Mobilité urbaine : passer d’initiatives locales à une vision globale

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Par Emmanuel Nedelec Modifié le 8 décembre 2016 à 15h57
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5Autolib' vient de fêter ses cinq ans.

Partout dans le monde, on assiste à la prise de conscience collective que le modèle de mobilité urbaine qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui, largement fondé sur la possession d’un véhicule, n’est plus soutenable.

De la pollution au bruit, au temps et à l’espace perdus, les désagréments, le coût et même les risques apparaissent désormais trop importants. Alors que l’urbanisation est appelée à se poursuivre et s’amplifier, et que les infrastructures actuelles sont déjà à saturation, il n’y a d’autre choix que de reconsidérer d’urgence la place de la voiture personnelle dans l’offre de transport.

Même si on estime qu’une diminution de 5 % du parc automobile peut suffire à décongestionner un centre-ville, l’objectif doit être d’inciter un maximum de citadins à renoncer à posséder une voiture. Mais pour cela, ils doivent avoir la certitude de disposer en toutes circonstances d’une solution de mobilité pratique, disponible, fiable, sûre, économique et, si possible, agréable. Or, pour l’instant, avoir son propre véhicule reste largement perçu – souvent à juste titre – comme le seul moyen de répondre commodément, sinon parfaitement, à toutes sortes de situations.

En guise d’alternatives, on voit apparaître une multitude d’initiatives, plus ou moins innovantes, et adaptées chacune à des cas précis d’utilisation : autopartage, covoiturage, VTC, location de scooters, vélo électrique… Toutes ces solutions viennent s’ajouter au transport en commun qui demeure l’incontournable pivot de la multimodalité car il reste – et restera – le moyen le plus efficace à tous points de vue de transporter un grand nombre de personnes en milieu urbain. Le résultat est une offre de mobilité riche mais fragmentée, parfois difficile à lire et à appréhender, et très variable selon les villes et les territoires. Et qui, de ce fait, ne couvre qu’imparfaitement les besoins et n’est pas encore en mesure de convaincre une large majorité de la population de renoncer à sa voiture.

Créer et mettre en place un nouveau modèle de mobilité urbaine ne se feront pas du jour au lendemain. L’étape actuelle, où chacun invente, expérimente et ose aller de l’avant malgré les inévitables réticences, est nécessaire. Elle permet d’apprendre et de s’améliorer à l’image d’Autolib’ qui a dû revoir son modèle de tarification, ajouter des utilitaires et dont le modèle se heurte aujourd’hui à des besoins de déplacement sur de plus longues distances. Cependant, pour franchir un cap, il est désormais indispensable de raisonner et agir à un échelon supérieur.

La mobilité urbaine de demain est un enjeu à la fois local, territorial et national qui touche à l’économie, l’environnement, la santé, le social, l’aménagement du territoire, et dont d’innombrables acteurs publics et privés se partagent la responsabilité. Malgré leur dynamisme, l’absence de coordination et d’une vision stratégique partagée sur laquelle chacun pourrait s’aligner engendre fatalement des frictions qui constituent un frein majeur. Dès lors que l’objectif serait pris en compte au plus haut niveau, il deviendrait en revanche possible d’instaurer des mécanismes incitatifs à l’échelle nationale qui permettraient de stimuler, faciliter et harmoniser le foisonnement des initiatives à l’échelle régionale et / ou nationale, et d’en démultiplier la portée.

Ainsi, il n’existe pas en France de cadre fiscal permettant aux entreprises de proposer à leurs collaborateurs une alternative aux véhicules de fonction sous forme, par exemple, d’un chèque mobilité. Or une telle possibilité permettrait d’offrir à de nombreux salariés qui vivent et travaillent en centre-ville un avantage plus pertinent qu’une voiture statutaire, et ainsi contribuer, de façon modeste mais directe, à réduire le parc automobile. Autre possibilité, permettre aux collectivités et aux entreprises de partager – et valoriser ! – leurs véhicules inutilisés en dehors des horaires de bureau. Ou encore, faciliter la création de voies autoroutières réservées aux véhicules partagés ou non polluants. Ou encourager les promoteurs immobiliers à troquer des places de parking contre des stations d’autopartage… Bref, les idées ne manquent pas mais elles doivent s’inscrire dans une stratégie globale, décidée et portée au plus haut niveau.

Une telle approche permettrait de donner une ampleur nationale aux nouveaux usages et de diffuser plus largement et plus rapidement les nouvelles pratiques de mobilité. La multimodalité sera en effet choisie dès lors quelle sera une alternative crédible à la voiture individuelle et qu’elle nous permettra de conserver la liberté de nous déplacer.

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Emmanuel Nedelec, DG France d’Ubeeqo

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