Pétrole : pourquoi Russie et Arabie saoudite se font la guerre ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 10 mars 2020 à 11h44
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35 DOLLARSLe prix du baril de pétrole a chuté sous la barre des 35 dollars le 9 mars 2020.

Le krach boursier du 9 mars 2020 est lié à la combinaison de facteurs que sont l’épidémie de coronavirus et la guerre des prix du pétrole entamée entre la Russie et l’Arabie saoudite. Mais quel est leur intérêt de faire chuter le prix du brut ?

Laminer les producteurs de pétrole de schiste américains

Sur le marché pétrolier, deux types de pétrole se battent pour être rentables : le pétrole classique, tiré des réservoirs naturels sous la croûte terrestre sur terre ou en mer, et le pétrole de schiste, nouveau venu sur le marché depuis quelques années et qui a changé la géopolitique du secteur. Grâce à lui, les États-Unis ont fortement augmenté leur production de brut. De fait, ils ont gagné de l’importance sur le marché, aux dépens de l’Arabie saoudite, des pays membres de l’Opep et de la Russie.

La guerre dans laquelle se sont lancés Russie et Arabie saoudite peut donc sembler, au premier abord, une guerre entre les deux pays… mais elle cible avant tout les États-Unis et leur pétrole de schiste. Car le prix de production de ce type de pétrole est plus élevé… et la production baisse très rapidement, contrairement aux réservoirs classiques.

Plus cher à produire, plus rapide à tarir : le pétrole de schiste mis à mal

Le pétrole de schiste n’est pas un investissement de long terme : on estime qu’un puits voit sa production baisser de 70% au bout d’un an et de 85% en trois ans… contre 5% environ en moins chaque année pour un puits traditionnel. Les puits se font et se défont comme un rien, ce qui coûte de l’argent.
En fait, pour être rentable, le pétrole de schiste doit être vendu à plus de 60 dollars le baril, en moyenne. Début 2020, la rentabilité était donc déjà limite, mais avec cette baisse du prix de près de 50% en trois mois, cette même rentabilité a été anéantie. Et ce même si, mardi 10 mars 2020, un rebond en Bourse pour le brut a eu lieu de plus de 7%. Le baril de WTI est toujours sous les 35 dollars, moitié moins de ce qui serait nécessaire pour que le pétrole de schiste soit réellement rentable.

Les États-Unis pourraient donc faire face à une crise majeure du secteur pétrolier ce qui redonnerait la mainmise sur le marché à l’Opep et la Russie. À moins que…

Et si la Russie voulait faire cavalier seul ?

Allié historique de l’Opep dans ce qu’on appelait généralement l’Opep+, la Russie pourrait avoir une autre idée en tête : faire cavalier seul. Le pays a un avantage sur l’Arabie saoudite : sa proximité avec la Chine et son indépendance partielle de la production pétrolière.

En quittant l’Opep+, si tel a vraiment été le fin mot de son refus de réduire sa production, elle pourrait changer la géopolitique du pétrole en se concentrant sur la Chine post-coronavirus : l’activité devrait y reprendre de plus belle.

De plus, on estime que le pétrole russe est rentable, pour le pays, dès lors que le baril de se trouve aux alentours de 45 dollars, contre plus de 80 dollars pour l’Arabie saoudite. Si Vladimir Poutine réussissait à influencer, à lui seul, le marché du pétrole, il se placerait en position dominante sur un marché stratégique.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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