BCE : Encore plus de QE

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Par Stéphane Déo Publié le 5 juin 2020 à 11h59
Politique Monetaire Bce Rachat Obligations
600 MILLIARDS €La BCE a annoncer augmenter de 600 milliards d'euros son programme de rachat d'actifs.

Comme attendu la BCE a annoncé une augmentation de son QE tout en laissant la porte ouverte à plus. Il faut aussi noter le réinvestissement des tombées reporté jusqu'à fin 2022, un moyen de repousser la date limite de convergence des clefs de répartition. Finalement la BCE a aussi révisé ses prévisions d'inflation à la baisse, un moyen de montrer à la cour constitutionnelle allemande qu'elle doit en faire plus.

Point de marché : Italie vs. Grèce, le grand n'importe quoi

Les taux grecs ont énormément baissé : de plus de 10% en 2015, à 4,2% en moyenne en 2018, puis 2,6% en 2019 mais sous les 1,5% hier soir. Tout ceci à tel point que les taux 10-ans grecs sont passés sous les taux 10-ans italiens hier, certes de manière temporaire. Mais l'anecdote valait la peine d'être soulignée. Cela reste une aberration totale d'un point de vue fondamental et doit probablement beaucoup au fait que la dette grecque disponible sur les marchés est d'une taille restreinte.
Il faut faire attention à comparer « proprement » ces deux taux car les souches de référence du 10-ans des deux pays ont, en fait, presque un an d'écart. C'est ce que nous faisons avec un modèle de courbe dans le graphique suivant.
Les choses sont rentrées dans l'ordre hier soir, l'Italie (BBB chez S&P) est sous la Grèce (BB- chez S&P) mais l'écart entre les deux ne reflète absolument pas l'écart de fondamentaux.

Augmentation du QE

La BCE a pris deux décisions de politique monétaire importantes concernant le PEPP. Pour rappel le « Pandemic emergency purchase programme » a été présenté le 18 mars dernier pour 750 milliards et mis en place presque immédiatement, dès le 26 :

  • Le programme est augmenté de 600 milliards.
  • Il est prolongé « au moins jusqu'en juin 2021 »

Commençons par les chiffres. Si le programme est mis en place dans sa totalité, le montant des titres détenus par la BCE passera de 3 019,918 milliards (la situation à la fin de la semaine dernière) à plus de 4 300 milliards. Une augmentation de 1 280 à venir s'ajoutent aux 380 milliards déjà faits depuis le début de l'année.
Pour remettre ces chiffres en perspective, la BCE devrait donc dépasser les 1 000 milliards de QE cette année avant fin octobre, en dix mois donc. Lors de la dernière crise, il avait fallu attendre avril 2016 pour dépasser les 1 000 milliards, huit ans après le début de la crise. Cela donne une idée de l'accélération plus qu'impressionnante de la BCE.

A cette vitesse toutefois il y a un problème : l'ajout de 600 milliards permettrait à la BCE de tenir jusqu'à fin mars, mais pas jusqu'à juin. Il faudrait donc une rallonge de plus, ce qui ne semble pas être un sujet d'inquiétude, Christine Lagarde a ouvert la porte en très grand à une augmentation de plus.
On peut aussi penser que la BCE va ralentir ses achats. L'idée est le fameux « go early, go big », et effectivement si on regarde les interventions, il y a une tendance à la baisse des achats de la BCE, et de manière beaucoup plus nette pour la Fed.


La BCE a aussi décidé de réinvestir ses tombées « au moins jusqu'à la fin de 2022 ». Il semble plus qu'évident que la BCE continuera longtemps à le faire : la Fed qui s'était risquée à réduire son bilan l'année dernière, même de manière prudente et dans un environnement économique porteur, avait très vite fait face à des problèmes. C'est aussi un moyen de botter en touche pour les clefs de répartition : en maintenant le programme ouvert jusqu'à la fin 2022, la BCE se donne peut-être aussi un moyen de repousser les délais de convergence vers les clefs de répartition. Une manière très maline de se donner encore des marges de manœuvres.

Autre point sur la BCE, l'insistance forte de Christine Lagarde sur l'analyse faite par la BCE sur la pertinence du QE, elle a d'ailleurs répété très souvent que la BCE avait fait une « analyse cout bénéfice ». Pour supporter ces dires, les prévisions d'inflation de la BCE ont été révisées à la baisse (Cf. le tableau ci-dessous publié par la BCE) avec une trajectoire très clairement insuffisante par rapport à l'objectif. Et donc l'idée que la BCE doit en faire plus parce qu'elle n'en a pas fait assez. De là à dire qu'elle a trollé la Cour Constitutionnelle allemande…

Stéphane Déo

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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