[BEST OF] Pourquoi Apple devrait racheter Volkswagen

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 1 août 2016 à 8h37
Apple Volkswagen
51 MILLIARDS €Il suffit de 51 milliards d'euros pour s'offrir Volkswagen (au cours du 23 septembre 2015)

Vous avez aimé l'affaire Arthur Andersen ? Vous allez adorer l'affaire Volkswagen.

Pour ceux qui étaient encore trop jeunes, ou dont la mémoire défaille, Arthur Andersen était un cabinet d'audit mondial, l'un des "big five", ces cinq cabinets qui faisaient la pluie et le beau temps sur le marché planétaire de l'audit et du conseil. Convaincu d'avoir menti - comme Volkswagen - en ayant participé au trucage des comptes d'un de ses clients, le géant américain de l'énergie Enron, Arthur Andersen a disparu en quelques semaines. Et ses 85 000 collaborateurs, ses dizaines de milliers de clients, se sont recasés ailleurs. A l'époque, on disait d'Andersen qu'il était le "Mercedes de l'audit" (Raymond Beytoux, créateur de la revue La Profession comptable).

Voici ce qui menace aujourd'hui Volkswagen. Attention, je parle bien ici de Volkswagen, la marque automobile, et non du groupe dans lequel sont "hébergés" Audi (bien qu'impliquée aussi), mais aussi Seat, Skoda, Porsche, Bugatti, Bentley, Ducati ou Lamborghini. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans les médias, donc dans les esprits, c'est Volkswagen qui a triché. Et c'est cette marque qui va devoir disparaître, pour être remplacée par une autre, qui inspirera à nouveau confiance aux consommateurs.... qui ne sont pas n'importe quels consommateurs. Les automobilistes, en choisissant une marque, une voiture, lui confient leur vie, et celle de leur famille. Or, qui, même inconsciemment, ne douterait pas de confier ce qu'il a de plus cher à une entreprise qui a menti ?

Apple et Google, acheteurs naturels de Volkswagen

Depuis la découverte du scandale, la valeur en Bourse du groupe Volkswagen a fondu de près de 40 %. Pour s'offrir Volkswagen, numéro 1 mondial des constructeurs automobiles, il faut sortir 51 milliards d'euros (au 23 septembre). Quand on pense que le groupe est ultra rentable (était), et réalise 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires (2014), compte 600.000 salariés, a vendu 10 milions de voitures l'an dernier... on se dit que ce n'est pas cher payé pour une telle pépite de l'industrie, dont le seul tort est d'avoir triché, comme tous les autres, mais de s'être fait prendre, avant les autres.

A ce moment-là de l'histoire, on se dit que Volkswagen, qui vient de perdre son patron - qui s'accrochait en dépit du bon sens à son poste au lieu de démissionner au moment même de la découverte du scandale - a besoin de se réinventer. Or, quoi de mieux pour se réinventer que de.... changer de marque et de modèle de croissance ?

C'est exactement ce que se disent deux entreprises de taille mondiale, phares dans leur secteur d'activité, et qui lorgnent sur celui des autres, certaines de leurs atouts maîtres : une marque puissante, un savoir-faire, une réputation. Ça tombe bien. Ce sont ces mêmes deux entreprises qui parlent depuis des années pour l'une, des mois pour l'autre, de se lancer dans l'automobile, from scratch. Je parle bien évidemment de Google, dont les voitures autonomes ont déjà sillonné des milions de kilomètres, et d'Apple, dont le Wall Street Journal annonce... le 22 septembre, hasard, que la première voiture autonome estampillée d'une pomme pourrait être commercialisée en... 2019 !

Une extraordinaire aubaine pour ceux qui voulaient se lancer dans l'automobile

On ne le répète peut-être pas assez dans les médias, mais le trésor de guerre, l'argent "immédiatement disponible" sur le compte courant d'Apple, représente 200 milliards de dollars, soit 180 milliards d'euros. Plus de trois fois la valeur boursière de tout le groupe Vokswagen !

Loin derrière, Microsoft dispose quand même de 80 millliards de dollars en banque. Mais qui voudrait conduire une voiture estampillée Microsoft, dont Windows a été, et reste abonné aux bugs et aux piratages en série, depuis son invention ? En 1998, le PDG de General Motors, brocardé par Bill Gates pour le "manque d'innovation" de son groupe, avait répliqué avec une tirade devenue célèbre :

"Si General Motors avait développé sa technologie comme Microsoft, les voitures que nous conduirions aujourd’hui auraient les propriétés suivantes : Votre voiture aurait un accident sans raison compréhensible deux fois par jour. Chaque fois que les lignes blanches seraient repeintes, il faudrait racheter une nouvelle voiture. Occasionnellement, une auto quitterait l’autoroute sans raison connue. Il faudrait simplement l’accepter, redémarrer l’auto et reprendre la route, Les témoins d’huile, de température et de batterie seraient remplacés par un unique témoin "Défaillance Générale". L’airbag demanderait "Êtes-vous sûr ?" avant de s’ouvrir. Occasionnellement la condamnation centralisée de la voiture se bloquerait. Vous ne pourriez alors la rouvrir qu’au moyen d’une astuce, comme par exemple simultanément tirer la poignée de porte, tourner la clé dans la serrure et d’une autre main attraper l’antenne radio."

Reste Google, en troisième position, avec tout juste, au dernier pointage (mai 2015) de quoi racheter Volkswagen cash. Mais une entreprise comme Google n'aurait aucun mal à emprunter pour emporter la mise, en cas de besoin !

Voilà ce qui pourrait arriver de mieux à Volkswagen, ses employés, ses marques, ses brevets, son savoir-faire. Etre "sauvé" à un moment délicat de son histoire, quand tout, sauf sa marque et sa valeur boursière, est encore quasiment intact. J'ai du mal à imaginer que Tim Cook, le patron d'Apple, ne soit pas en train d'y penser en ce moment même. Savez-vous qu'il s'est vendu... 700 millions d'iPhone dans le monde, depuis son lancement en 2007 ? Cela en fait des clients prédisposés à conduire une voiture estampillée d'une pomme, surtout si les nouveautés high-tech dédiées à l'automobile, sorties tout droit des labos de recherche de Cupertino, le siège d'Apple, déferlent tout droit dans les prochains modèles d'ex VW, mais aussi dans toutes les autres voitures du groupe....

Pour la petite histoire, Apple et les constructeurs automobiles allemands ont déjà un peu flirté dans le passé. Quand Steve Jobs comparait le marché de l'informatique à celui de l'automobile, il rappelait qu'Apple pesait plus que... BMW et Mercedes, l'élite des constructeurs mondiaux, réunis. Au tout début des années 2000, Mercedes avait de son côté imaginé une publicité dans laquelle un Noé des temps modernes sauvait ce qu'il y avait à sauver de notre monde. Dans le lot, bien sûr, se trouvait une Mercedes. Mais Noë emportait aussi à bord un.. Macintosh, en l'occurence un iMac ! Mais le comble, c'est que la publicité de Mercedes avait en fait copié une publicité identique de... Volkswagen, datant de 1972, où montaient à bord de l'arche de Noë deux coccinelles...

Tim Cook, le patron d'Apple, sera-t-il le Noë de Volkswagen ? Les prochaines semaines, peut-être, les prochains jours, nous le diront. Quoi de mieux qu'un constructeur informatique à la réputation sans tâche pour restaurer la confiance dans une marque automobile, engluée dans une histoire de lamentable bidouillage informatique ?

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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