Des questions sino-américaines sur l’environnement des marchés émergents

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 10 septembre 2018 à 12h04
France Chine Relations Commerciales Enjeux
200 MILLARDS DE DOLLARSLe Président Trump devrait alourdir les taxes sur 200 milliards supplémentaires d?importations chinoises.

Alors que Washington pourrait taxer 200 milliards de dollars de biens chinois, Trump a de nouveau évoqué une salve supplémentaire.

Le Président Trump menace d'alourdir les taxes sur 200 milliards supplémentaires d’importations chinoises

Comment démêler cet écheveau américain, qui entrecroise économique et politique de façon si serrée que l’investisseur a bien du mal à distinguer le favorable du défavorable ? Du côté de la politique, il faut noter les nouvelles menaces du Président Trump. Alors qu’il est prêt à enclencher d’un jour à l’autre l’alourdissement des taxes sur 200 milliards supplémentaires d’importations chinoises (rappelons que 50 milliards de marchandises made in China sont déjà concernés), il se met à évoquer la sur-taxation du solde. Ce qui représente au moins 200 autres milliards.

Comment l’économie chinoise et au-delà celle de nombreux pays asiatiques encaisseront-elles un tel choc ? Du côté de la conjoncture, les chiffres de l’emploi d’août dessinent une activité qui se poursuit à bon rythme aux Etats-Unis. Le marché du travail reste indiscutablement dynamique, tant et si bien que l’accélération des salaires, certes à un « pas de sénateur » se poursuit. Comment alors ne pas considérer que la poursuite des hausses tant des taux d’intérêt américains que du dollar se maintiendrait ? Le message ne peut pas être très favorable pour des marchés émergents déjà fragilisés. Surtout si on le mêle à celui porté par les questionnements sur la Chine.

Chine : maintien d'une croissnce élevée obligatoire

Revenons sur la question chinoise. A côté de la politique du Président Trump, elle est clé dans la compréhension de l’environnement des marchés. Pékin sait pertinemment que Washington refuse le rattrapage militaire, technologique et économique qu’il a enclenché. Les officiels chinois ont conscience que la route, surtout sur les terrains de la défense et du revenu par tête, est particulièrement longue. Son budget militaire est le tiers de l’américain et le PIB par tête, le cinquième. Ces mêmes dirigeants ont clairement en tête l’épisode de la fin de l’Union soviétique : une économie trop faible pour se maintenir dans la course à l’armement imposée par Ronald Reagan. Les nécessités diplomatiques et de défense ne pouvaient être alignées avec les revendications sociales et politiques intérieures ; l’empire soviétique s’effondra.

Bien sûr, le dynamisme économique de la Chine est aujourd’hui sans commune mesure avec celui de l’URSS il y a trente ans. Il n’empêche que financer un budget militaire toujours plus gros (aujourd’hui all in all sans doute de l’ordre de 230 milliards de dollars par an) et un programme des « routes de la soie », au coût total d’environ 1000 milliards de dollars, demande le maintien d’une croissance élevée, surtout si la montée en gamme de l’économie et la poursuite de l’augmentation du bien-être de la population doivent aussi être assurés.

Tout en admettant que les évolutions de la démographie et de la productivité poussent à un ralentissement inévitable du tempo de l’activité. Comment faire, alors que la politique américaine à la fois pèse sur la demande extérieure et pousse à une réorganisation des chaines de valeur au niveau mondial ? Bien sûr en accélérant le changement de moteur de la croissance : la demande intérieure doit s’imposer comme la source principale et durable de la génération de davantage de richesse en Chine. Mais est-ce possible tant que les freins structurels (fort endettement et état de santé des entreprises publiques) n’ont pas été levé ? Est-on sûr que la politique de relance en cours est à même de fournir les résultats entendus dans un tel contexte ?

Autant de questions qui taraudent les officiels chinois. Que vont-ils faire ? Considérer qu’ils disposent des moyens de relever le défi lancé par le Président américain ou admettre qu’il faut trouver la voie et les moyens de s’entendre avec Washington ? On ne sait pas répondre. Du côté américain, on les presse à ouvrir les négociations ; mais Pékin ne veut pas le faire en situation de faiblesse. Pour le moment, on ne sait pas bien où on va.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.

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