Du mieux, mais pas sur tous les dossiers

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 1 avril 2019 à 11h58
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50,5Le PMIs chinois de mars 2019, dans le secteur manufacturier repasse au-dessus de la barre des 50 : 50,5 après 49,2 en février.

Chine et Etats-Unis semblent continuer de faire des progrès dans leurs négociations commerciales et les enquêtes de conjoncture chinoises du mois de mars sont bonnes ; tant mieux ! Reste le dossier du Brexit, dont on ne sait plus s’il faut le regarder comme une farce (la forme) ou comme un drame (le fond).

Une bonne tenue dans les rencontres entre Chine et Etats-Unis

Le dossier le plus important pour les marchés internationaux reste la négociation économique et commerciale entre la Chine et les Etats-Unis. Les rencontres de la fin de la semaine dernière à Pékin entre les représentants des deux pays se seraient bien passées. La bonne tenue ce matin des bourses asiatiques, et aussi du future S&P 500, en est un écho. On dit qu’une partie importante des discussions a porté sur la question de la traduction d’une langue à l’autre (l’anglais et le chinois) des engagements pris de part et d’autre. Cela ne donne-t-il pas l’impression qu’une troisième phase des discussions est dorénavant en cours ? Il y a d’abord eu le fond (les problèmes à régler), puis la forme (quel habillage juridique donné à l’accord – traité ou memorendum of understanding – le point central étant le coté contraignant du texte à signer). Les deux pays en seraient à vérifier que le contenu est bien le même entre les versions anglaise et chinoise. La fin du processus est-elle en vue ? J’ai envie de dire qu’une quatrième étape sera nécessaire : chacun des deux gouvernements devra être capable de « vendre » en interne, c’est-à-dire auprès de l’opinion publique et des différents groupes d’intérêt, le contenu de l’accord.

De ce qu’on comprend à aujourd’hui, le Président Trump et ses équipes sont en situation de le faire ; cela paraît être moins le cas pour le Président Xi et les membres tant du Bureau Politique que du Conseil d’Etat. Il y a ici une vraie difficulté. Les dirigeants chinois ne peuvent simplement pas « perdre la face » au sortir des négociations. Les Américains devraient se souvenir de l’« économie » de l’accord signé au tout début des années 1990 avec le Japon. Si la finalité de celui-ci était bien de réduire le déséquilibre commercial bilatéral, les engagements pris participaient d’un renforcement des structures économiques de chacun des deux pays. Tokyo décidait d’améliorer l’environnement concurrentiel (moindre rôle des Keiretsus – les conglomérats – et faciliter l’ouverture des magasins à grande surface) et Washington actait de la nécessité de favoriser davantage l’épargne par rapport à l’endettement et de mettre plus l’accent sur l’éducation et la formation.

Quid de la croissance chinoise ?

L’autre dossier majeur est celui de la croissance. Est-elle en train de repartir sur un rythme un peu plus rapide ? A LBPAM nous le croyons et le marché l’espère. Disons que la publication des PMIs chinois de mars va dans ce sens. Dans le secteur manufacturier, il repasse au-dessus de la barre des 50 : 50,5 après 49,2 en février. Dans les branches non-manufacturières, il passe de 54,3 à 54,8. Tant et si bien que l’indice composite (pour dire les choses simplement, la moyenne pondérée des deux), atteint un point haut sur six mois à 54 (après 52,4 le mois précédent). Vu le rôle central de l’économie chinoise dans le commerce mondial, un double message est envoyé, si tant est que l’inflexion observée puisse être pérenne : des indicateurs conjoncturels « retrouvant des couleurs » chez les partenaires de la Chine et, par-delà, une croissance économique faisant preuve de plus d’allant, surtout dans les pays ou régions les plus dépendants des échanges internationaux. Dans ces conditions, le Tankan médiocre juste publié par la Banque du Japon (il s’agit de l’enquête de conjoncture trimestrielle de la banque centrale ; elle est très regardée) pointerait peut-être plus sur la réalité d’hier qu’elle ne décrierait celle de demain.

Le Brexit... Stop ou encore ?

Le troisième dossier très regardé est celui du Brexit. Vendredi dernier, la Première ministre n’a pas réussi pour la troisième fois à faire passer son texte à la chambre des communes (en fait uniquement la partie sur les conditions de sortie du RU de l’UE ; pas l’annexe politique sur les relations futures). Aujourd’hui les parlementaires repartent dans leur tentative de former une majorité sur une proposition alternative quant à ces relations futures. Même si le vote n’est qu’indicatif, il sera sans doute difficile à un Chef de gouvernement très affaibli de ne pas en tenir compte. Il n’empêche que ces débats sans fin, qui sont autant de preuves des atermoiements du monde politique britannique, risquent fort de déboucher sur la décision de redonner la parole aux citoyens. La difficulté centrale de nouvelles élections générales est que chacun des deux principaux partis devra se prononcer sur la question européenne. Sont-ils capables en leur sein de faire émerger une synthèse claire permettant d’avoir un message dénué d’ambiguïté ? Si c’est trop dur pour eux, il restera l’option d’un deuxième référendum. Quelle sera la question posée et, en cas de victoire du Remain, va-t-on voir s’ouvrir le débat sur le thème « ce qu’un deuxième référendum a défait, un troisième pourrait le refaire » ? Pendant ce temps, les Continentaux se demandent quoi faire. L’option de donner du temps au temps reste « sur la table » (prolonger la date de sortie bien au-delà du 22 mai) ; encore faut-il qu’à à Londres le gouvernement et le parlement s’entendent pour organiser les élections européennes dans le pays. Et ceci avant le 12 avril. Le marché veut croire en la voie de la raison ; mais cela devient compliqué.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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