Paris: une baudruche économique dépassée

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Par Ludovic Grangeon Publié le 5 mars 2021 à 5h44
Quartiers D Affaires Bureaux Paris
30%L'Ile de France représenterait environ 30% du PIB national

Après un an de crise sanitaire, l’élargissement du télétravail, et une meilleure transparence des activités économiques, le temps est venu de mesurer sérieusement le véritable poids de Paris dans l’économie nationale. Et la réponse est claire : beaucoup moins. Il est temps de loger les activités économiques là où leur réalité se situe.

Paris est une bulle qui se dégonfle à vue d’œil avec les réalités mises à jour par la crise. Il suffit de lire les statistiques officielles de l’Insee pour le constater. Notre centralisation excessive, les rentes de situation situées dans la capitale, une méthode approximative de comptabilité nationale y sont pour beaucoup. Bien pire, cette gestion de nos statistiques est dangereuse puisqu’elle ne reflète pas la réalité géographique et humaine. Le PIB par habitant situe l’Ile de France en 10 ème place européenne à 177 SPA à plus du double des autres régions françaises totalement absentes du classement de tête. Cet écart dépasse de deux fois la répartition des régions en Allemagne, beaucoup plus réaliste et homogène

Prenons juste deux tableaux de synthèse publiés par l’Insee : les Produits Intérieurs Bruts régionaux, et les Valeurs Ajoutées régionales. Première remarque : Il est burlesque de retenir encore au XXIème siècle la distinction entre France et Métropole. Les régions françaises sont encore considérées de niveau inférieur, comme les colonies africaines du XIXème siècle. Seule l’Ile de France est « noble » dans les statistiques. Les apparences suggèrent que l’Ile de France représenterait environ 30 % du PIB national avec 700 milliards sur un total de 2300 milliards (valeur 2018). Chacun sait que de nombreux sièges de sociétés sont logés à Paris. Pour autant, cette localisation reflète-t-elle la réalité ? Avec le télétravail, de nombreuses incohérences se sont révélées.

L’analyse des valeurs ajoutées régionales révèle de grandes incohérences. Est-il réaliste de compter à Paris 20% des activités manufacturières et minières, soit 27 milliards ? Encore plus bizarre, il semblerait que 30 % des Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution soient situées à Paris, soit 14 milliards. Les Champs Elysées ne semblent pas couverts de centrales électriques ou de stations d’épuration. Il ne semble pas plus plausible de loger en région parisienne le tiers de l’industrie automobile à près de 73 milliards, ou encore les activités de transports à 32 milliards. L’information et de la communication seraient situés à 60% à Paris. Si ce chiffre est sincère, il est par ailleurs révélateur d’une centralisation nombriliste excessive de la capitale au détriment des régions « coloniales ».

Où est comptabilisée aujourd’hui l’activité des télétravailleurs exerçant depuis Bordeaux ou Briançon pour une société parisienne dont les bureaux sont déserts ? Pourquoi les immatriculations de véhicules sont elles souvent faites dans la capitale alors qu’elles sont utilisées ailleurs ? Pourquoi les recettes fiscales des régions, des départements et des communes sont-elles amputées d’une richesse artificiellement orientée vers Paris qui n’y est pour rien ? Un siège à Paris intègre souvent une activité située ailleurs à Rouen, à Nancy ou à Toulouse…. Est-ce normal ?

Les statistiques combinent des données administratives (déclarations annuelles de bénéfices des entreprises et déclarations annuelles de données sociales) et des données obtenues à partir d’un échantillon d‘entreprises. Elles montrent que cette répartition est surtout dictée par la facilité et la pesanteur. Il est grand temps que nos statistiques nationales reflètent réellement notre activité sans cette énorme distorsion.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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