La guerre des devises, une source d’opportunités

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Par Nicolas Rousselet Publié le 20 avril 2015 à 5h00
Guerre Devis Monnaies Deflation Bce
1 100 milliards €La BCE va racheter d'ici septembre 2016 plus de 1 000 milliards d'euros de dette publique et privée.

Depuis le début de l’année 2015, de nombreuses banques centrales à travers le monde ont abaissé leur taux d’intérêt ou pris d’autres mesures afin de dévaluer leur devise.

Ces politiques ont été et restent pour les investisseurs une source d’opportunités tout en comportant également des écueils potentiels. Dans cet article, nous analysons les raisons du rythme soutenu de ces interventions sur le marché des changes et la façon dont les investisseurs peuvent exploiter les opportunités qui en découlent. « La meilleure façon de détruire le système capitaliste est de s’attaquer à la monnaie » - Lénine

Les banques centrales passent à l’offensive

Depuis le début de l’année, plus de quinze banques centrales ont déjà assoupli leur politique monétaire. Qu’il s’agisse de baisse des taux d’intérêt ou de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif, ces interventions visent à relancer l’économie à l’heure où la déflation menace. Ainsi, la relance de l’activité économique devrait passer par la baisse des taux d’intérêt et le soutien des prix des actifs financiers. En définitive, les banques centrales cherchent à affaiblir leur devise en injectant des liquidités dans le système et en accroissant la masse monétaire.

Cependant, le fait que plusieurs banques centrales œuvrent en même temps à la dévaluation de leur monnaie peut rapidement aboutir à une guerre des devises. La dernière récession mondiale majeure, au cours des années 30, l’a montré : les dévaluations compétitives peuvent finir par échapper à tout contrôle et affecter le fonctionnement normal des marchés financiers mondiaux.

L’intervention des banques centrales sur les marchés n’est pas un phénomène nouveau, mais le rythme des interventions récentes a attiré l’attention des investisseurs. Le tableau ci-dessous répertorie les mesures prises par les banques centrales depuis le début de l’année :

L’élément le plus frappant est qu’un grand nombre de ces interventions n’avait pas été anticipé par les marchés. Même la BCE – dont l’annonce d’un programme d’assouplissement quantitatif était largement attendue – a réussi à surprendre les marchés par l’ampleur des rachats annoncés : à 1 100 milliards d’euros, elle s’est avérée deux fois plus importante que prévue.

Pourquoi les banques centrales sont-elles si nombreuses à avoir pris ce type de mesures ?

En dehors des Etats-Unis, la croissance demeure poussive et cette atonie a été encore renforcée par l’effondrement des prix du pétrole, la déflation devenant une source de préoccupation grandissante. Les banques centrales ont assoupli leurs politiques monétaires pour stimuler le crédit en abaissant son coût et soutenir ainsi la croissance.

Néanmoins, ces politiques monétaires résolument accommodantes exercent des pressions à la baisse sur les monnaies. Prendre des mesures pour affaiblir le taux de change est également considéré comme un moyen efficace et commode de relancer la croissance. Ce type d’initiatives est particulièrement propice aux pays exportateurs qui bénéficient d’un taux de change plus favorable. En outre, une devise plus faible, en l’absence de déflation, devrait aider les pays lourdement endettés à gérer leurs problèmes d’emprunt. La baisse du taux de change devrait donc avoir un impact positif à court terme sur les pays concernés en rendant leurs exportations meilleur marché et en améliorant leur compétitivité.

Toutefois, dans l’environnement actuel de faible croissance où les responsables politiques peinent à maintenir leurs économies à flot, la gestion des taux de change s’appuie aussi largement sur la « théorie des jeux ». Ainsi, une récente étude de Bank of America Merrill Lynch a montré que s’il peut exister un avantage du « précurseur » en matière de dévaluation des devises, une politique de dévaluation non coopérative (dans laquelle deux pays se livrent à une dévaluation compétitive de leur monnaie respective) peut finir par nuire aux deux protagonistes. Le fait que la dévaluation profite généralement à celui qui ouvre le bal pourrait expliquer pourquoi de nombreuses banques centrales ont été si promptes à intervenir cette année.

