dû s’interroger d’abord sur sa propre façon de travailler qui n’est pas exemplaire du tout.

C’est pourquoi cette proposition suscite chez beaucoup de parlementaires la crainte de transférer un énorme pouvoir à des experts non élus et soumis aux fortes pressions des 15 à 30.000 lobbyistes présents à Bruxelles. (CF le mépris avec lequel le Commissaire De Guth a traité publiquement l’étude qu’il avait lui-même commandée, payée et mise en ligne sur le site de la Commission … https://www.dailymotion.com/video/x1uga5b_ttip-les-mensonges-de-la-commission-europeenne-en-direct-live_webcam ) Cette vidéo illustre le pouvoir devenu immense des lobbies.

Paradoxalement, l’idée de la Commission européenne pour mieux légiférer est peut-être la solution pour ramener la confiance et la rigueur, sous réserve qu’elle se l’applique d’abord à elle-même, et que des garanties soient apportées sur le contenu des fameuses études d’impact, et la probité intellectuelle de leurs auteurs.

Au niveau de la Commission, tout d’abord, deux actions principales sont à conduire.

1 - Inscrire dans le Traité sur le fonctionnement de l’UE, le principe suivant lequel aucun projet de loi européen ne puisse plus être voté sans être précédé d’un exposé des motifs contenant :

  • une étude d’impact décrivant et mesurant l’effet attendu du projet de Loi sur chacun des trois piliers du développement durable (économique, social et environnemental)
  • la date et les outils de mesure qui permettront de vérifier les effets de la loi projetée dans les trois domaines économique, environnemental et social, notamment son effet sur la baisse de la pauvreté en commençant par les plus fragiles et les exclus.

Cette façon de travailler est la seule qui garantisse l’objectivité du bilan qui sera dressé de l’application de la Loi et de sa conformité à l’article 3 du traité sur l’Union Européenne, qui fait obligation à l’Europe d’œuvrer dans le cadre du développement durable, et de ses trois piliers (économie, sociétal et environnement).

Naturellement, cela implique que les études soient toutes publiques, et que les méthodes utilisées pour leur réalisation bien expliquées, pour être éventuellement critiquées. Les Cabinets choisis devront également être soumis à des règles très détaillées garantissant leur indépendance et leur probité, à peine de lourdes sanctions. La Loi pénale applicable en cas de problème devra être connue d’avance. Enfin, ces études devront être traduites dans les quatre langues officielles de l’UE, car une très grande partie des citoyens européens et de leurs élus au plus haut niveau maitrise très mal l’anglais.

2 – Inscrire également dans le Traité sur le fonctionnement de l’UE, l’obligation d’insérer dans la plupart des Lois et règlements européens une clause de rendez-vous, c’est-à-dire une clause fixant un délai à l’issue duquel la Loi devra nécessairement être réétudiée, voire améliorée ou même supprimée si le Parlement le juge utile, à l’exemple des Lois bioéthiques françaises. Cette façon de travailler est très cohérente dans le monde actuel marqué par la logique du court terme qui fait parfois beaucoup de mal. Surtout, elle permet de corriger d’éventuels effets imprévus, et ainsi de garantir l’application dans sa lettre et de son esprit de l’article 3 du Traité sur l’Union Européenne.

A noter que le principe de ces propositions se trouve dans le rapport Camdessus de 2004, intitulé : « vers une nouvelle croissance pour la France », page 32. (Ce rapport avait été commandé par Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’économie et des finances, à l’ancien gouverneur de la Banque de France qui fut ensuite Directeur général du FMI).

Au niveau du Parlement Européen, il suffit de décliner les propositions ci-dessus, en prévoyant, comme le demande la Commission, que les amendements les plus importants seront analysés par le même cabinet, sous les trois angles économique, sociétal et environnemental, et avec la même méthode.

En procédant ainsi, il sera aisé de vérifier le moment venu, si la Loi votée a bien répondu aux objectifs recherchés au départ dans les trois domaines du développement durable. Si tel n’est pas le cas, les corrections à lui apporter découleront naturellement de tout ce travail préalable, et tout le monde y trouvera son compte.

Si ces conditions sont refusées, alors il vaut mieux ne rien faire, car oui, cette réforme ne sera en réalité qu’une manipulation de plus pour court-circuiter les élus des 28 peuples.

Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

Suivez-nous sur Google News Economie Matin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «La Commission appelle le Parlement Européen à « mieux légiférer ». Comment procéder ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis