Commerce mondial : une réforme de fond est inéluctable

Par Bertrand de Kermel Modifié le 14 mai 2013 à 1h49

Les 1 125 ouvriers tués au Bangladesh nous rappellent de façon tragique que l'on ne peut plus continuer à acheter, dans nos pays riches, des produits fabriqués dans des conditions trop souvent indécentes.

Aujourd'hui, dès lors que les règles du commerce sont respectées, aucun pays ne peut s'opposer à l'importation d'un produit sur son territoire, même si le produit est fabriqué au prix de graves dégâts environnementaux et dans des conditions sociales qui piétinent la charte de l'ONU et les textes de l'Organisation Internationale du Travail. C'est totalement inacceptable au XXIème siècle.

Pour autant, la réponse n'est pas dans le repli frileux. Il faut au contraire poursuivre les échanges sur la planète, mais à condition de revoir le contenu des futures négociations sur le commerce mondial qui auront lieu au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce.

Pour cela, il faut répondre à la question suivante : quelle mondialisation voulons-nous ? Tous les messages envoyés par les peuples vont dans le même sens : ils veulent une mondialisation privilégiant la coopération et la solidarité plutôt que le « chacun pour soi ». Une mondialisation où, au lieu de prendre aux autres à coups de dumpings monétaires, sociaux, fiscaux et écologiques, chacun appuiera son développement sur le progrès social, sur l'augmentation du pouvoir d'achat et sur le respect de la nature.

Par conséquent, la réforme à conduire consiste à prendre en compte les dimensions sociales et environnementale dans les futurs accords commerciaux, en tenant compte, bien sûr, des différences de niveau en termes de développement.

En juin prochain, les chefs d'Etat vont fixer le mandat qu'ils donnent à la Commission européenne pour négocier en leur nom à l'OMC. Le contenu de ce mandat fait consensus à tous les niveaux politiques. Qu'on en juge.

LA FRANCE
1 - Le Parti socialiste, pour sa prochaine convention, vient de publier un rapport dans lequel il estime que l'Union Européenne « doit mener la bataille au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et exiger le respect des normes fondamentales définies par les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), des normes de lutte contre le réchauffement climatique, des normes techniques et sanitaires de protection des consommateurs européens... »

2 – Ce n'est pas tout. Par trois fois sur la scène internationale, entre 2009 et 2011, l'ancien Président de la République française avait proposé avec force que le droit de l'environnement, le droit du travail, le droit à la santé soient mis à égalité avec le droit du commerce. L'UMP avait approuvé sans réserve.

L'EUROPE

Le 25 novembre 2010, le Parlement Européen votait à l'unanimité une résolution sur les droits de l'homme et les normes sociales et environnementales dans les accords commerciaux internationaux qui va exactement dans le même sens. Les parlementaires européens sont représentatifs des 27 peuples.

LES PAYS EMERGENTS

Lors de la préparation du Sommet mondial du développement durable de Rio en juin 2012, l'Europe proposait la création d'une Agence mondiale de l'environnement, sans modifier quoi que ce soit au système économique mondial. Le Brésil, qui représentait les pays émergents, rejeta cette proposition, estimant que la proposition française n'avait de sens que si elle s'inscrivait dans un cadre de développement durable. Dans la perspective d'un développement durable, le Brésil refusait d'isoler l'environnement des volets économiques et sociaux

L'ONU

Le 3 juin 2011, à Beyrouth, Monsieur Ban-Ki-Moon, secrétaire général de l'ONU, déclarait : « Nous ne pourrons construire un monde juste et équitable que lorsque nous accorderons un poids égal aux trois composantes du développement durable, à savoir les composantes sociale, économique et environnementale... » Quelques semaines plus tard, il était réélu secrétaire général de l'ONU, preuve que les pays membres de l'ONU étaient d'accord avec cette déclaration.

Tout cela va dans le même sens.

Les chefs d'Etat ne peuvent décemment pas donner à la Commission Européenne un mandat qui ne prendrait pas en compte les dimensions sociale et environnementale dans les accords commerciaux, y compris bilatéraux, car ils iraient contre la volonté des 27 peuples.

Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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