Dans l’exemple ci-dessous, nous pouvons voir que lorsque l’euro se déprécie face au yen, le yen est pénalisé en termes d’IDE (investissements directs étrangers) – et vice versa. Ainsi, une dévaluation de 15% de l’euro devrait se traduire par des flux d’IDE positifs à destination de la zone euro et négatifs à destination du Japon, le contraire s’avérant en cas de dévaluation du yen face à l’euro.

Implications et opportunités pour les investisseurs

Nonobstant les effets à plus long terme, la guerre des devises attise la volatilité sur les marchés, créant ainsi des opportunités pour les investisseurs ayant la capacité de les exploiter. Cette augmentation de la volatilité exacerbe les anomalies de valorisation à travers les classes d’actifs – en particulier les devises.

Les marchés des changes peuvent constituer l’outil de dernier recours pour exprimer en termes macroéconomiques la divergence des politiques monétaires mondiales, non seulement en achetant le dollar ou en prenant des positions sur les monnaies du G7, mais aussi en exploitant les paires de devises hors billet vert et en incluant les devises émergentes. Intégrer les devises émergentes en plus des monnaies des pays développées démultiplie les opportunités et permet de surmonter la crainte que la « fête » se termine après une très longue période d’appréciation du dollar américain.

Autre avantage d’un investissement dans les changes : il offre une source potentielle de performances non corrélées, dans un environnement qui reste peu propice en termes de rendements. Les fluctuations du marché des changes en janvier illustrent le type d’opportunités qu’il présente, sa volatilité a nettement augmenté au cours des derniers mois.

Outre une allocation active dans les différents instruments financiers, qui peut au moins contribuer à mieux protéger les investisseurs contre les perturbations susceptibles de découler des fluctuations des changes, nous pensons que les investisseurs devraient avoir recours à des gérants capables d’adapter rapidement leur positionnement en fonction des opportunités et d’assurer la préservation du capital durant les périodes de tensions sur les marchés.

Parmi les investisseurs les mieux placés pour tirer parti des conditions actuelles sur les marchés des changes, les gérants alternatifs spécialisés dans le trading tactique nous semblent aujourd’hui constituer une bonne option. En termes de mise en œuvre et de rapidité à exploiter des opinions top-down susceptibles d’affecter les marchés des changes, les stratégies de trading tactique de type global macro se sont jusqu’à présent montrées particulièrement efficaces. Le tableau ci-dessous illustre la performance de l’indice HFRI Macro (Total) par rapport aux grands indices boursiers au cours des périodes de forte volatilité des changes :

Le trading de devises représente une grande partie des stratégies global macro, qui disposent généralement d’une vaste expertise de cette classe d’actifs. Les marchés des changes peuvent fluctuer rapidement, de sorte que les spécialistes possédant une connaissance approfondie des marchés développés et émergents, ainsi que des processus d’exécution de premier ordre, sont les plus à même d’y accéder efficacement. En conjuguant une expertise des enjeux économiques et géopolitiques mondiaux et une capacité à traduire rapidement leurs opinions en prenant des positions sur les marchés des changes en fonction de l’actualité, ces stratégies sont particulièrement bien placées pour exploiter les opportunités qui se présentent.

Nous avons conscience que les stratégies de trading tactique ont pu perdre les faveurs de certains investisseurs récemment en raison de leurs performances atones. Elles n’en constituent pas moins une opportunité d’investissement très séduisante. Outre leur avantage en termes de création de valeur via le trading de devises, ces stratégies profitent d’un environnement favorable compte tenu de l’augmentation générale de la volatilité des marchés financiers. Selon nous, les investisseurs peuvent s’appuyer sur l’expertise et la flexibilité des gérants spécialisés dans ces stratégies pour exploiter les opportunités quel que soit l’endroit où elles se présentent, sur le marché des changes ou ailleurs.

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Nicolas Rousselet , directeur général , est responsable de l'équipe Hedge Funds et membre du Comité exécutif d'Unigestion . Nicolas a été un membre du comité d'investissement Hedge Funds depuis 2008. Il a rejoint Unigestion en 2008 en tant que Directeur de la Stratégie , d'abord responsable des stratégies d'arbitrage et de crédit , puis couvrant également des stratégies de couverture d'actions .

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