Orange : mini-indemnisation pour maxi-panne

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 7 juillet 2012 à 19h30

Mise à jour samedi 21h15

Orange a annoncé en fin d'après midi qu'il offrirait des options à ses abonnés, comme notre article l'expliquait déjà vendredi soir, au coeur de la panne du réseau de l'opérateur numéro 1 français.

Pas de remboursement d'une partie de son forfait à attendre donc, même d'une journée, mais bien des services en plus... qui ont la caractéristique de ne rien coûter à l'opérateur.

Ainsi, offrir 1 Go de données aux abonnés d'offres illimités, c'est tout simplement aligner ponctuellement les forfaits data d'Orange, limités à 2 Go, sur ceux de... Free qui utilise pourtant le même réseau (en partie) et ofre lui 3 Go pour 19,99 euros par mois. Qui plus est, seule une petite partie des abonnés mobiles vont au bout de leur forfait data (qui d'ailleurs n'est pas bloqué une fois les 2 Go atteints, mais voit simplement son débit réduit).

De même, offrir 1 journée de SMS illimités aux abonnés cartes prépayées, ou 1 journée d'appels illimités, ne coûte quasiment rien non plus à l'opérateur. Les SMS sont par essence le service totalement gratuit ou en tout cas à cout marginal pour les opérateurs mobiles, ce qui explique pourquoi de plus en plus d'offres tarifaires offrent les SMS illimités, même pour des abonnements à 14,99 euros (Virgin Mobile par exemple, qui passe par... Orange).

Les appels illimités pendant une journée ? Une aubaine pour quelques poignées de bavards invétérés.

Reste la place de cinéma offerte à tous les abonnés. Déja, "tous" devrait exclure les abonnés aux offres professionnelles, qui sont privés de l'offre "Cinedays"' qui permet d'avoir une place offerte pour une place achetée pour les clients d'Orange, le mardi. Rappelons simplement que Orange est l'un des principaux financeurs du cinéma français. Offrir une place de cinéma pour aller voir des films dans lesquels Orange a probablement investi, sachant que l'on va rarement au cinéma seul, est là encore surtout un beau coup marketing, plus qu'un geste commercial généreux !

Si les associations de consommateurs ne montent pas au créneau, Orange s'en sortira sans trop de casse. Sachant au passage, que pendant que ses abonnés ne téléphonaient pas, n'envoyaient pas de messages, ils ne... coûtaient pas à l'opérateur, qui paye des frais sur le trafic que ses abonnés générent aux infrastructures qu'il loue à d'autres ! Les frais d'interconnexion, facturés pour un appel d'un abonné d'Orange à SFR par exemple, ne lui seront pas facturés ce soir là puisque le réseau ne marchait pas ! On peut donc estimer qu'Orange fait au moins une opération blanche dans cette affaire..

Si votre fournisseur d'accès à Internet ou votre opérateur mobile est en panne, quelle indemnisation espérer ? Economiematin a demandé a un avocat de l'éclairer sur les recours possibles, et sur l'attitude probable de Orange.

Historiquement, lors de grosses pannes, les opérateurs mobiles ou Internet ont toujours fait la même réponse à leurs abonnés, soit via les médias, soit dans un courrier envoyé quelques temps après l'incident : "Les conséquences étaient limitées, seul un petit nombre d'abonnés a été durablement touché, si cela vous a touché cela n'a duré que quelques heures et tout est redevenu normal derrière". Et des excuses.

Sous la pression des associations de consommateurs, dans le passé, certains opérateurs Internet (FAI) ou mobile ont pourtant consenti un effort commercial en cas de panne grave, et touchant suffisamment de monde pour que la pression soit suffisante pour faire réagir l'opérateur.

Mais, le plus souvent, l'effort commercial ne consistait pas en un remboursement de jours de forfaits ou d'abonnement, mais plutôt en l'octroi de services en plus : temps de communication supplémentaire offert, packs de SMS, ou... options tarifaires rendues provisoirement gratuites permettant d'ailleurs de conquérir au passage de nouveaux utilisateurs.

Il est en effet quasiment impossible pour un opérateur de décider de se faire hara-kiri en offrant un jour "off'" à tous ses abonnés par exemple. A l'échelle de Orange, une journée sans revenus, et ce sont des dizaines de millions d'euros qui disparaissent !

