Questions de politique monétaire

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Par Hervé Goulletquer Publié le 19 novembre 2019 à 13h28
Economie Politique Monetaire Japon Chine Brexit
51,89%Lors du référendum sur le BRexit 51,89% des votants ont répondu "leave"

Le marché a devant lui une large palette de comportements : réflexion en Europe, réticence à faire plus au Japon, différence de vues aux Etats-Unis et assouplissement prudent en Chine. Lesquels sont les plus adaptés ?

Parlons politique monétaire pour noter cette impression d’initiatives en ordre dispersé au niveau mondial. On en parlait hier ; en Zone Euro, la BCE se lance dans une revue stratégique. La conclusion opérationnelle est que le réglage devrait être maintenu en l’état pour un certain temps. Le temps à la fois de préparer des amendements éventuels au cadre et aux moyens d’intervention et d’observer comment l’environnement économique et financier évolue.

Au Japon, on observe une montée des réticences à toute nouvelle initiative d’assouplissement monétaire. Les épargnants et les intermédiaires financiers donnent de la voix sur les conséquences négatives de taux d’intérêt si bas, si longtemps. Le regard se tourne sur la politique budgétaire, pour apporter, si nécessaire, un soutien à l’activité. Et tant pis si la dette publique est déjà très lourde.

Aux Etats-Unis Donald Trump et Jerome Powell se sont rencontrés hier de visu pour la seconde fois de l’année. Ce n’est sans doute pas beaucoup ; mais on dit qu’ils se sont parlés entre temps au téléphone. Nous voilà rassurés ! Sur le fond, ce fût semble-t-il un dialogue de sourd courtois. Le premier s’est plaint de taux d’intérêt trop élevés, relativement au reste du monde, et le second a insisté sur un réglage monétaire conditionné par l’état de l’économie et sur un processus de décision insensible à la conjoncture politique. On aurait pu imaginer, puisque le ministre des finances, Steven Mnuchin, participait à l’entretien, que la question du meilleur couplage entre politiques monétaire et budgétaire, en cas de besoin, soit abordée. D’après ce que l’on sait, cela n’a pas été le cas ; tant pis.

En Chine, la banque centrale, la PBoC, a annoncé durant le weekend une baisse de 5pdb sur le taux des reverse repo à cinq jours. Cela fait suite à un geste similaire, il y a moins de deux semaines, sur le taux de la « facilité de prêt » à un an. Pour bien faire comprendre que l’orientation des taux d’intérêt était à la baisse, la PBoC a publié toute une série de références plus basses au troisième trimestre qu’au second. On le comprend à la lecture du rapport trimestriel sur la politique monétaire, l’objectif premier est la stabilisation de la croissance économique. Mais les initiatives d’assouplissement ne peuvent qu’être graduelles et sans doute limitées ; et ceci pour plusieurs raisons. D’abord, il faut être attentif à l’accélération des prix à la consommation. Bien sûr, elle s’explique par la fièvre porcine. Mais il faut être attentif aux mouvements éventuels des anticipations inflationnistes. Ensuite, la stabilité financière reste un impératif à garantir. Enfin, le cycle immobilier ne doit pas être géré avec des outils qui agissent au niveau de l’ensemble du pays ; mais bien plus par des actions locales.

Finissons sur la politique monétaire, pour noter une intéressante étude sur la formation des anticipations inflationnistes. Dans un papier publié sur le portail VOX (https://voxeu.org/article/exposure-frequent-price-changes-shapes-inflation-expectations), les auteurs s’interrogent sur celles des ménages. Pour noter, sans trop de surprise, une réaction avant tout aux changements de prix des produits et services communément achetés. Ils insistent surtout sur les prix de l’épicerie. Ils concluent avec une question intéressante, voire embarrassante : pourquoi la référence privilégiée par les banques centrales est-elle alors le noyau dur des prix à la consommation (hors énergie et produits alimentaires) ? Celles-ci ne risquent-elles pas de rater quelque chose ? Un point à peut-être intégrer aux revues stratégiques en cours !

Faisons le point sur la campagne électorale au Royaume-Uni en vue de l’élection législative du 12 décembre prochain. Notons d’abord que les sondages donnent un avantage grandissant aux Conservateurs. Le retrait sélectif des candidats du Brexit Party explique cela dans une certaine mesure. Les Travaillistes se redressent aussi aux dépens des Libéraux-Démocrates. Mais ils accusent au moins dix points de retard par rapport aux Conservateurs. Remarquons ensuite que les représentants des entreprises britanniques, qui ont reçu hier les leaders tory et labour, ont des réticences à exprimer une préférence. Ils paraissent coincés entre Charybde et Scylla ; c’est-à-dire entre un Brexit qui leur déplait et une politique économique socialiste d’un autre âge qu’ils rejettent. Il faut noter enfin ce commentaire plein de sagesse de deux auteurs sur le processus qui a conduit les britanniques à décider de quitter l’UE (Why the referendum on Brexit was flawed from the start, Benny Moldovanu & Franck Rosar, CEPR, novembre 2019). Pour eux, une super-majorité et peut-être un deuxième référendum de confirmation étaient nécessaires à une expression claire et non contestable. Et ceci au titre de l’asymétrie en termes de potentiel de réversibilité : voter leave engage pour longtemps (au moins une génération) alors que le choix en faveur du vote remain peut être remis en cause beaucoup plus vite.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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