Nouveau régime de déductibilité des charges financières : la simplification n’a pas eu lieu

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Par Bertrand Dussert Modifié le 2 mai 2019 à 12h32
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La loi de finances pour 2019 a modifié le régime de déductibilité des charges financières sous l’influence du droit européen (directive ATAD du 12 juillet 2016). Malgré un besoin évident de simplification, plusieurs (nombreux) mécanismes de limitation de la déductibilité des charges financières coexistent toujours. État des lieux.

Introduction d’un nouveau plafond de déduction de droit commun (et aménagement du régime de sous-capitalisation)

o Les sociétés qui ne sont pas sous-capitalisées peuvent dorénavant déduire leurs charges financières nettes dans la limite du montant le plus élevé entre (i) 3.000.000 € par exercice, le cas échéant ramené à 12 mois et (ii) 30 % du résultat fiscal avant impôts, intérêts, dépréciations, amortissement et avant plafonnement des charges financières nettes (EBITDA fiscal).

Une déduction supplémentaire limitée à 75 % du montant des charges financières nettes qui n’ont pu faire l’objet d’une déduction (« clause de sauvegarde ») est permise pour les entreprises membres d’un groupe consolidé dont le ratio fonds propres/actifs est égal ou supérieur à ce même ratio déterminé au niveau du groupe consolidé. L’application de cette clause de sauvegarde - bien que favorable aux entreprises - soulève d’ores et déjà de nombreuses interrogations (notamment s’agissant du périmètre du groupe consolidé à prendre en compte).

o Lorsqu’une société est sous-capitalisée (i.e. dont le montant moyen des dettes vis-à-vis de sociétés liées excède une fois et demie le montant de ses fonds propres) deux assiettes de charges financières nettes doivent dorénavant être déterminées :

- la première assiette correspond aux intérêts relatifs à la dette vis-à-vis de sociétés non liées et à la dette vis-à-vis de sociétés liées n’excédant pas une fois et demie les fonds propres. La déduction est alors possible à hauteur de 30 % de l’EBITDA fiscal proratisé ou de 3.000.000 € proratisés si ce dernier montant est plus élevé.

- la seconde assiette correspond aux intérêts relatifs à la dette vis-à-vis de sociétés liées excédant une fois et demie les fonds propres. La déduction est limitée à 10 % de l’EBITDA fiscal proratisé ou 1.000.000 € proratisé si ce dernier montant est plus élevé.

En pratique la détermination de deux assiettes distinctes compliquera de manière significative le calcul du montant des charges financières non déductibles. S’agissant de ce nouveau régime il est par ailleurs intéressant de noter que (i) la définition de l’entreprise sous-capitalisée a été élargie par rapport au régime antérieur et que (ii) à la différence du régime antérieur, les dettes vis-à-vis des tiers garanties par des entreprises liées ne sont plus à prendre en compte.

Dispositifs maintenus

o Dette intra-groupe et taux de marché : la déductibilité des intérêts servis par une société à des entreprises liées est limitée au taux que l’entreprise emprunteuse « aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ». Malgré un nombre de contentieux important sur la preuve d’un taux de marché, il est regrettable que ces dispositions n’aient pas été précisées.

o Dette intra-groupe / mesure anti-hybride : les charges financières versées à des sociétés liées ne sont déductibles que si la société débitrice démontre, à la demande de l'administration, que les produits correspondants sont soumis à une imposition minimale chez la société créancière (i.e. 1/4 au moins du taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés français).

o Charges financières liées à l’achat d’une société en vue de son intégration « amendement Charasse » : ce dispositif - dont les impacts sont souvent difficiles à évaluer du fait d’un calcul à opérer sur neuf années - s’applique lorsqu’une société membre d’un groupe fiscal achète, à un actionnaire extérieur qui contrôle le groupe, ou auprès d’une société que cet actionnaire contrôle, les titres d’une société qui est ou devient membre du même groupe fiscal (dispositif fréquemment applicable par exemple dans les opérations de Management Buy-Out - MBO).

Dispositifs supprimés

o Le mécanisme du « rabot » qui limitait à 75 % le montant déductible des charges financières

- nettes lorsque celui-ci était supérieur ou égal à 3 millions d’euros.

o Le dispositif de limitation des charges financières liées à l’acquisition de titres de participations

(ou « amendement Carrez »).

Dans la mesure où le mécanisme du « rabot » a été remplacé par le nouveau plafond de déduction de droit commun, il est regrettable de noter que la seule réelle simplification concerne la suppression du dispositif de limitation des charges financières liées à l’acquisition de titres de participations (dispositif qui n’était que très rarement applicable en pratique et ne faisait l’objet que de rares redressements par l’administration...).

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Bertrand Dussert est associé du cabinet K&L Gates, à Paris, où il intervient principalement sur les aspects fiscaux français et internationaux afférents aux opérations de fusions et acquisitions, private equity et financières.

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