Police, justice, prison : que faire ?

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Par Jacques Bichot Publié le 30 janvier 2018 à 5h00
France Crise Prisons Ministere Justice
3,9 %En 2018, le budget du ministère de la Justice doit augmenter de 3,9 % par rapport à 2017.

Le récent mouvement de contestation de leurs conditions de travail auquel ont participé bon nombre de gardiens de prison a été traité, comme souvent, avec des tranquillisants, au lieu de chercher l’origine du problème et les remèdes appropriés.

Augmenter le nombre des gardiens et les primes auxquels ils ont droit sans véritablement améliorer l’efficacité de leur travail, c’est dépenser toujours plus pour un résultat identique ; ce n’est pas du tout ce qu’il faudrait faire pour sortir de l’ornière que l’Etat français creuse depuis plusieurs décennies, et où la France s’enlise de plus en plus.

Comme souvent, améliorer l’efficacité passe par des investissements. La surpopulation carcérale est à l’origine d’une partie conséquente des problèmes rencontrés par les surveillants. La construction de davantage de nouveaux bâtiments, mieux conçus, est nécessaire. Elle constitue un préalable à l’indispensable rénovation d’anciens bâtiments, mais elle ne doit pas pour autant être réalisée dans la précipitation : il faut que soient bien définies les propriétés dont doivent être dotés les différents lieux de détention selon la « clientèle » à laquelle ils sont destinés. A la diversité des condamnés doit répondre une diversité et une adaptabilité de ces locaux.

Nul n’arrive à la case prison sans être passé par la case justice, et pour la plupart des condamnés il y a eu d’abord une entrée par la porte police. La coordination des trois services — et aussi, dans bien des cas, la coordination avec un quatrième service, le suivi des condamnés remis en liberté — est évidemment névralgique pour le bon fonctionnement de l’ensemble. La prison est une formule coûteuse (plus de cent euros par jour) et le temps de travail des magistrats et de leurs auxiliaires, comme celui de la PJ, n’est pas gratuit. Là encore, une bonne gestion, différente de la routine administrative, est nécessaire. Il ne s’agit pas de faire des économies de bouts de chandelle, mais de réaliser une coordination efficace de façon à faire plus et mieux pour chaque euro demandé au contribuable.

Pour cela, des doubles compétences sont nécessaires : il nous faut des juges capables d’optimiser le fonctionnement du tribunal ou de la chambre dont ils ont la responsabilité, et de trouver avec les responsables des forces de police et de gendarmerie et avec ceux des institutions carcérales les moyens de faire mieux en dépensant moins – charge au législateur et à l’autorité réglementaire de réviser les textes dont ils ont la responsabilité à la lumière des critères d’efficacité ainsi dégagés.

Faire des économies sur les fonctions régaliennes au détriment de la qualité du service rendu n’est pas la solution. Comme dans toute entreprise, la qualité et la quantité des services rendus doit augmenter d’année en année sans majoration du coût unitaire, et dans beaucoup de cas conjointement avec une diminution de ce coût.

L’efficacité des forces de l’ordre dépend du respect dont elles font l’objet de la part des personnes auxquelles elles ont affaire. Le niveau de ce respect est aujourd’hui beaucoup trop bas. Nous ne devons pas nous résigner à devoir envoyer des effectifs pléthoriques dans certaines zones de non-droit parce que l’intégrité physique d’un petit contingent, et a fortiori d’un agent en solo, y est en grand danger. L’amélioration de l’efficacité du quadrige police-justice-détention-réinsertion passe par une réhabilitation du principe d’autorité. Cela est également nécessaire pour que l’exercice répressif de l’autorité soit convenablement focalisé : des forces de l’ordre désavouées dès qu’elles font leur travail avec vigueur auprès de personnes agressives ont tendance à compenser en étant trop sévères vis-à-vis de braves gens dont elles n’ont à redouter ni coups ni injures.

La question est : la France dispose-t-elle d’un personnel politique et d’une haute administration capables de travailler dans le sens qui vient d’être indiqué ? Notre production de lois et de règlements est délirante, et cette boulimie empire encore au fil des ans. Notre gestion budgétaire est organisée de façon largement déconnectée des réalités : on semble s’imaginer en haut lieu que faire des économies, c’est diminuer quelques enveloppes budgétaires, alors qu’il s’agit en réalité d’améliorer des comportements et de gérer mieux, au double niveau de chaque service et de l’agencement des services.

Ce sont les services qui économisent en travaillant mieux. La politique d’économies parachutées par des élus ou des services des Finances qui ne connaissent pas grand-chose aux réalités du terrain, politique relayée ensuite par des administrations centrales qui ne sont pas toujours tellement plus au courant des vrais problèmes et des solutions possibles, conduit à faire travailler les fonctionnaires avec des instruments obsolètes, mal adaptés ou mal entretenus – le personnel de l’ensemble police-justice-pénitentiaire en sait quelque chose !

Il ne suffit donc pas, pour augmenter la production de services publics, d’augmenter les crédits budgétaires : il faut surtout insuffler un esprit gestionnaire, une volonté d’efficacité, en donnant une autonomie suffisante aux responsables de divers niveaux, en récompensant ceux qui obtiennent de nettes améliorations et en recyclant ceux qui ne font pas l’affaire là où ils ont été placés.

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Jacques Bichot est économiste, mathématicien de formation, professeur émérite à l'université Lyon 3. Il a surtout travaillé à renouveler la théorie monétaire et l'économie de la sécurité sociale, conçue comme un producteur de services. Il est l'auteur de "La mort de l'Etat providence ; vive les assurances sociales" avec Arnaud Robinet, de "Le Labyrinthe ; compliquer pour régner" aux Belles Lettres, de "La retraite en liberté" au Cherche Midi et de "Cure de jouvence pour la Sécu" aux éditions L'Harmattan.

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