Quand on sait que Orange, fortement endetté, a lancé un programme de réduction des coûts de 2,5 milliiards d'euros l'an dernier, et que l'arrivée de Free en début d'année, tout en lui apportant une manne estimée à 1 milliard sur 3 ans, lui a fait perdre près de 600 000 clients, les abonnés d'Orange dont la ligne est en panne ce vendredi 6 juillet 2012 risquent tout au plus... de recevoir un message d'excuse de l'opérateur.

Et peut-être, des minutes d'appel en plus (la belle affaire pour les abonnés en illimité) ou des SMS (le plus souvent aussi illimités) ou encore... des bons de réduction à valoir sur d'autres produits de l'opérateur, ou encore des points en plus, pour changer de mobile, et rester ensuite chez Orange.

Néammoins, des professionnels, abonnés spécifiquement à "Orange Business Services", l'offre réservée aux pros, pourraient se prévaloir du fait que leurs conditions tarifaires sont nettement moins intéressantes financièrement que celles du grand public, car assorties de nombreuses garanties quant à la qualité de service. Ces abonnements proposent toujours un remplacement du mobile cassé ou volé dans la journée, des audits gratuits des consommations, etc.

De ce fait, un "pro" qui estimerait avoir été lésé dans son activité à cause d'une panne du réseau mobile, comme par exemple la perte d'un client (perte de chance, en droit), ou encore la baisse mesurée de son chiffre d'affaires (dans le cas d'une activité dépendant principalement du téléphone pour fonctionner) lors de la panne, pourra former un recours indemnitaire, avec de bonnes chances de l'emporter. C'est à dire d'arriver à obtenir une compensation de son préjudice. Une sérieuse épée de Damoclès sur la tête d'Orange, qui choisira peut-être de devance le risque en faisant un effort commercial particulier à destination des pros.

Mais là encore, il y a fort à parier qu'en dehors de quelques cas résolus de gré-à-gré et discrétement, nombre de ces réclamations n'aboutiront pas, ou alors, devant les tribunaux... dans deux ou trois ans.

Maître Emmanuel Sordet, associé au sein du cabinet Granrut, rappelle que le principal problème pour un professionnel qui affirmerait avoir été lésé par la panne d'Orange serait en effet de le prouver. "Une panne de terminal de paiement par exemple, équipe d'une puce GSM pour valider les transactions par carte, n'empêche pas le commerçant de prendre du liquide, ou d'accepter exceptionnellement les chèques, si d'habitude il les refuse".

"Dans le cas d'un commercial qui aurait raté une vente, car raté le rendez-vous avec son client, faute d'être joignable pour caler son rendez-vous, là encore, la "perte de chance" sera difficile à faire valoir, d'autant que cet argument a été écarté dans le passé par la Cour de Cassation".

Dernier point : peut on se prévaloir de la panne d'Orange pour résilier son abonnement ?

En théorie, oui : la souscription à un service payant est assortie d'une obligation de résultat pour celui qui le fournit. Si la rupture dans ce service est suffisament longue et impactante (dans le cas présent, ni les appels, ni les SMS, ni les données ne passent, alors que la panne ne pourrait être que partielle), alors, oui, un abonné pourrait s'en prévaloir pour résilier.

Mais, il y a un mais : attaché à son numéro de téléphone, le client qui partirait suite à la panne ne pourrait certainement pas bénéficier du portage de son numéro, car l'opérateur quitté ne lui facilitera pas la tache, même s'il renonce à le poursuivre pour réclamer les mois d'abonnement encore dûs...

Mise à jour Samedi 7 Juillet, 8h20

Interrogé à ce sujet, un porte-parole d'Orange a indiqué : « Nous présentons toutes nos excuses à nos clients et à nos partenaires pour cet incident rarissime et nous travaillons à une indemnisation de nos clients. »

A lire aussi sur le même sujet, avec notamment l'indemnisation octroyée par Bouygues Télécom a ses abonnés en 2004 lors d'une panne simiilaire : "Orange, Free, Blackberry, Bouygues Telecom : histoires de pannes"

A lire aussi sur le même sujet : "les conséquences innatendues de la panne d'Orange"

A lire aussi sur le même sujet : "Le réseau d'Orange en panne"

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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