La réalité « diminuée » et ses pièges en trompe-l’oeil

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Par Michel Delapierre Modifié le 31 mai 2017 à 20h55
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Avec l’irruption des Fakes news est survenue la notion de « vérité relative », la vérité comme point de vue, comme représentation « personnelle ». Ce relativisme recule le seuil du mensonge, et sa définition, sans doute plus élastique chez Uber que chez d’autres.

Il y a peu le New York Times révélait l’existence d’un bien curieux logiciel nommé Greyball. Pour le chauffeur, il permettait de connaitre la position des voitures de police ; pour l’usagé, la carte présentée par son application omettait de signaler la présence de chauffeurs identifiés comme hostiles à la société, diminuant ainsi leurs opportunités de courses par favoristime.

Distorsion de la réalité

Si le concept de réalité augmentée n’a pas, à ce jour, conquis les coeurs et les esprits, celui de « réalité diminuée » s’est imposé. La représentation numérique du monde connait ses distorsions, ses mensonges relatifs ou par omission. Elle ne propose pas une représentation objective, mais une image à forte valeur ajoutée, orientée commercialement.

Subtilité ultime, Greyball permettait, jusqu’en 2015, de proposer moins de voitures aux clients identifiés comme mauvais coucheurs afin de les dissuader d’utiliser le service. En effet, clients mécontents de tous poils qui bénissaient la possibilité de semer étoiles et commentaires vindicatifs sur un chauffeur (et qui peuvent lui valoir une éviction rapide), sachez-le, vous aussi êtes notés, et ces informations conditionnent la qualité du service qui vous est proposé…

Vers une gestion client différenciée ?

Cette distorsion de la réalité (on vous propose moins de voitures que possible en vous mentant par omission) pose une question : le big data doit-il permettre et justifier une inégalité de traitement entre consommateurs. Un prêt bancaire facilité par une droiture documentée ? Des accès facilités aux services publics en fonction de la civilité passée du citoyen ? Si la capacité à réunir, stocker, traiter permet d’individualiser l’offre, en termes de produits proposés, de services ou de prix, elle permet du coup même coup une ségrégation « objective » de tels ou tels individus, de tels ou tels groupes. La pratique est aussi vieille que les « physionomistes » de boites de nuit. Mais les outils disponibles sont bien plus efficaces qu’un coup d’oeil sur une paire de baskets « inadéquates » et la sanction bien plus sournoise qu’un « désolé, c’est une soirée privée. »

Le Big Data et les multiples représentations du monde qu’il propose permettent de catégoriser à l’infini, de segmenter le marché jusqu’à sa fraction ultime, l’individu. Ainsi, le Big Data marque-t-il la fin de la consommation de masse uniformisée et une évolution notable des pratiques commerciales, au prix d’un fichage d’une précision absolue de tous. Sa suprématie naissante, aux mains des Gafa à 95%, annonce aussi la nouvelle guerre numérique, souterraine et sans pitié : Uber utilisait jusqu’en 2016 un autre logiciel espion nommé Hell. Il était capable de localiser discrètement et de collecter des informations sur les véhicules des concurrents pour les contrer.

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