Du patent pool au patent trolling

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Par Emmanuel Sala Modifié le 2 juillet 2013 à 8h47

La question des brevets est un débat compliqué pour les partisans du libre marché. Juste rétribution de l'effort pour les uns, il justifie une protection adéquate. Faux répondent les autres, une protection en termes de privilèges ne fait que justifier un monopole alors qu'il faudrait adopter une protection en termes de droit de propriété.

Une polémique US, qui nous concerne les entreprises et les consommateurs européens

Les Patent pools sont des consortiums de plusieurs entreprises qui s'associent afin de breveter en commun des licences concernant une technologie particulière. En théorie, ces entités doivent permettre aux déposants de mutualiser les coûts particulièrement élevés de gestion de brevets et ainsi, leur faire économiser du temps et de l'argent. En achetant un panier de licences, un industriel n'a plus à négocier des contrats spécifiques avec de nombreux acteurs différents, et évite les risques juridiques liés à l'utilisation abusive d'un brevet. Selon leurs instigateurs, ces ententes permettent à de nouveaux entrants d'accéder à leurs services et, donc valorisent la recherche et le développement de nouvelles technologies.

Comme toutes les ententes commerciales anti-concurrentielles, les patent pools sont supposées interdites aux USA. Chacune doit donc obtenir une dérogation auprès du Département de la Justice. Une fois leur cahier des charges validé et sous réserve de respecter certaines conditions, celui-ci renonce a leur appliquer la loi anti-trust. Au titre des conditions principales, les brevets doivent être valides et exécutoires, le consortium ne doit pas agréger des technologies concurrentielles et leur fixer un prix global, un expert indépendant doit déterminer si les brevets sont essentiels, le consortium ne doit pas désavantager les concurrents ou faciliter les collusions.

La réalité est beaucoup moins rose: ces consortiums permettent en effet de conférer le monopole de certaines technologies à un groupe. Beaucoup ne sont en fait pas contrôlés par des experts indépendants comme le prévoit les conditions fixées par de Département de justice. En vendant des agrégations de licences, les patent pools exercent une forme de vente forcée, et obligent leurs clients a acheter des licences dont beaucoup ont expirées.

C'est un peu comme si pour acheter un smartphone derniers cris, il vous fallait acheter aussi un Minitel !

Les sociétés qui veulent innover doivent nécessairement acheter ces licences aux coûts prohibitifs et soit, reportent ces prix sur le consommateur final, soit, en particulier s'agissant des petites start-up, renoncent à leur développement. Le paradoxe est d'ailleurs qu'elles empêchent leur propres membres de développer des technologies qui viendraient en compétition avec celles déjà brevetées (voir le cas de Google en 2010 décrit ci-dessous). Certains médias anglo-saxons dénoncent ainsi le "patent trolling : Ces structures qui ne produisent rien elles-mêmes, et se contentent d'exploiter les idées des autres.

Ce consortium de 8 compagnies a été créé en 1996 et regroupe 27 brevets autour de la technologie MPEG2, laquelle définit la compression de l’image et du son et son transport à travers des réseaux numériques. Quand un industriel a besoin d'une licence relative à la technologie MPEG2 il doit l’acheter à MPEG LA qui s'est ainsi progressivement transformé en structure monopolistique : MPEG LA récolte sur chaque produit vendu utilisant un de ses "paquets de brevets" 2$ de licence d'encodage, 2$ de décodage et 2$ pour le produit. Ce prix n'a pas changé alors que le nombre de brevets, lui, a considérablement chuté : de 1000 patentes actives environ en 2004, il est tombé à 416 en juin 2013.

Google, développeur et soutien du format multimédia WebM, et pourtant membre du consortium, doit faire face aux menaces de MPEG LA car le WebM utilise des formats libres pour la vidéo et pour le son, en concurrence avec le format propriétaire de MPEG LA.

Peut-on échapper au Patent Trolling ?

La question des brevets concerne tous les acteurs impliqués dans le développement de nouvelles technologies et il est au cœur de la recherche et développement de nouveaux produits. Les start-up, notamment Françaises sont ainsi confrontées aux barrières d'entrées du marché américain et leurs redoutables lawyers qui ont conduits beaucoup d'entres elles a renoncer à ce marché. Leur technologie ne manque pourtant pas d'intéresser les industriels américains qui proposent à ces mêmes start-up de les … racheter. En effet, dans une secteur comme celui des Technologies de l'Informatique et des Communications, une innovation peut rapidement remettre en cause des géants industriels, dans la mesure où elle constitue un facteur clef de succès dans un processus de production.

Une manière comme une autre de tuer dans l'oeuf ce qui pourrait devenir un redoutable concurrent, et la démonstration faite que l'utilisation des brevets peut servir la mise en œuvre d'une politique protectionniste particulièrement efficace ! L'occasion également d'aboutir à la conclusion que, dans un secteur ou les innovations sont aussi rapides, la protection du brevet ne sert à rien. Seul l'effort constant et continu dans la recherche et développement de nouveaux produits ou l'amélioration de ceux existants, permet à l'entreprise de conserver son avance technologique et commerciale.

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Emmanuel Sala est associé fondateur et patron d'une société d'ingénierie informatique, il a vécu l'aventure passionnante de la création et développement d'une société innovante. Ancien militant de l'association animée par Alain Madelin « Idées-Action » en 1995, devenu le parti « Démocratie Libérale » (1997), pour finalement constituer le mouvement associé UMP des « Réformateurs » en 2002, il est un fervent soutien des idées libérales. Cet engagement est à l'origine, en 2009, de sa participation active à la création du Parti Libéral Démocrate, et de sa volonté de promouvoir la réforme des collectivités territoriales en se présentant aux élections du conseil Général des Hauts de Seine dans le canton de Chaville. Par ailleurs, père de deux enfants, diplômé HEC (EMBA-CPA), IAE, Dauphine.

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