Adieu Liberté pour 30 ans ?

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Par Olivier Myard Modifié le 28 décembre 2018 à 7h30
France Oeuvres Art Isf Impots
46,2%Selon les calculs de l'OCDE, les prélèvements obligatoires culminent à 46,2% en France.

Pour une majorité des Français, le chaos actuel est le résultat direct de la mise en œuvre, depuis 18 mois, d’une politique perçue à tort comme libérale. Cette erreur de jugement risque de plomber l’idée de liberté économique en France pour 30 ans.

Dans la grande tradition de l’Ecole de Vienne, la liberté individuelle, avec un Etat assurant au meilleur coût ses fonctions régaliennes (ordre public, défense du territoire, protection des droits de chacun y compris ceux des individus les plus vulnérables), permet à chacun de mettre en oeuvre ses talents pour développer l’activité, et donc l’emploi, les rentrées fiscales, pour le plus grand profit de la société dans son ensemble.

La France, qui culmine à 46,2% de prélèvements obligatoires en 2017 (source OCDE), devançant désormais le Danemark et la Belgique, est bien loin de cet idéal avec un Etat omniprésent contrôlant 57% de l’économie.

Mais pour l’électorat, la politique mise en oeuvre depuis mai 2017 est « libérale ». Il s’agissait en effet, à en croire le discours du nouveau gouvernement, de libérer l’économie française et réformer sans tabou ni entrave.

La diabolique dynamique des « 3L »

C’était sans compter sans la dynamique diabolique de la Cinquième République depuis l’instauration du quinquennat, celle des 3L. Les 3L rythment la vie politique française et se résument par « d’abord on lèche, puis on lâche, enfin on lynche ».

Sarkozy et Hollande ont tous les deux connu ces trois séquences successives. Comme toujours avec Emmanuel Macron, tout a commencé par un « Etat de grâce », le monde entier était en admiration pour notre président, si jeune, si séduisant, si volontaire… Le premier « L » de la lèche.

A peine plus d’un an après l’élection, toute une série de signaux ont commencé à éroder cet appui populaire, le point d’orgue ayant été constitué, au début de l’été, par l’affaire Benalla. Ce fut le deuxième « L », celui du lâchage.

A partir de là, tout s’est enrayé, au point de nous faire assister à la situation actuelle, au caractère quasi-insurrectionnel, rythmé par les cris de « Macron démission ». Le troisième « L », celui du lynchage, est en place.

Cette fois-ci, cette étape obligée du mandat présidentiel revêt un caractère dramatique et une intensité rarement atteinte dans le passé (hormis lors des épisodes révolutionnaires). En conséquence, il est fort à craindre que « l’élan réformateur » du début du quinquennat soit stoppé net.

Libérer l’économie en France serait une mission impossible

Un des symptômes de ce « mal français », pour reprendre l’expression d’Alain Peyrefitte, l’ancien ministre du Général de Gaulle, est la résurgence du débat sur l’ISF, impôt ô combien populaire, mais réduit à son volet immobilier…

Même si le président en a exclu toute résurrection dans son volet financier, la tentation est forte d’apaiser les gilets jaunes, tout en créant de nouvelles recettes fiscales– bien qu’il s’agisse d’un impôt imbécile, destructeur d’emplois.

Lorsqu’il l’a supprimé, le gouvernement a surtout communiqué sur l’attractivité de notre pays et le concept, qu’il voulait exterminer, d'« Incitation à Sortir de France ». Deux idées peu parlantes pour la quasi-totalité de nos concitoyens. Pourtant parmi les nombreux défauts de cet impôt, il y avait encore pire : les conséquences désastreuses pour notre économie en matière de développement des entreprises et de création d’emplois.

Comment l’ISF pèse sur les entreprises

L’ISF forçait en effet les actionnaires d’entreprises familiales à exiger de gros dividendes, pour non seulement assurer leur train de vie mais aussi financer leur contribution à l’ISF. S’ils n’avaient pas les capacités nécessaires à l’accès à un poste de direction au sein de l’entreprise familiale, ils ne pouvaient défendre que leur patrimoine était leur outil de travail et ne bénéficiaient donc pas d’exonération. Résultat, la solidité financière de ces entreprises, versant trop de dividendes, était laminée. Cela handicapait leurs perspectives de développement et donc de création d’emploi et, à terme, de génération des ressources fiscales supplémentaires.

Ré-instituer l’ISF reviendrait à se tirer une balle dans le pied et à lâcher la lutte contre le chômage et les déficits publics.

La droite conservatrice française, de retour au pouvoir en 1986, bien consciente de ce fardeau pour l’économie, avait immédiatement supprimé ce qui était alors l’IGF (impôt sur les grandes fortunes, ancêtre de l’ISF). Elle a perdu les élections deux ans plus tard. La leçon fut retenue. Traumatisée, la droite attendra près de 30 ans avant d’oser introduire à nouveau cette réforme dans son programme électoral…

L’échec radical du gouvernement actuel, que l’opinion va attribuer à la mise en oeuvre de réformes économiques perçues comme libérales, va-t-il évacuer de l’agenda politique le concept de libéralisme en France jusqu’en 2048 ? Si cela se vérifiait, les opportunités d’investissement dynamique risqueraient de se raréfier en France, incitant les épargnants à se placer plutôt sur des supports diversifiés internationalement.

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ENA, Sciences Po Paris, Olivier Myard est aujourd’hui fonctionnaire international, en poste en Amérique du nord (États-Unis, Canada) depuis 2005. Auparavant, il avait développé sa carrière dans le secteur privé (banque, assurances), mais aussi au sein du réseau international du ministère des finances (Services économiques en ambassade) et auprès des juridictions financières (Cour des comptes, chambres régionales des comptes). Il a passé la moitié de sa vie à l'étranger et outre-mer, mais reste attentif à l’évolution de son pays, avec un regard de l’extérieur.

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