Politique : le paradoxe du mégaprojet

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Par Franck Meudec Publié le 28 avril 2017 à 5h00
Politiques Publiques Echec Megaprojets

Les "mégaprojets", ces projets de construction d’envergure souvent initiés par les gouvernements fraîchement élus, sont par définition très risqués, en termes de dépassements de délais et de budget, à cause de la diversité des acteurs impliqués et de la complexité de leurs relations. Une solution de collaboration est plus que jamais nécessaire pour accompagner ces projets et contribuer à leur succès.

‘Mégaprojet’ est le terme que l’on attribue aux projets d’investissement de plusieurs milliards d’euros que sont les voies ferrées, aéroports, routes et lieux de divertissement de grande envergure. De tels projets peuvent transformer l’économie d’un pays. Prenons l’exemple du Canal de Panama : il représente une part significative du PIB de ce pays. Et la ville de Hong Kong serait probablement paralysée sans l’efficacité et la propreté de son métro, le MTR, qui a permis à cette ville densément peuplée de construire au-delà des quartiers du centre-ville.

C’est peut-être la raison pour laquelle, dès qu’un gouvernement est élu, un nouveau mégaprojet est annoncé. En effet, ces grands projets de développement, sur le succès desquels les leaders politiques misent leur réputation, aident le pouvoir en place à constituer un héritage. Les mégaprojets sont d’ailleurs tout autour de nous : cela va de l’Hexagone Balard, le Ministère de la défense inauguré en 2015, au nouvel Hôpital Grace de Monaco à la fois de nouvelle génération et HQE (Haute Qualité Environnementale), ou encore le projet Fibr’Alsace destiné à installer la fibre dans toute la région.

Toutefois, qui dit mégaprojet dit aussi méga risque, ce qui mène à un paradoxe. Au fur et à mesure que s’enchaînent de multiples activités, la complexité augmente, entraînant une mauvaise coordination affectant le contrôle des travaux de conception et de construction, avec des retards significatifs et des dépassements de coûts importants : neuf projets sur dix subissent des difficultés financières et accusent des retards. Pourtant, ce n’est pas une fatalité : il est possible d’exécuter des mégaprojets avec un risque minimal, dans les délais et selon le budget établi. Mais une collaboration efficace est nécessaire.

L’échec des mégaprojets n’est pas un phénomène nouveau. Le spécialiste en géographie économique danois Bent Flyvberg a déclaré en 2009 : “Où que nous allions dans le monde, nous sommes confrontés à un nouvel animal politique et physique : le mégaprojet d’infrastructure de plusieurs milliards d’euros.” Chaque pays a fait l’expérience de mégaprojets ayant accusé des retards et généré de faibles retours sur investissement, contrairement aux attentes de relance de l’économie. Par exemple, le Tunnel sous la Manche ouvert en 1994 dépassa le budget alloué de 8.2 milliards d’euros, soit 190% de plus que les prévisions budgétaires, ce qui poussa plusieurs sociétés au bord de la faillite. Plus récemment, au Royaume-Uni, la campagne pour l’arrêt du projet HS2 - un projet de ligne à grande vitesse entre Londres et les Midlands - a entrainé une augmentation des coûts pour la seconde phase de la ligne de l’ordre de 39% soit 17,4 milliards de livres.

Dans quelles circonstances un projet échoue-t-il et pourquoi ? Dans la réalité, les mégaprojets sont l’œuvre, non pas d’une seule organisation, mais d’un réseau de plusieurs entités privées et publiques qui adhèrent à des objectifs et des stratégies élaborés par un groupe central d’intervenants principaux, chacun ayant sa propre équipe de direction et de planification, ses propres objectifs et pressions. Il n’est pas étonnant que ces intervenants ne soient pas toujours d’accord entre eux. Et il suffit de peu pour faire dérailler un projet. Prenons l’exemple de la Philharmonie de Paris, salle de concert de 2 400 places dans le Parc de la Villette, dont la construction a connu de nombreux revirements, avec un dépassement de budget de plus de 200 millions d’euros (pour un total de 391 millions d’euros) et un retard d’environ deux ans, pour un total de quatre années de travaux. L’inauguration officielle, qui a eu lieu en février 2015, a été organisée alors que le bâtiment n’était pas encore achevé ! Les revirements politiques qui ont accompagné ce projet, ainsi que les difficultés d’organisation et de collaboration de tous les acteurs impliqués dans la construction, ont contribué à la situation actuelle selon laquelle la rentabilité financière de la salle est loin d’être garantie.

