Rebond allemand ?

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Par Stéphane Déo Modifié le 9 mai 2019 à 11h07
Allemagne Taux Negatif Argent Valeur Obligation Etat 1922

Les chiffres de production industrielle allemands, meilleurs qu’attendus, semblent montrer que le rebond de croissance sur le premier trimestre sera plus fort qu’attendu. Le bruit politique sur les négociations commerciales continue, même si le marché fait le pari qu’un accord sera trouvé. Détente sur le pétrole, une bonne nouvelle pour la croissance.

Point de marché : le marché est-il trop haut ?

Petit retour en arrière, le S&P 500 a battu son plus haut historique à quatre reprises le mois dernier. Cela a généré un certain nombre de commentaires sur la survalorisation des marchés et la perspective d’une correction. Depuis le S&P a perdu un peu plus de 2%.

Ces craintes sont-elles justifiées ? En un mot : non. Le graphique ci-dessous utilise les données depuis 1950 sur le S&P 500, et regarde la performance de la bourse sur les six mois qui ont suivi un record historique. Dans 78% des cas la bourse a généré une performance positive, en moyenne elle a gagné 4,7% sur les six mois suivants.

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Pourquoi ? Lorsque la bourse touche un plus haut historique il y a deux narratifs que l’on peut utiliser :

  • soit on parle de survalorisation et il faut alors être prudent sur la bourse qui est trop haute,
  • soit on parle d’amélioration des fondamentaux (si la bourse a battu un record c’est par définition qu’elle est en hausse) et on parie sur un prolongement de la tendance.

Morale de l’histoire, il est faux de dire qu’un record boursier est un signe avant-coureur de correction ; tout dépend des fondamentaux. Quelle interprétation favoriser à l’heure actuelle ? La croissance américaine a plutôt surpris à la hausse récemment et les chiffres européens montrent de plus en plus de signes d’amélioration eux-aussi (cf. ci-dessous l’analyse des chiffres allemands).

Ceci incite donc plutôt à l’optimisme sur les marchés.

Rebond allemand ? Il semblerait

Le chiffre de production industrielle allemand pour mars vient d’être publié, une hausse de 0,5% sur le mois, beaucoup mieux que les -0,5% attendus. Ceci porte la hausse du premier trimestre à 0,8% par rapport au T4 de l’année dernière. C’est une très bonne nouvelle après deux trimestres de forte contraction : -1,6% sur le T3 2018 et -1,1% sur le T4 l’année dernière.

C’est aussi une bonne nouvelle pour le PIB, comme le montre le graphique ci-dessous la variation de la production industrielle et celle du PIB sont très liées. Avec un +0,8% sur la production industrielle, la relation historique entre les deux agrégats suggère même un +0,5% sur le PIB. A confirmer lors de la publication du PIB le 15 de ce mois mais après la contraction du T3 l’année dernière (-0,2%) et la stagnation du T4, il s’agirait bien d’un rebond de la croissance.

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Si ce chiffre de croissance du PIB était confirmé, l’« acquis de croissance » pour l’Allemagne serait de 0,5%, dit autrement, même si la croissance était nulle sur les trois derniers trimestres de 2019, le PIB allemand gagnerait 0,5%. Les prévisions de croissance de la Commission Européenne nous semblent particulièrement prudentes, pour ne pas dire pessimistes. Le consensus, plus proche d’une croissance de 1% semble plus raisonnable.

Guerre commerciale, toujours plus de bruit

Donald Trump nous a dit que les Chinois avaient « cassé l’accord » et qu’il n’y avait « rien de mal à recevoir 100 milliards par an » de taxes à l’importation. De son côté la Chine envisage des mesures de représailles. Tout ceci sur fond de négociations qui doivent néanmoins reprendre. Si les signaux semblent pour le moins confus, la plupart des analystes s’accordent à penser qu’un accord, même à minima, est dans l’intérêt des deux partis et que l’on finira donc par converger vers cette solution.

La réaction des marchés est intéressante.

Premier point la devise chinoise qui se déprécie et commence déjà à compenser l’effet des hausses de tarif. Une augmentation des tarifs douaniers de 10% à 25% sur un gros tiers des exportations chinoises revient à augmenter le prix de celles-ci, en moyenne, de 5%. Depuis le début de l’escalade verbale, la monnaie chinoise a perdu presque 2% en passant de 6,70 à 6,81. A ce rythme la moitié des hausses de tarifs seront compensées dès demain… Il faut toucher 7,04 sur la devise chinoise pour que la dépréciation compense les hausses de tarifs. Bien sûr la réalité est plus complexe, les biens dont les tarifs n’ont pas été augmentés vont bénéficier de cette dépréciation du CNY alors que les 200 milliards d’importations pour lesquels les passeraient de 10% à 25% resteront pénalisés.

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Autre point intéressant, la réaction très modérée de la bourse jusqu’à présent ; elle ne croit pas vraiment à un arrêt des négociations. Le S&P a perdu seulement 2,2% depuis le tweet de Trump, une réaction sans commune mesure avec ce à quoi on peut s’attendre si les négociations échouent. Bref, le marché fait le pari que tout ceci n’est très probablement que du bruit. Autre signe dans ce sens : les actions globales cycliques, en première ligne donc en cas de guerre commerciale, devraient énormément souffrir, elles n’ont perdu que 0,6% de plus que le marché. Les valeurs domestiques et défensives, qui devraient être les plus immunes, n’ont pas vraiment été récompensées par le marché. Là aussi un signe que le marché ne croit pas à l’arrêt des négociations.

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Pétrole, détente ?

Le même Donald a fait monter la pression sur l’Iran qui menace de se retirer de l’accord nucléaire : après l’annonce sur les exportations de pétrole, il veut aussi bloquer d’autres matières premières. Le point important est que l’Arabie Saoudite a annoncé qu’elle se tenait prête à fournir les pays asiatiques touchés par l’embargo américain sur le pétrole iranien. Ceci a contribué à détendre les prix du pétrole : après avoir flirté avec les 75 dollars, le brent est repassé hier soir sous les 70.

Une très bonne nouvelle pour la croissance en général et la consommation en particulier.

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Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie). Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.

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