Ordonnances Macron: le grand bond contre la liberté d’entreprendre

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Par Eric Verhaeghe Publié le 29 juin 2017 à 11h15
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7%Emmanuel Macron table sur un chômage à 7 % à l'horizon de 2022.

Les ordonnances amoindriront donc la liberté d’entreprendre au lieu de l’accroître. On attendait une révolution libérale. On obtient une réaction étatiste et corporatiste. Macron n’aura donc pas tardé à nous sommer de dévoiler l’imposture qui l’a porté au pouvoir.

Les ordonnances seront donc à la liberté d’entreprendre ce que Bayrou fut et est au libéralisme: une trahison permanente, une imposture et une menace quotidienne et même peut-être, sans doute, une farce. Tout entières dévouées au service des grandes entreprises, elles organisent en masse la prolétarisation des entrepreneurs et leur mise aux pas par les donneuses d’ordres.

Et le plus agaçant, sans doute, est d’entendre la bien-pensance nourrir le mythe de textes en rupture avec l’ordre qui se construit patiemment depuis Martine Aubry.

Le mythe de la branche régulatrice inventé par Hollande…

La loi El-Khomri avait apporté une invention socialiste baroque, en prétendant (et c’était une innovation en rupture avec la liberté d’entreprendre) que les branches professionnelles avaient un rôle sorti du chapeau: réguler la concurrence entre les entreprises.

Mais d’où venait cette idée selon laquelle la concurrence entre les acteurs d’une branche doit être « régulée » par la « branche »?

L’origine, on la connaît bien. Elle est par exemple présente à l’état pur dans la branche du bâtiment où les acteurs installés fixent des barrières à l’entrée pour les nouveaux, en déterminant des « tarifs », c’est-à-dire des niveaux de rémunération élevés (mais aussi des niveaux de qualification et autres réglementations en opportunité). C’est, pour eux, la meilleure façon de se protéger contre la concurrence.

Et probablement faut-il retenir ici une idée générale, simple à comprendre: quand on dit que la branche « régule » la concurrence, il faut en réalité comprendre qu’elle protège les « insiders » contre la concurrence des outsiders.

Autrement dit, l’essence même de la branche est de limiter la liberté d’entreprendre pour protéger les acteurs établis. D’une certaine façon, la branche est par nature un outil inventé pour lutter contre l’innovation des nouveaux entrants. Bref, tout ce qu’il faut éviter pour relever le pays de son déclin.

… renforcé par Macron!

Contre toute attente, Macron qui avait promis de moderniser le marché du travail, entend bien renforcer le rôle de la branche au lieu de le diminuer. Autrement dit, les ordonnances ouvriront sans doute des perspectives nouvelles pour les grandes entreprises installées, mais elles durciront la réglementation pour les nouveaux entrants. En ce sens, Macron ne fait rien d’autre que continuer et aggraver la politique entamée sous Hollande.

Selon le texte proposé par le gouvernement, en effet, les branches verront leur rôle renforcé dans trois domaines: la formation professionnelle, le financement syndical et la protection sociale complémentaire.

Pour beaucoup de salariés, ces sujets sont invisibles. Ils ne le sont toutefois pas pour les entreprises qui se voient mises à l’amende par des accords de branche farfelus sur lesquels elles n’ont d’ordinaire pas le pouvoir de peser. Ils le sont encore moins pour les fédérations syndicales qui vivent des contributions qu’elles imposent de façon opaque aux entreprises qu’elles chapeautent.

En Marche vers la bureaucratisation de l’économie française

On comprend bien la logique sous-jacente au projet macronien: le banquier d’affaires ne connaît pas le tissu des petites et moyennes entreprises qui font l’économie française, ils les trouvent désordonnées, et son projet est de les structurer autour d’une logique pyramidale. Pour ce faire, il a besoin de constituer des branches fortes, capables d’édicter des réglementations comme le ferait une administration.

Si Emmanuel Macron n’a pas cette idée lui-même, la technostructure qu’il a nommée pour tenir les cabinets ministériels l’a conçue pour lui. On pense ici au directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, proche de la CFDT, au directeur adjoint de cabinet d’Édouard Philippe, Thomas Fatôme, qui dirigeait la sécurité sociale, ou au conseiller social de l’Élysée, qui a rédigé la loi El-Khomri. Cette bande organisée est bien décidée à transformer la libre concurrence en secteur administré.

Forcément, l’enracinement du corporatisme qui se prépare à travers ce renforcement des branches est une catastrophe sans nom, un immense retour en arrière, l’image même de la réaction nobiliaire dont l’économie française ne peut que souffrir gravement.

Incontestablement, ces ordonnances seront une rupture profonde, dont il faudra peut-être du temps pour mesurer l’ampleur. Mais, pour les petites entreprises, ces ordonnances rimeront durablement avec renforcement d’un ordre favorable aux grandes entreprises.

Article L2232-5-1 Créé par la loi du 8 août 2016 – art. 24 (V)

La branche a pour missions :
De définir, par la négociation, les garanties applicables aux salariés employés par les entreprises relevant de son champ d’application, notamment en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, de prévention de la pénibilité prévue au titre VI du livre Ier de la quatrième partie du présent code et d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnée à l’article L. 2241-3 ;
2° De définir, par la négociation, les thèmes sur lesquels les conventions et accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche, à l’exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l’accord d’entreprise ;
3° De réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d’application.

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "

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