Etant donné les difficultés engendrées par des changements, et le besoin d’intégrer le travail de centaines d’entreprises et de milliers d’employés, l’utilisation d’une plateforme de collaboration appropriée basée sur le cloud est la meilleure manière de connecter toutes les activités d’un projet. Une solide gouvernance sur la manière dont les intervenants et les entreprises interagissent entre eux permet de réduire les problèmes liés au projet, voire de prévenir leur apparition. Généralement, le nombre de participants impliqués dans la phase d’exécution d’un mégaprojet dépasse les 10 000 sur l’ensemble d’une vaste chaîne logistique. Pendant la construction du Terminal 2 de Heathrow en Grande-Bretagne, les équipes ont utilisé une technologie de collaboration afin d’assurer le succès de la gestion et de la coordination d’un gros volume de communications et d’information projet échangées entre des centaines de sociétés. Le logiciel étant basé sur le cloud, les équipes ont gagné en flexibilité pour faire face aux fluctuations de la demande pendant les phases de construction les plus intenses, permettant au terminal d’être achevé dans les temps, avec un minimum de perturbations. Cette solution collaborative basée sur le cloud a été utilisée pour simplifier et gérer ce projet immense et complexe. La collaboration, c’est savoir ce qui se passe à tout moment et sur tout aspect du projet et être capable d’agir en connaissance de cause.

Le message est clair. On peut atténuer les risques grâce à une collaboration fructueuse. Et pas seulement le risque financier ; cela va plus loin que les budgets et les prévisions. Et ce n’est pas seulement le fait que la technologie soit dans le cloud qui permet le succès du projet. Le succès d’une plateforme collaborative repose sur le fait que chaque intervenant suit une méthode rigoureuse et utilise la technologie pour partager, contrôler et mettre à jour des actions, stimuler la productivité et gérer les variations.

Considérez l’impact qu’une plateforme collaborative peut avoir sur les RFI (demandes d’informations) et sur le processus de modification. Bien souvent, des dizaines de personnes sont impliquées dans l’élaboration, l’exécution et l’approbation d’un RFI. Et avec autant d’intervenants, les retards, les reprises et les dépassements de coûts sont fréquents, surtout lorsque chaque personne aborde le sujet d’une manière différente. Une plateforme collaborative basée sur le cloud permet de standardiser, d’optimiser et de visualiser l’ensemble des processus en ligne. Un système unique et partagé assure que les modifications sont contrôlées avec rigueur sur l’ensemble de la chaine ; le système peut simplifier les recherches ainsi que le suivi des indicateurs de performance (KPI) permettant à chaque membre d’une équipe projet de comprendre le statut de chaque élément d’information.

Le paradoxe lié à un mégaprojet est un risque que l’on peut atténuer. Les facteurs sociaux, économiques et géographiques rendent la gestion de ces projets particulièrement difficile, mais une stratégie combinée à une plateforme de collaboration efficace permettra une visibilité des activités et des risques encourus sur l’ensemble d’un projet ou d’un programme, tout en réduisant les problèmes et en rendant le processus bien plus agréable pour tous les intervenants. Ce système permet de protéger la réputation d’un gouvernement, en laissant un héritage positif dont les générations actuelles et futures se souviendront.

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Franck Meudec, Directeur France chez Aconex

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